Yaoundé le 16 mai 2014
Comprendre le sentiment antifrançais
Le rejet de la France par les Camerounais est encore plus marqué que partout ailleurs en Afrique francophone. Comment comprendre le phénomène ? Dix experts décriptent cette réalité.
Sur le plan historique et linguistique le Cameroun est inféodé à la France. D'abord parce que par deux fois, nous avons été placés sous mandat, puis sous tutelle française. Ensuite, et c'est le corollaire de cet état des choses, nous avons adopté leur langue qui est par ailleurs l'un des deux référrentiels linguistiques de notre pays. Ce mariage devrait en principe être cousu de fil blanc, mais les choses sont plus compliquées qu'elles n'y paraissent.
Dès les premières lueurs du Cameroun comme entité étatique, nos dirigeants ont quand-même eût à jouer de subterfuges vis-à-vis de la France. Preuve que tout en embrassant cette dernière, on évitait de trop l'étreindre. Souvenez-vous que contrairement aux autres pays du pré-carré français, le Cameroun est le seul où la base militaire de Koutaba sera fermée par le président Ahidjo. De même, durant la guerre du Biaffra, et malgré les pressions de De Gaulle, Ahidjo se refusera fermement à jouer les plateformes de déstabilisation du voisin nigérian.C'est dire combien du côté camerounais déjà, la méfiance était présente. Que dire des martyrs de notre République dont Um Nyobe, Ernest Ouandié, Ossende Affana... qui vouaient la tutelle aux gémonies ?
Il faut aussi bien comprendre la donne : Ahidjo, premier président camerounais, était de façon prosaïque, un villageois. C'est un autodidacte qui a intégré l'administration française comme télégraphiste puis opérateur radio. Contrairement aux autres leaders de l'Afrique qui avaient fait des études en France et avaient même épousé des femmes blanches (Léopold Cedar Senghor par exemple), Ahidjo n'était pas un produit des écoles françaises. Donc, ne serait-ce que sur le plan idéologique, il tranchait nettement avce des personnages tels que Houphouët-Boigny qui avait juré allégeance à l'ancien colon. Son successeur Paul Biya, bien qu'il se présentât comme le meilleur éléve de la France, ne manquera pas de noter un jour que le Cameroun ne sauraît être considéré comme la chasse gardée d'une quelconque puissance, fût-elle la France. C'est vrai qu'il a toujours fait des efforts pour sauvegarder les intérêts français au Cameroun.
Méfiance
Toutefois, au sein de la société camerounaise, on perçoit comme un rejet de plus en plus poussé de la France. Il n'y a qu'à voir le déchainement provoqué au sein de l'opinion publique par le conflit postélectoral en Côte d'Ivoire, ou encore la chute de Khadafi qu'on a mise sur le dos de Paris.
Plus près de nous encore en République centrafricaine, on a tous été témoin de ce que la France a manoeuvré pour que ce pays puisse basculer dans le chaos. Une accusation formulée par Assous Nguesso. De plus, avec l'appétit sans cesse croissant pour nos matières premières et la montée en puissance de la Chine, la France est décidée à rester maitresse notamment au Cameroun qui renferme un potentiel énorme.
Il faut aussi noter que lors des manifestations contre la faim en 2008, aucun manifestant n'avait oser demander le départ de Paul Biya, ce qui aurait donné un alibi à Parais pour intervenir. Les Camerounais non seulement la tienne à distance, mais encore s'arrangent à ce qu'elle le sache. Lors de la finale de la coupe du monde 2006 opposant la France et l'Italie, le soutien des Camerounais était largement acquis aux italiens. C'est tout dire. Non seulement, il y a cette méfiance, mais également, il y a cette population qui la rejette. Quand on ajoute à cela la question homosexuelle, ou encore les Accords de partenariat économiques, le sentiment négatif est encore plus grand. La France à beau-jeu d'être notre premier partenaire au développement, cela ne change rien à la situation. Mais comment expliquer ce sentiment antifrançais ambiant ? Est-ce que ce sentiment négatif pourrait suffire à faire reculer les Français si dans leur quête des matières premières, ils voulaient nous attaquer ? Émergence a recueilli ici les avis de politologues, hommes politiques et socio-politistes.
