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Billet de blog 11 novembre 2022

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Nos dirigeants sont inaptes à affronter les grands défis contemporains

Hommes politiques ou dirigeants de grandes entreprises, les hommes de pouvoir sont extrêmement différents. Mais deux constantes reviennent dans leur profil psychologique, la mégalomanie et le narcissisme (selon Jean-Pierre Friedman, docteur en psychologie, psychanalyste et moi).

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ils se distinguent généralement en premier lieu par un ardent désir d’ascension sociale et un appétit de pouvoir corrélés à leur combativité, leur audace et leur comportement optimiste. Mais cette ardente motivation personnelle les empêche de porter sur la réalité une vision objective et claire garante de leur compétence à répondre de façon adéquate aux grands défis qui sont ceux de la planète et de l'humanité.

Leur ego est surdimensionné. Ils s'imaginent être des personnes plus importantes et valeureuses que les autres, ils ramènent tout à eux, quitte éventuellement à utiliser les autres à leur profit. Leur inclination à s'attribuer le mérite de leurs réussites et à attribuer leurs échecs à leurs subordonnés et à des facteurs extérieurs défavorables les empêche de se remettre en question. Ils sont généralement peu enclins à l'empathie et montre d'une particulière stabilité (pour ne pas dire, passivité) émotionnelle.

« Je pense qu'on ne peut pas arriver à un poste de responsabilités si on a trop d'empathie . … C'est à dire que seul compte MOI, les autres ce ne sont pas de vraies personnes, c'est des pantins, c'est des ombres, si ils souffrent, c'est pas très grave. Ce qui compte, c'est ma carrière, c'est mon épanouissement. … Donc, je pense que, pour arriver à un certain poste de responsabilités, on y arrive que si on est pervers narcissique,... » Boris Cyrulnick Neurologue, psychiatre, éthologue et psychanalyste

Ensuite les gouvernants possèdent l'art d'influencer les autres, de les convaincre, les subjuguer, les entraîner, les manipuler même quand cela semble nécessaire. Ils ont tendance à ne rechercher et ne prendre en considération que les informations qui confirment nos propres convictions et à ignorer ou discréditer celles qui les contredisent. En bons manipulateurs ils sont capables d'identifier les faiblesses de leurs interlocuteurs, et, à partir de ces faiblesses, de créer de véritables schémas de manipulation. Ils n'éprouvent aucune réticence aucun scrupule à faire enfoncer leur adversaire, si cela sert leurs intérêts. Ils savent, au gré des circonstances et des nécessités, se montrer affables, énergiques ou autoritaires.

« Une caractéristique des termes du discours politique c'est qu'ils sont généralement à double sens. L'un est le sens que l'on trouve au dictionnaire, que l'on trouve au dictionnaire, et l'autre est un sens dont la fonction est de servir le pouvoir – c'est le sens doctrinal » Noam Chomsky

« Le discours néolibéral avance masqué dans la langue venimeuse des prédateurs qui prétendent se battre contre "le système" et "l'entre soi" pour mieux servir les plus riches dans une régression sociale sans tabou pour les plus démunis. » Monique Pinçon-Charlot (géniale) sociologue

Enfin, dans la lutte pour pouvoir, toujours plus âpre à l'approche des sommets convoités (économiques, de la finance ou de la politique), ils se doivent d'être pugnaces et pragmatiques et ne peuvent pas se permettre d'être handicapés par des convictions, une éthique et une empathie trop présentes. Ils se contentent de croire que leur monde est juste et que les gens méritent ce qui leur arrive. Ils sont portés à accorder plus d'attention aux bonnes nouvelles (la croyance dans le progrès et la croissance) qu'aux mauvaises (les multiples dérèglements écologiques par exemple). Différents processus cognitifs entrent en œuvre pour préserver leur croyance que la société à laquelle ils participent est juste et équitable et que les choses fonctionneront à l'avenir comme elles ont fonctionné normalement dans le passé et donc à sous-estimer, par exemple, la probabilité d'un événement d'une catastrophe imminente ou déjà en cours (la crise climatique par exemple). malgré les faits qui montrent exactement le contraire.

