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Billet de blog 8 novembre 2022

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LE MYTHE DU MÉRITE

Contrairement à ce que les tenants du libéralisme attribuent au "MÉRITE" pour justifier de toutes les inégalités de destinée et de fortune, cette espèce de « doigt de Dieu » qui habiterait certains, les winners; nos parcours sont essentielemennt liés à une longue litanie d'heureux et/ou malheureux hasards.

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Invoquer le "MÉRITE", tellement plus facile, ainsi, de légitimer toutes les injustices, les écarts toujours plus vertigineux entre les revenus, le patrimoine, de reconnaissance sociale et surtout d'estime de soi, des uns par rapport aux autres; tellement plus simple pour les privilégiés du sort de se regarder dans leur miroir et de se faire passer pour vertueux aux yeux de leur entourage.

Dans la réalité, nature et culture, inné et acquis interfèrent pour constituer de nous ce que nous sommes. Les formes empruntées par nos destinées individuelles découlent d’une interaction complexe entre notre héritage génétique (ce phénomène de loterie, de recombinaison qui fait que chaque être humain hérite de la moitié de l'ADN de chacun de ses géniteurs, ces deux chromosomes se mélangeant au hasard par tranche) et notre héritage circonstanciel (cet écheveau de hasards constituant l'environnement dans lequel nous sommes tous amenés à être confrontés, de notre venue au monde jusqu'à notre mort).

Or nous n'avons la faculté de choisir ni nos gènes, ni la multitude de chaînes causales, les circonstances, les hasards, que notre parcours d'existence nous amène à rencontrer.

Corrélation en milieu d'origine et réussite matérielle et sociale  :

Les études multiples réalisées depuis les années plus de 70 ans, tant en Europe, qu'aux Etats-Unis ou dans le reste du monde, sur des milliers d'individus et plusieurs générations convergent toutes vers la même conclusion  :

Les inégalités en matière d'éducation ainsi que de parcours social sont uniformément corrélées aux divers paramètres de notre origine sociale : inégalités entre catégories socio-professionnelles, entre femmes et hommes, mais encore entre groupes ethniques, raciaux, linguistiques ou religieux, entre pays du Nord et pays du Sud, entre zones rurales et zones urbaines,« : le milieu socio-économique d'origine constitue un puissant déterminant de la réussite sociale future des individus.

Notre caractère est influencé par le contexte socioculturel dans lequel nous évoluons, le rôle et les caractéristiques de différentes instances de socialisation (famille, école, groupes de pairs, religion, entourage professionnel et médias à l'incidence de plus en plus prépondérante) constituant notre environnement qui façonnent nos émotions, notre façon de penser, nos attitudes dans un cadre de normes et de valeurs, dans la perspective d'assurer, sinon l'harmonie, du moins, la paix sociale.

L’individu développe une image de soi ou une identité personnelle, qui inclut une représentation de soi et de sa manière d’être habituelle, en fonction à la fois de sa personnalité, mais aussi du contexte social et culturel au sein desquels il est né. 

Ainsi, rares sont les enfants pauvres à percer sur le plan social et économique. Selon l’observatoire des inégalités, en France, 90% des enfants de cadres obtiennent le bac quand seulement 50% des enfants d’ouvriers l’obtiennent.

Corrélation entre gènes et réussite matérielle et sociale :

Oui, bien sûr, « quand on veut, on peut », mais il ne faut omettre de considérer aussi que, « quand on peut, on veut ».

Le caractère, la personnalité caractérisent un individu en particulier en fonction de son mode de fonctionnement observé en regard de tel ou tel type de situation.

Si comme nous venons de le voir, les déterminants de la personnalité sont  environnementaux (milieu d'origine), ils sont d'abord et avant tout génétiques et biologiques.

Selon Pierre Roubertoux, biologiste et fondateur du laboratoire « Génétique, neurogénétique, comportement » au CNRS: avant d'être influencés par le psychisme ou la culture, les comportements sont « le produit de la puissante machinerie cérébrale », elle-même commandée par les gènes. Ainsi, il semble évident que tous nos actes sont influencés par notre génome, dont les produits biologiques (protéines, neurotransmetteurs, récepteurs...) alimentent et conditionnent le fonctionnement de notre cerveau.

Récemment, le professeur Daniel Belsky et ses collègues de la faculté de médecine de l’université Duke ayant croisé les données d’une étude longitudinale portant sur 918 habitants de Dunedin (Nouvelle-Zélande) interrogés à intervalles réguliers au cours des quatre premières décennies de leur vie, ont mis en évidence une relation entre la présence de gènes spécifiques et la réussite socio-économique. Ils ont ainsi constaté que ceux portant certaines variantes génétiques – qui avaient déjà été liées à la réussite scolaire dans d’autres études – avaient occupé des postes plus prestigieux, gagné des revenus plus élevés, choisi des conjoints plus aisés, été plus mobiles sur le plan social et géographique, géré leur argent plus efficacement et accumulé plus de richesses.

Et si les différentes recherches sur le sujet montrent que la personnalité des individus évolue lentement au gré des interactions entre l'individu et son environnement, certains événements marquant de sa vie ; l’amplitude des modifications reste cependant relativement faible.

Alors, pouvons-nous vraiment tailler une balafre à notre destin ? Pouvons-nous radicalement changer de personnalité ? Je crains bien que la réponse ne soit non, toutefois, chacun d'entre nous reste en mesure (si un ensemble de paramètres, là encore, bien plus dépendants d'une conjonction de circonstances que de l'expression d'une détermination individuelle) d'agir à la marge, de mettre en oeuvre les stratagèmes apropriés dans la perspective d'une meilleure adéquation de notre personnalité aux exigences de notre environnement et surtout à l'épanouissement de notre personnalité, en nous efforçant, dans un premier temps, de prendre conscience de nos comportements induits et en nous questionnant en permanence sur le processus par lequel nous adoptons inconsciemment telle ou telle attitude.

« Le suprême orgueil ou la suprême dépréciation de soi sont la suprême ignorance de soi ...Les hommes se trompent en ce qu’ils pensent être libres ; et cette opinion consiste uniquement pour eux à être conscients de leurs actions et ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés. L’idée de leur liberté c’est donc qu’ils ne connaissent aucune cause à leurs actions. Car ils disent que les actions humaines dépendent de la volonté, mais ce sont des mots, qui ne correspondent à aucune idée. Ce qu’est, en effet, la volonté, ... tous l’ignorent ... La puissance humaine est très limitée, et infiniment surpassée par la puissance des causes extérieures. Et par conséquent nous n'avons pas le pouvoir absolu d'adapter à notre usage les choses extérieures. Cependant les choses qui nous arrivent et sont contraires à ce que demande la raison de notre utilité, nous les supporterons d'une âme égale si nous prenons conscience que nous avons rempli notre fonction, que la puissance que nous possédions ne pouvait pas s'étendre assez loin pour les éviter, et que nous sommes une partie de la Nature totale, dont nous suivons l'ordre. » Baruch Spinoza

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