Pendant trois semaines à compter de ce soir (1er octobre) tous les mardis et mercredi du mois d'octobre à 21h15 le théâtre de Menilmontant et la Compagnie du Manège présentent "MOI, JACOB, L'ESCLAVE D'AGBODRAFO WOOD HOME", une évocation théâtrale comme le précise son auteur Jacques Bruyas et produite par la compagnie Compa Nova.
C'est la première de reprise à Paris pour ses trois interprêtes après son acceuil triomphal au Festival d'Avignon en juillet.
Une scène épurée, un banc africain sobrement sculpté, un puits griffé de supplices sans fond...
Le décor est planté, le texte contendant d'humanité est partagé entre Jacob _"du prénom prédestiné"_ (le comédien metteur en scène et réalisateur né au Togo, Fernand Prince), jeune homme, au regard sidéré, d'un village d'Afrique de l'Ouest, où se mêlent chant, prière et contes ; seul rescapé de son village réduit en esclavage par l'anglais Wood et ayant vu les invalides dont ce dernier s'est débarrasé en les plongeant dans un puits, il nous raconte comment il a pu lui-même "échapper à cette invitation de la mort"...Et le Chien de berger ou le Sorcier sans nom, (le comédien danseur né en côte d'Ivoire Basile Siékoua), voix de l'Esprit qui s'adresse tonitruant de force morale autant aux tourmenteurs qu'aux tourmentés de cette mémoire qu'il nous faut explorer ensemble, nous permettant une projection commune vers un avenir apaisé et enfin partagé. Le maître du Ney (ancêtre iranien de la flûte fait d'un bambou) et joueur de Sitar, de Didjeridoo, basculant soigneusement son "baton de pluie" entre-autres "bols d'éternité" et insolites instruments de bruitages ; le facétieux musicien Iranien Mossy Amidi Fard apporte ainsi au texte sa magie spirituelle pour tout soulagement de l'âme, il y joue aussi le rôle à première vue enfantin du chien errant de brousse.
La bonne heure de remue-ménage intérieur que m'a suscité cette évocation théâtrale est le fruit du témoignage halluciné d'horreur de Jacob.
Ne ratez pas cette occasion unique d'invitation au devoir de mémoire et par là-même, _reprenant Fernand Prince dans son Avant-Propos du texte_ : "encourageant à toute forme de résistance et au combat contre les exploitations de l'homme par ses semblables".
Car n'oublions pas que : "L'esclave est d'abord celui qui ne sait pas.
L'esclave de l'esclavage est celui qui ne veut pas savoir", Edouard Glissant in Le Discours Antillais.