Kami Jefferson
Réactions et divergences des intellectuels camerounais par rapport au sentiment antifrançais.
Mais tout-d'abord, à 48 heures du défilé de l'Unité Nationale sur le boulevard du 20 mai à Yaoundé, "El Pacho" (étudiant de l'université Yaoundé SOA II) tient à me faire part de ses réflexions en partant du titre du quotidien Émergence quelque peu râcoleur, certes, mais "pas faux" sur le fond :
"Un pays n'est-il constitué que d'hommes politiques et d'intellectuels ? Quid de l'homme de la rue comme moi qui se trouve le plus souvent éloigné des plateaux médiatiques et n' a pas voix au chapitre ? Pourtant le bon sens et la vérité ne lui échappent pas. Que dire alors du Blanc de passage au Cameroun, il en sera horrifié, l'administrateur français par contre prendra très au sérieux cette menace surtout que dans la configuration économique actuelle où les grandes puissances se livrent ici à une guerre sans merci et rien n'est gratuit, tout est sérieux, un titre pareil relêve de l'irresponsabilité éditoriale car il dessert le pays.
J'y vois les connivences des élites intellectuelles africaines et européennes dans le sens où elles suscitent une façon artificielle de voir les choses, il veulent que l'on voit l'Afrique différemment en occultant la réalité qui, elle, demeure. Les politiques et les intellectuels emmènent leurs compatriotes à se mentir à eux-mêmes, à rentrer dans les comparaisons Occident/Asie et le reste du monde, en stygmatisant les politiques internationales des grandes puissances. Il est certain que le français défend ici ses propres intérêts ; le sentiment antifrançais auquel il est fait allusion ici est en rapport direct avec la politique exercée par la France au Cameroun, c'est cela qui est mis en cause, il ne concerne pas et ne menace pas l'individu ressortissant français qui vit avec nous.
Ce sont les intellectuels africains qui font du mal à l'Afrique selon moi car ils ne veulent pas dire à la jeunesse qu'on ne peut pas faire sans l'expertise étrangère parceque l'Afrique n'en a pas suffisemment. Quel pays de l'Afrique centrale est capable de sonder et d'exploiter lui-même son sous-sol ? Les grandes multinationales mènent leurs guerres en Afrique et non pas les Africains contre les grandes multinationales. Souvent deux multinationales du même pays, par exemple françaises, se disputent le marché des assurances ou des boulangeries ou des pharmacies par le biais de leur laboratoires. Chaque nouveau président français fraîchement élu arrive ici avec sa clique d'hommes d'affaires pour entrer en guerre avec la clique d'hommes d'affaires déjà établie sur le terrain, du président précédent.
Le poisson est braisé, la bière est dans le cerveau, la femme de son frère, et le diplôme dans la malette ; voici ce qu'il reste de notre intellectuel ou homme politique africain.
Oui nous sommes encore loin de l'intelligence collective nécessaire pour que nous puissions vivre le monde comme un grand village".
Réactions donc
Pr Claude Abbé, socio politiste : "Il y a un ethos de l'évacuation de la responsabilité de ce qui existe au Cameroun sur la France".