« Ils n’ont qu’une seule conviction : parvenir au pouvoir. Mais pour se donner bonne conscience, ils se choisissent des causes. A la sortie de l’ENA, par exemple, ils ont le choix : droite ou gauche ? Ils optent alors par stratégie. Et finissent par s’identifier aux causes qu’ils ont choisies. Certes, il y en a qui, au départ, embrassent une cause parce qu’ils y croient et qu’elle correspond à des valeurs personnelles. Mais je suis persuadé que même dans ce cas, la dérive finit par être inévitable : au fur et à mesure que ces personnes progressent dans leur conquête du pouvoir, leurs convictions passent au second rang. Au final, ce n’est plus la cause qui compte, mais la victoire. » Jean-Pierre Friedman

Après avoir suivi des cursus de socialisation singulièrement normés et identiques, ils fréquentent une même élite très fermée qui contribue à encrer, un peu plus profondément en eux leur vision fantasmée de la réalité.

« La collusion des élites est une collusion de fait, qui n'a nul besoin d'un chef d'orchestre. Les réseaux personnels sont inclus dans un ensemble qui comprend les relations sociales faites institutions comme les cercles, les clubs de golf, certains équipages de vénerie, mais aussi les conseils d'administration et les partis politiques. Tout cela, et bien d'autres structures de relations sociales, dessine une toile d'araignée à la trame complexe mais très solide. Chaque personne apporte à ses relations son propre carnet d'adresses et les liens avec les instances sociales les plus diverses, ce magma quelque peu confus finissant par offrir un espace social puissant et accueillant. Le pouvoir de chacun est ainsi démultiplié par le pouvoir de tous les autres. Le principe de la cooptation, sur la base de la naissance et de l'appartenance à cette caste, donne à chacun l'assurance de la solidarité du milieu. L'intense sociabilité mondaine constitue pour cela une excellente technique sociale, qui entretient avec efficacité le maillage infini du pouvoir. » Monique Pinçon-Charlot

Leurs interprétations de la réalité sont souvent bien moins logiques qu'ils n'imaginent, leur perception plus équivoque et les corrélations auxquelles ils se livrent les amènent (au moins, sur certains sujets situés en dehors de leur référentiel) à se trouver complètement déconnectés du réel.

En résumé, ce sont des névrosés, sinon des pervers narcissiques.

« … l’histoire montre que le pouvoir est redoutable et, qu’à de très rares exceptions près, il débouche forcément sur le désir d’en abuser. D’où la supériorité du régime démocratique, fondé sur le souci de limiter ce pouvoir.

Succès, argent, sentiment de toute puissance… Le pouvoir peut vite faire perdre la tête ! De l’époque romaine à aujourd’hui, difficile de dresser liste des dirigeants devenus « fous » face à l’exercice de leurs fonctions, tant celle-ci semble longue. » Jean-Pierre Freidman

Ainsi, si les gouvernants sont les plus aptes à préserver leurs intérêts et ceux de la classe des privilégiés à laquelle ils appartiennent « de facto » et ce, quelque soit le camp au sein duquel il ont gravi leurs échelons; ils sont le plus souvent les moins bien placés pour affronter et résoudre l'ensemble des crises écologiques et sociales auxquelles sont confrontées notre planète et tout le monde du vivant (le monde réel, pas le leur).

« Le monde politique s'est fermé peu à peu sur soi, sur ses rivalités internes, ses problèmes et ses enjeux propres. Comme les grands tribuns, les hommes politiques capables de comprendre et d'exprimer les attentes et les revendications de leurs électeurs se font de plus en plus rares, et ils sont loin d'être au premier plan dans leurs formations. Les futurs dirigeants se désignent dans les débats de télévision ou les conclaves d'appareil. Les gouvernants sont prisonniers d'un entourage rassurant de jeunes technocrates qui souvent ignorent à peu près tout de la vie quotidienne de leurs concitoyens et à qui rie ne vient rappeler leur ignorance. Les journalistes, soumis aux contraintes que font peser sur eux les pressions ou les censures des pouvoirs internes et externes, et surtout la concurrence, donc l'urgence, qui n'a jamais favorisé la réflexion, proposent souvent, sur les sujets , des descriptions et des analyses hâtives, et souvent imprudentes; et l'effet qu'ils produisent, dans l'univers intellectuel autant que dans l'univers politique, est d'autant plus pernicieux, parfois, qu'ils sont en mesure de se faire valoir mutuellement et de contrôler la circulation des discours concurrents comme ceux de la science sociale. Reste les intellectuels dont on déplore le silence. » Pierre Bourdieu Sociologue

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