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"Une biographie pour mieux saisir l'ogre Édouard Glissant".
Les Inrockuptibles du 20 février 2018, dans la rubrique : "Idées" ici
À DÉFAUT D'AVOIR LU TOUS SES LIVRES, NOUS SOMMES BEAUCOUP AUJOUD'HUI À ÊTRE FAMILIERS DES MOTS FÉTICHES D'ÉDOUARD GLISSANT (1928-2011) :
"Tout-Monde", "Créolisation", "Relation", "Identité nomade", "digénèse", "archipel", "tremblement" "errance", "trace"...
Sept ans après sa disparition, la petite musique conceptuelle de l'écrivain, poète autant que philosophe, nous hante comme une ritournelle dont les sonorités, associées à des idées, reviennent sans cesse dans les conversations du XXIème siècle.
Il n'y pas beaucoup de penseurs contemporains qui aient marqué autant que lui notre époque. Outre de l'avoir critiquée, Glissant en a saisi les potentialités et a compris vers quels horizons elle nous conduisait. Sans prédire le futur, il a anticipé le devenir de notre monde :
Un monde qui ne peut plus se penser dans la fixité de ses identités, mais au contraire dans leur relation, c'est à dire dans des jeux toujours relancés, où chacun se transforme dans la confrontation avec les différences (...)
"L'enjeu du récit documenté et sensible de Noudelmann consiste à éclairer les conditions dans lesquelles cet enfant déshérité, né à la fin des années 1920 à la Martinique, "est devenu l'un des plus importants écrivains du XXème siècle, inspirateur de notre temps".
Nourrie d'engagements politiques, liés aux indépendances africaines, à la révolution cubaine, à la mémoire des esclavages, son écriture s'est patiemment complexifiée et affirmée (...)
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"L'archipel Caraïbe lui a donné le paradigme géographique et politique pour penser le mouvement du monde : "Aucune île ne domine, chacune développe son identité en relation avec les autres, par différenciation". New York, où il vécut entre 1994 et 1998, incarne aussi ce mouvement : bordée par deux fleuves, Manhattan est reliée à un archipel de quartiers et de populations qui traversent les ponts dans un flux continuel (...)
(...) En affinité avec Deleuze et Guattari, Glissant oppose à l'identité-racine, figée et "essouchée, une identité-relation, nomade, suivant "des routes rhizomatiques, à la manière de ces racines dont il n'est pas possible de pointer un centre, tant les radicelles se sont entrelacées" (...)
(...) Dans les traces de ses philosophes préférés, Glissant compose une philosophie vagabonde qui assume l'errance, l'opacité, le fragmentaire.
"Il s'affranchit de la dialectique opposant l'un et l'autre, le maître et l'esclave, le dominant et le dominé, pour déployer une philosophie de la transformation et de l'imprédictible" Explique Noudelmann. Deleuze lui-même confia un jour à Glissant : "Tu écris en poésie ce que j'essaie de créer en philosophie" Ce qu'une mai de Jacques Derrida confirma plus tard avec une légère condescendance : " Glissant, c'est du Deleuze avec un peu de poivre de Cayenne" (...)
Le biographe assume sa position du témoin complice, (...)
Dans cet exercice de dévoilement d'une pensée, dont les épisodes de la vie personnelle forment le décor mouvant, entre les Antilles, Cuba, Bâton- Rouge , New York ou Paris, Noudelmann n'épargne pas son ami. Même en saluant son génie, même en l'appelant simplement Édouard tout au long du livre (...)
(...) L'oeuvre de Glissant se situe ainsi dans une généalogie prestigieuse, encastrée entre Aimé Césaire et Frantz Fanon en amont, Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant en aval, "alors que son écriture le rend aussi proche de Segalen et Claudel, de Faulkner et Baldwin, de Lucrèce et Montaigne" (...)
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