Il faut d'abord situer ce rejet dans l'histoire propre du Cameroun. Aujourd'hui, la France est l'une des puissances qui a implanté son hégémonie politique sur le Cameroun. Si nous n'avons pas été une colonie, au sens juridique du terme, il y a un ethos de l'évacuation de la responsabilité de tout ce qui existe aujourd'hui au Cameroun sur la France. Ce qui survient aujourd'hui au Cameroun est vécu et apprécié sous l'angle du paradigme néocolonial. Finalement, les difficultés que vit le Cameroun, c'est à ause de l'extraversion du pays, c'est à cause de la mainmise française sur la vie interne du pay. Globalement, sur le plan interne, les gens connaissent une régression des conditions de vie et des difficultés à survivre. Le bouc-émissaire est très vite trouvé, c'est la France. En plus, nos dirigeants n'ont pas aidé à vider cette image de la France en se disant par exemple "le meilleur élève de François Mitterrand". Le président actuel a contribué à cimenter cette image selon laquelle tout ce qui arrive au Cameroun est en réalité le résultat d'un apprentissage de nos gouvernants auprès de la France. Cela peut expliquer en grande partie cette image. Ensuite, on peut se rendre compte que la France qui vient de chez elle, n'apporte rien au Cameroun contrairement aux Camerounais qui ramènent un certain nombre de biens. Donc cet imaginaire peut aussi expliquer ce sentiment antifrançais qui existe chez les gens d'en bas. Alors, est-ce que ce sentiment antifrançais pourrait peser au cas où la France décidait par exemple d'attaquer le Cameroun comme elle l'a fait avec la Côte d'Ivoire ? De toutes les façons, ça ne peut pas compliquer une intervention française au Cameroun eu égard à ce qui se passe. C'est un problème de rapport de force. Le rapport de force est en faveur de la France et donc de ce point de vue, on aura pas nécessairement besoin du point de vue des Camerounais s'il y avait une intervention française. Le cas de la Côte d'Ivoire est là pour l'attester encore, si besoin s'impose. Le sentiment antifrançais était suffisamment enraciné en Côte d'Ivoire de façon souterraine, et cela n'a pas empêché la France d'intervenir. Cette agitation du sentiment antifrançais ne peut aucunement empêcher une interventio française à ce niveau. A contrario, il y a un certain nombre d'élémenets qui pourraient appeler les Français au niveau de leur politique intérieure, même s'il y avait une intervention qui devait avoir lieu au niveau du Cameroun par rapport à sa situation géostratégique qui ferait réfléchir les Français par plus d'une fois avant d'intervenir. Parce qu'en intervenant au Cameroun, c'est le Tchad qui est en difficulté, c'est la Rca qu'on a perdu, le Gabon, bref c'est l'Afrique centrale et le golfe que l'on a perdu..
Franck Hubert Ateba, homme politique Mrc (Mouvement pour la Renaissance Cameroun) : "La France est vue par la classe moyenne et l'élite intelectuelle comme un danger".
Poser la question de cette façon c'est biaiser un peu l'aspect fondamental de ce qu'on peut appeler une récrimination ou un sentiment de rejet.
C'est comme si il y avait un rejet total de la socité française par l'opinion publique camerounaise. Il y a plutôt un sentiment paradoxal du "je t'aime, moi non plus". Le colonisé a toujours cette haine-là, surtout que le colon ne lui a pas permis de faire le deuil, c'est à dire de reconnaître qu'il (le colon Ndlr) a fauté. Et il s'est trouvé malheureusement que le bourreau d'hier a refusé de comprendre que c'était pour la mauvaise cause et que c'éatait la mauvaise méthode. C'est donc le repli sur soi, le dégoût de l'autre, la récrimination perpétuelle et le désir de voir l'autre demander pardon. Tant que cela n'est pas fait, il y aura toujours ce sentiment. Et, lorsque vous associez des faits qui font état de ce que la société camerounaise dans sa structuration profonde fait revenir tous le sjours au goût du jour les entourloupes qui ont été celles de cette colonisation, on se pose des questions. Quand on observe par exemple notr e société de raffinage de pétrole, le colon français a tout fait pour qu'il y ait une extraversion, pour que cette société puisse raffiner un pétrole qui n'est pas le nôtre. Quand on observe la politique agricole, on se rend compte qu'on nous a imposé des produits de rente et qu'on a rien fait pour que nous puissions les transformer sur place. La France est vue, par la classe moyenne et l'élite intellectuelle comme un danger. Sauf pour ceux qui