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Billet de blog 24 avril 2025

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Bétharram : penser en sociologue plutôt qu'en procureur

L’« affaire Bétharram » continue à susciter de nombreuses réactions. Ce peut être le déclencheur d’un véritable « metoo scolaire » et d’une vraie réflexion sur l’éducation. Le livre qui sort, « les silences de Bétharram » par sa médiatisation peut y contribuer. Mais pour y parvenir, il me semble qu’il faut bien distinguer les logiques et se garder de deux tentations d’instrumentalisation.

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𝐃𝐞𝐮𝐱 𝐥𝐨𝐠𝐢𝐪𝐮𝐞𝐬
Dans ce qui se passe autour de Bétharram il y a deux logiques qui sont intriquées.
Il y a évidemment une dimension politique qui est liée au fait que François Bayrou est, de fait, concerné par ce dossier. La tentation est grande (et elle n'est pas absente chez certains députés) d'une instrumentalisation et d'en profiter pour "se payer Bayrou" avec ce dossier. Celui-ci serait forcément coupable.
Mais il y a une autre dimension qui est sociétale et systémique. Bétharram n'est que le cas le plus visible d'un ensemble d'établissements où les mécanismes sont plus ou moins les mêmes : aveuglement, surdité, culture de la violence et masculiniste, violences sexuelles... Et la question globale est donc de se demander pourquoi "on" n'a rien vu, rien entendu... Et cela ne concerne pas/plus seulement la personne de Bayrou et sa seule responsabilité mais un ensemble de mécanismes sociaux.
Bayrou (qui ne brille pas par son courage politique) était et est encore enserré dans un ensemble de mécanismes sociaux qui n'en font qu'un "responsable" parmi d'autres. Dire cela ne le dédouane pas mais nous oblige à une analyse moins binaire et plus nuancée.

Hélène Perlant s'y est essayé et, sur France Inter, (24/04/2025), fait presque œuvre de sociologue en proposant d'expliquer les causes du «silence de Bétharram» (c'est aussi le titre de ce livre) en partant d'un double paradoxe : « plus il y a de témoins, moins ça parle » et « plus on est intriqué, moins on voit ». Les mécanismes du contrôle social et des "solidarités mécaniques" dans les petites communautés fonctionnent en effet ainsi. Et cela peut expliquer l'aveuglement et la surdité.

Même s'il est important de chercher des responsables et des coupables, pour comprendre ce qui se joue il faut penser en sociologue et non pas uniquement en procureur.
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𝐃é𝐥𝐢𝐯𝐫𝐞𝐳 𝐧𝐨𝐮𝐬 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐭𝐞𝐧𝐭𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧…
Il y a donc une première tentation qui est celle d’instrumentaliser cette affaire pour éliminer François Bayrou, coupable de ne pas avoir vu et surtout de ne pas avoir entendu ce que disaient les lanceurs d’alerte. Aujourd’hui, sa ligne de défense est confuse et est d’ailleurs perturbée par une vision politicienne puisqu’il pense qu’on veut sa peau. Réduire, d’un côté comme de l’autre, cette affaire à cette dimension de cuisine politique est indigne des souffrances des victimes.On peut rajouter une deuxième tentation d'instrumentalisation qui serait celle de "se payer l'enseignement privé" et d'en faire le seul lieu des violences physiques et sexuelles.

Certes, je suis d'accord pour dire (et je l'écris !) qu'il y a une prévalence du privé et un "système" qui favorise ces violences : relations de dépendance mutuelle et d'emprise, "solidarité" et contrôle social propres aux petites communautés, internats, non mixité, etc.
Mais ces faits existaient (existent encore) aussi dans le public. On voit ressurgir aujourd’hui des situations voisines.


C'est bien une culture de la violence et de la domination  qu'il faut questionner et pas seulement un système d'enseignement.
Si l’enseignement privé doit être interpellé c’est d’abord et surtout sur son rôle dans le séparatisme et l’entre-soi et le refus de la mixité sociale qui ne font que renforcer les inégalités sociales.


Mais c’est tout le système éducatif et notre société dans son ensemble qui doit se questionner sur la place donnée aux enfants et aux jeunes. Peut-on fonder une éducation sur la menace, la peur et la violence ? Quelles valeurs voulons nous transmettre ?
PhW le 24 avril 2025

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