Parmi les multiples causes responsables de cet état de fait, j'en perçois essentiellement deux.
C'est d'abord notre passage par la petite enfance, expérience initiatique de l'inégalité (par rapport à l'adulte) qui nous prépare à la soumission et à la dépendance. Ensuite, les instances de socialisation viennent parfaire le travail en constituant un surmoi plombant, d'injonctions propices à l'inscription résignée et servile au sein d'un ordre social, qui, le plus souvent, est loin de correspondre à nos attentes.
Mais, la servitude à la quelle nous nous soumettons, si elle paraît plutôt bien acceptée, engendre dans l'inconscient de chacun, des bouillonnements silencieux, des frustrations et des rancœurs qui, la plupart du temps, se manifestent, mal à propos, par la détestation de boucs émissaires, plus faibles que nous, et généralement étrangers aux véritables causes de nos désillusions. En ce sens, le consentement des peuples, peut être considéré comme la perpétuation d'un état de guerre dans une paix qui ne signifie nullement l'abolition de la violence dominatrice (cf La violence des riches des Pinçon-Charlot).
Mais, les conditionnements multiples dont nous avons fait et faisons encore, tout au long de nos existences, l'objet, ne sont pas les seuls facteurs de consentement à l'ordre parfaitement insatisfaisant et injuste des choses. En effet, parallèlement à notre formatage social, l'un de ses ressorts principaux de notre résignation, est la peur. Une peur sourde, diffuse (souvent attisée par les médias), la peur de l'autre, la peur de l'avenir, la peur de tout ce qu'on est individuellement et collectivement incapables de maîtriser. Plus l'époque est anxiogène, plus elle favorise l'émergence de leaders autoritaires et plus les peuples les suivent sans se rebeller.
Seuls, là encore, un effort de patience, de pédagogie, d'accompagnement à la prise de conscience permet d'agir sur le long terme, dans l'espoir de participer, même modestement, à l'évolution des mentalités.