veulent le pouvoir car ceux-cis ont finalement compris qu'il faut pactiser avec ce diable-là pour pouvoir avoir droit au chapitre. Cette élite intellectuelle et cette classe moyenne a toujours le sentiment que la France utilise le Cameroun comme un réservoir, une pépinière. Le lien historique qui unit nos deux pays est la goutte d'eau qui déborde du vase. Beaucoup de Camerounais sont près à changer le Français qu'ils ont en eux avec une autre langue. Tout ce que la France a fait , c'est constituer une élite qui sera à-même de prolonger le néocolonialisme. Personne n'a jamais voulu être colonisé ou se faire exploiter ad vitam aetrenam Et c'est ce que la France a fait. Elle veut continuer perpétuellement à "roublatdiser" la population camerounaise. Mais, il faut noter que ce rejet ne peut les empêcher d'intervenir chez nous s'ils en ont l'occasion. D'ailleurs, sans avoir recours à la barbarie, ils arrachent déjà nos richesses. Ils ont les moyens de leur politique. C'est la raison pour laquelle un certain nombre d'intellectuels pensent qu'il faille aller de leur leur côté. Mais, cette démarche ne peut pas prospérer à long terme car il y a quand même une société civile française qui est mue par la justice véritable. Cette société civile ne se laissera pas berner par les entourloupes politici-économiques de leurs dirigeants.
Richard Makon, politologue : "La France représente dans l'imaginaires collectif, l'oppresseur, le tyran et finalement l'ennemi".
Plusieurs raisons en effet qui justifient ce sentiment antifrançais. Des raisons historiques d'abord, sans doute, lorsqu'on se rappelle que le Cameroun a obtenu son indépendance après une violente lutte de libération ; laquelle a laissé sur le carreau des centaines de milliers de morts dans les quatre coins du triangle national et plongé de façon indélébile un nombre inimaginable de familles camerounaises dans le désarroi et le dénuement le plus total. Une histoire de violence et de résistance donc, de blessures profondes et d'une douleur inextinguible surtout. Une histoire qui nous enseigne que la vague blanche, singulièrement française, est celle qui a obscurc, nôtre voute azurée. Il paraît important de relever que la génération qui est née entre 1959 et 1970 est celle qui est aux affaires aujourd'hui. Elle a donc vécu le moment de libération, l'avènement de l'indépendance, les premiers balbutiements de l'institutionnalisation, la prise de conscience des limites de notre "indépendance" et peut donc aujourd'hui, comme dans un course de relai, transmettre un mémoire en transmettant le flambeau du combat pour une réelle autonomie, pour une vraie autodétermination. L'occident et particulièrement la France représente encore aujourd'hui dans l'imaginaire collectif, l'oppresseur, le tyran et fibalement l'ennemi. Un ennemi dont il faut ipérativement se débarrasser, par tous les moyens, si l'on veut s'épanouir.
Des raisons politiques, pratiques surtout, singulièrement économiques, favorisées par le contexte actuel de quête d'émergence. La diversification des partenaires économiques est vendue comme une voie salutaire par certains gouvernants qui présentent du même coup la France comme la première à s'y opposer. De plus, la question de Accords de Partenariats Economique (APE) entre l'Union Européenne et les pays ACP (Afriquen Caraïbe, Pacifique) révolte les populations africaines et camerounaises car elle met en lumière le role "négatif" joué par la France. Une ratification des APE qui signera automatiquement la mort de nos industries à peine naissantes et finalement, aura des conséquences néfastes, irréparrables dans le court- moyen et log terme sur les économies africaines. En outre, la question de la liquidation définitive du compte d'opération logé dans le trésor français et celle de la sortie du Fraanc CFA, volontairement instrumentalisées à la fois par les politiques et les gouvernants, participent à renforcer ce sentiement antifraçais car une fois de plus, la France est perçue comme une sangsue, un oppresseur qui pille les pays africains pendant que les peuples ploient sous la misère, vivent dans des taudis et côtoient jours et nuit des tas d'immondices, rebuts d'une civilisation pervertie qui franchissent nos frontières sans contôle aucun. Maintenant, est-ce que ce sentiment antifrançais pourrait peser au cas où la France décidait par exxemple d'attaquer le Cameroun comme elle l'a fait avec la Côte d'Ivoir ? Naturellement et la France le sait bien.
