Ôtes-toi de là que je m’y mette ! A Ganges, le jeudi 20 avril 2023, Emmanuel Macron a encore une fois pris la place de son ministre Pap Ndiaye pour faire, cette fois ci, des annonces sur la rémunération des enseignants. En plus d’une revalorisation de primes pour tous bien en deçà de ce qui est nécessaire, il impose une logique conditionnelle du « travailler plus pour gagner plus » avec un « Pacte » dont la logique principale est d’organiser les remplacements des professeurs absents.
Fonds et caisses (de l’État)
Le chiffre annoncé pour la partie pacte de la revalorisation semble élevé. On nous parle d’un budget entre 900 millions et 1,1 milliards pour cette partie conditionnelle de ce qu’on ne peut donc pas appeler une revalorisation. Lorsqu’on lit le détail des déclarations, on entend souvent dire que le gouvernement pense que celui-ci fonctionnerait avec un tiers des enseignants. Mais cela relève plutôt de l’espérance sur un plan budgétaire que d’une garantie d’efficacité.
Un écho du Canard Enchaîné du 26 avril dans la célèbre page 2 le dit plus clairement. A Bercy, le Ministre (sec) de l’Économie espère que cette ouverture du pacte ne sera pas trop dilatée… Ce sera plutôt un plan dégressif !
Tout cela ressemble donc à de la gesticulation où on espère secrètement en haut lieu que ce Pacte n’aura pas trop…d’impact...
Un pacte qui ne casse pas des briques
L’autre caractéristique du « Pacte » c’est qu’il repose donc sur l’obligation d’effectuer des remplacements de courte durée (RCD). C’est la première « brique » qu’il faudrait obligatoirement prendre pour prétendre ensuite avoir droit aux autres. Quelles sont ces autres missions ? Il a fallu attendre pour en savoir plus tant l’obsession était mise sur les fameux RCD.
On cite finalement les activités comme les tâches de coordination ou de référents qui sont aujourd’hui prises en compte par les Indemnités de Missions Particulières (IMP). On évoque aussi les missions de coordination des projets innovants dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) éducation. Pour le premier degré, où lorsqu’un professeur est absent, les élèves sont accueillis dans les autres classes, le Pacte repose surtout sur les heures de soutien qui s’étendent aussi jusqu’en sixième avec notamment le dispositif « devoirs faits ».
Mais, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire, cette obligation de passer d’abord par les RCD risque de décourager un bon nombre d’enseignants qui assumaient jusque là les tâches couvertes par les IMP.
A tel point qu’au cabinet du ministre, devant ce risque et la complexité de la mise en œuvre, on commence à admettre mezzo voce que la première brique ne sera pas au bout du compte forcément une obligation. Et qu’au final, le système des IMP continuera comme avant.
Devant les caméras, on donne une impression de fermeté mais ensuite… C’est au pied du mur (de briques) qu’on voit la difficulté !
Un article du Monde du 2 mai 2023, nous apprend par ailleurs que le dispositif de soutien « devoirs faits » en sixième pourtant annoncé comme acquis pour tous n’est pas financé en propre et ne pourra exister que si le Pacte est accepté par les enseignants du Primaire.
La politique de la baudruche

Il n’a fallu que deux jours pour que le fact-checking par AFP-Factuel et par le collectif « Nos services Publics » de la partie « socle » (inconditionnelle) des annonces présidentielles oblige à admettre que les fameux 10% promis se dégonflent et se réduisent à 5,5% en moyenne.
Pour la partie « pacte » (conditionnelle), il faudra plus de temps pour que la baudruche se dégonfle. Il faudra que les médias et l’opinion qui ont souvent la mémoire courte, puissent faire le bilan dans quelques mois de la réalité des engagements et surtout de la faisabilité du dispositif sur le terrain. Il n’est pas inutile de rappeler que le décret sur les remplacements de courte durée existe depuis 2005. Si ça avait si bien marché pourquoi le refaire ?
Comme souvent dans les décisions politiques en matière d’éducation, on réinvente des choses qui existent déjà et/ou on crée des usines à gaz.
Et c’est ainsi que la gesticulation et les stratégies de communication destinées à produire du bruit médiatique sont là pour masquer la pénurie et l’impuissance.
Philippe Watrelot