Le Cameroun a appris de son histoire et a mûri. Ce qui s'est passé en Côte d'Ivoire ne peut pas se produire au Cameroun, malgré les similitudes évidentes entre les deux pays. Le peuple camerounais est politiquement plus aguérri, il a franchi des étapes comme presqu'aucun peuple dans le monde sans jamais se diviser : l'esclavage, la colonisation, les luttes de libération pour l'indépendance, une transition politique sans grands heurts sans trop de dégâts en 1982, tout récemment les violentes revendications pour l'instauration de la démocratie dans les années 90 et les émeutes de 2008, entre autres. La Côte d'Ivoir n'est donc pas le Cameroun ! D'ailleurs elle n'a pas connu un parcours semblable, en dehors de l'esclavage et la colonisation bien sûr. Ce parcours est dans un premier temps un socle d'airain sur lequel s'élève notre peuple, qui sait faire consensus autour de certaines questions et bloc autour de ses institutions quand cela s'impose ; dans un second temps un levain puissant qui nourrit et vivifie notre projet démocratique. Si vous y ajouter ce sentiment antifrançais que vous venez d'évoquer, ravivé ces dernier temps avec l'agitation tous azimuts de l'équipe actuelle de la représentation diplomatique française et des problèmes de sécurité auxquels a du faire face le Président de la République en France il y a peu, ça fait beaucoup trop.
Ekoueye ya Mawelle, homme politique Fsnc : "La France nous a beaucoup desservis et contyinue de nous desservir".
La France joue un rôle de fausse paternité au Cameroun parcequ'elle n'a jamais colonisé le Cameroun, qui a été plutôt placé sous mandat. Déjà sur le plan juridique, cet acte conférait des choses à la France sans effectivement les lui conférer. Et, elle s'est comporté comme une sorte de filou pour en arriver à déposséder ce territoire qui a été mis sous mandat. On a souvent parlé de l'indirect et du direct rule. Les peuples qui ont reçu l'administration anglo-saxonne connaissent un développement qui se se distancie de ceux qui ont reçu l'administration française. On remarque quand même que les fRançais ne sont pas un peuple très dynamique. D'ailleurs un poète disait : "Vous qui mamelle de la France", en s'adressant aux peuples qui avaient reçu l'administration française. En France, quand on observe les Pyrennées, on ne voit pas de gros arbres mais elle a passé des décennies à être le meilleur exportateur de bois.
A l'est [du Cameroun], il y a des propriétés encadrées par du fil barbelé. Et on vous dira qu'elles apprtiennent aux Français. Allez voir ce que les Français ont fait à Poli où il y a l'uranium. La France s'est investie dans une dynamique de l'expropriation. Et puis, il y a aussi notre relai de pré-transformation du pétrole qui est la Sonara. On ne peut pas construire une chose aussi gigantesque et vous dire qu'elle ne peut pas transrformer le pétrole camerounais. Quand on observe tout cela et qu'on est un peu avisé, on se rend compte que la France nous a beaucoup desservis et continuede nous desservir. Vous vous imaginez que le Cameroun n'avait même pas encore de région militaire à l'est. La région était même encore toute frêle. Et la France a trouvé le moyen d'aller mettre une base sanitaire qui consistait à aller transporter des Centraficains bléssés pour venir les soigner au Cameroun, en prenant soin de ne pas les ramener. Cela signifie que cela va créer la promiscuité, la faim, l'insécurité. Un maire qui avait une communauté de 1000 âmes se retrouve avec 3000 âmes. Cela devient difficile de gérer. Quiconque a vécu cela dans son âme et a gardé un minimum de patriotisme va développer le sentiemnt antifrançais. On ne peut pas se plaire à embrasser une qui vous a poignardé de façon répétitive.
Patrice Nganang, enseignant à l'université de New-York : "Le Cameroun n'a pas un sentiment anti-français".
Le Camerounais n'a pas un sentiment antifrançais, mais parfois des humeurs le laissent paraître. Aucun Camerounais à ce que je sache, ne refuserait cependant d'aller en France s'il en avait l'occasion. Qui plus est, les textes fondamentaux de notre pays sont des ronnéotypes de textes français : la constitution tout d'abord, qui fut d'ailleurs sa version de 1960, écrite par un français, le Code pénal, qui est une copie du Code Napoléon de 1804, la structure même de notre République, qui est jacobine. C'est même si poussé que dans notre pays, quand vous voulez acheter du pain, on vous donne la baguette, et evidemment, vous achetze ce pain avec le Franc CFA. Il n'y a donc pas de sentiemnt antifrançais au Cameroun parceque la France est la matrice de notre république, même si individuellement, en tant que groupes, ou alors de par notre histoire, nous avons des attaches traditionnelles autres. Il suffit de voir comment les Camerounais qui ont un projet différent de la république, les Anglophones, sont traités dans notre pays pour comprendre que tout sentiment antifrançais au Cameroun n'est que façade. Notre pays est est la surface de réparation de la Françafrique, car c'est bien à partir de Douala, et donc du Cameroun, que l'actuel France s'est reconstituée en 1940. Le pouvoir actuel au Cameroun a été bâti dans les ruines de la guerre civile qui elle a eu lieu de 1960 à 1970. Mais plus profondément, le sysptème politique camerounais s'est bâti en réponse aux nationalistes qui, ne l'oublions pas, avaient pris les armes pour bouter la France à l'extérieur de notre pays. La guerre contre la France a donc structurer la politique camerounaise. Il se passe cependant que ces nationalistes-là n'ont pas gagné la guerre qu'ils avaient menés, car ceux qui ont le pouvoir aujourd'hui, étaient ceux qui durant les années de batailles et de guerres avaient des positions pro-françaises. deux choses ont donc lieu.
La première évidemment est que ces pro-français qui ont le pouvoir, ont l'obliation d s'arrimer aux populations qui ont étét fortement impreignées du nationalisme, et n'ont surtout pas oublié les atrocités commises par la France directement et indirectement dans notre pays. Mais d'autre part, les polpulations, elles aussi, ne se sont jamais coupées de l'histoire camerounaise qui regorge tout de même de cadavre de gens brillants qui ont étét tués, parce qu'ils voulaient un avenir meilleur pour notre pays. La relation de notre pays avec la France devient ainsi complexe, car elle est comme un pas de deux qui implique d'une part un pouvoir impopulaire qui veut se racheter auprès du peuple pour les crimes commis, et use de la propagande proto-nationaliste pour atteindre ce but de la com, quoi, et d'autre part le peuple qui a une mémoire claire de ce qui s'est passé chez nous.
Mais, est-ce que cette situation peut davantage compliquer une intervention militaire française au Cameroun ? Le Cameroun n'est pas seulement entouré de bases militaires françaises, l'armée camerounaise y compris d'ailleurs la milice présidentielle, le BIR (Bataillon d'Intervention Rapide) est formé par la France. Il me semble d'ailleurs que des soldats français qui se sont installés dernièrement à Ngaoundéré, personne ne nous a dit qu'ils avaient quitté le lieu. Même la motion d'information parlementaire du SDF (Social Democratic Front) b'a pas mobilisé le gouvernement camerounais à donner des explications. La lutte contre le terrorisme, contre Boko Haram , qui implique la France au Cameroun à plusieurs égards et se focalise dans le grand nord du pays, donne à ces soldats français un argument de plus pour rester au Cameroun et intervenir quand ils veulent. Paul Biya serait-il en danger de perdre le pouvoir que l'armée française interviendrait au Cameroun, et cela le même jour. Je crois que c'est une lapalissade de dire qu'il est un employé de la France, car c'est ce qu'il est. Autrement dit, le Cameroun est confortablement assis dans le giron français.
Dr. Ahmadou Séhou, analyste politique : "Les Français n'ont jamais réussi à obtenir la sympathie des Camerounais".
Vous touchez là à la complexité des relations bilatérales camerouno-françaises. Pour mieux les comprendre il faut repartir à leur origines et questionner profondément la nature des rapports qui ont été établis et qui nous lients jusqu'ici. Vous avez en présence une puissance impérialiste et colonialiste dont la politique essentielle est fondé sur l'exploitation des autres peuples et la captation prédatrice de leurs différentes resources. Ce qui s'est matérialisé avec les régimes de mandats ou de tutelle qu'elle a exercé sur le territoire camerounais à partir de 1916. En face, vous avez un peuple qui n'a jamais caché son nationalisme, qui a durement résisté aux Allemands et qui en a gardé le souvenir d'une répression féroce et de souffrances atroces infligées aux populations à travers tout le territoire. Les vicissitudes de l'histoire firent en sorte que la mêle Allemagne infligeât toujours de sérieuses défaites militaires à la France qui vient la remplacer au Cameroun. C'est dire donc que la France vient au Cameroun avec un préjugé défavorable dès le départ et malgré les exactions commises par les Allemands, les Français ne sont jamais parvenus les faire oublier de camerounais, qui les ont toujours perçus comme des bâtisseurs. En se focalisant sur l'exploitations des richesses du Cameroun et en y inverstissant que le minimum, les Français n'ont jamais réussi à obtenir la sympathie des Camerounais? Ils n'ont jamais pu se fair craindre ou respecter.
Aujourd'hui encore, la France est ainsi perçue dans l'opinion nationale. Ces relations se compliquèrent davantage à partir de 1955 avce la répression injustifiable exercée sur les nationalistes camerounais, qui comme partout ailleurs en Afrique, revendicaient légitimement la fin de la colonisation à travers l'indépendance et la réunification de leur pays. Ce gros malentendu historique situa le Cameroun parmi les territoires qui luttèrent militairement pour arracher leur indépendance ; même si une fois encore la France manoeuvra habilement pour priver les nationalistes de leur victoire, les contraignant à l'exil ou à l'extermination. Mais comme on peut le constater, cet esprit nationaliste et patriotique a toujours subsisté. Depuis son indépendance, malgré la surveillance rapprochée à la limite de l'étouffement exercé par la France, Ahmadou Ahidjo et un peu moins, son successeur, eurent à prendre des décisions ou des positions courageuses, face à de fortes personnalités comme De Gaulle, Pompidou, Giscard d'Estaing, Mitterrand, Chirac ou Sarkozy. L'interventionnisme français en Afrique et notamment en Côte d'Ivoire ou en Lybie redessine cette ligne de fracture et ranime ce sentiment de rejet à l'encontre d'une puissance qui n'est perçue que sous le prisme de la domination, de l'exploitation, des basses manoeuvres et d'éliminations de toutes vélléité nationaliste ou d'indépendance à son égard.
Mais alors, est-ce que cette situation peut davantage compliquer une intervention militaire française au Cameroun ? Pour quelle raison la France interviendrait-elle au Cameroun ? Pour renverser le régime, arrêter un génocide ou une guerre civile, lutter contre le terrorisme, protéger ses ressortissant ou libérer des otages ? Pour qu'il y ait une opération militaire il faut qu'il y ait des raisons suffisantes et de plus en plus, des résolutions internationales, avec parfois des coalitions. L'ère des menées prédatrices solitaires me semble révolues ! De manière générale, les interventions militaires réussies sont celles qui ont une assise populaire. C'est pourquoi tous les chefs de guerres tentent de convaincre l'opinion avant d'engager les hostilités. Mais il faut dire également que les interventions militaires sont avant tout des décisions souveraines des états qui s'y engagent, en prenant tous les risques, y compris l'impopularité ! On a eu l'exemple de l'Irak où G. W Bush a engagé l'armée américaine contre l'avis des Nations-Unies et de la majeure partie de l'opinion mondiale ! En l'état actuel des relations entre le Cameroun et la France, il ne me semble pas possible de penser à un tel scénario. Et au cas où par l'extraordinaire la France envisagerait une telle aventure, il lui serait difficile de trouver localement des soutiens populaires, quels que soient les justificatifs à avancer.
Hilaire Kamga, mandataire de l'Offre Orange (ONG) : "La plupart des entreprises de la Mafia française se caractérisent par des violations massives des droits de l'homme".
Le sentiment antifrançais qui se généralise en Afrique francophone en général et au Cameroun en particulier est un phénomène certes normal mais lourd de conséquence en ce qui concerne l'avenir de ce pays. Pour comprendre ce que vous appelez justement "haine" ou sentiment antifrançais, il faut questionner trois éléments : l'essence néocolonial du système en place à Yaoundé et ses manifestations, les rapports au Camerounais des entreprises françaises actives au Cameroun, et enfin, le génocide non soldé de la France contre les Bamilékés au Cameroun.
Concernant l'essence néocoloniale des régimes UC-UNC-RDPC, (Union du Cameroun, Union Nationale du Cameroun, Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais), la plupart des Camerounais ont le sentiment que c'est du processus d'indépendance détournée que proviennent les problèmes de gouvernance et de pérennisation au pouvoir des régimes anti-peuples. Ils estiment naturellement que c'est grâce au soutient de la France que les Camerounais subissent une des plus pire dictature des temps modernes. Ces régimes se consolident davantage sur la base de leurs engagements de permettre aux multinationales françaises de continuer à faire main basse sur les ressources et même sur l'économia camerounaise de manière globale, permettant ainsi, sans vergogne, de maintenir dans une situation de misère incommensurable la majorité des citoyens Camerounais.
Concernant les rapports des Camerounais par rapport aus ehtreprises françaises opérant au Cameroun, mis à part la SABC qui a été logntemps gérée par un Camerounais au nom d'André Siaka, la plupart des entreprises de ce que j'appellerai la mafia française se caractérise par des violations massives des droits de l'homme, des droits de leurs employés. Enfin, le Cameroun en tant que nation pluriéthnique est constitué d'environ 50% de ressortissants de l'ouest, particulièrement les Bamiléké. Or ce peuple Bamiéké a été dans les années 50 et 60 d'un génocide perpétré par la France. Ce génocide planifié de manière irréfutable par les Français a entrainé selon des écrits concordants plus de 500.000 morts donc plus de 80% de Bamilékés auxquels ont devrait ajouter plus de 20% de Bassa. Or la France qui a reconnu le génocide Arménien ne semble pas vouloir reconnaitre ses crimes au Cameroun. Le refus de solder ce compte historique par reconnaissance officielle du génocide Bamiléké et des indices subséquents ne participe pas d'une logique de construction d'un climat de confiance entre ce peuple et la France. Malgré toutes ces considérations, je refuse la thèse de "La France" qui comploterait contre le Cameroun. Il me semble très important de rappeler qu'un distinguo clair doit être fait entre "les Français" et la mafia française, car toute démarche de généralisation et de globalisation est toujours contre productive par ce que contaire à la vérité. Cette vérité est que des millions de français qui aiment le Cameroun existent ; et ceux-là ne sauraient être confondus à la mafia qui pille le Cameroun et installe ou pérennise des régimes politiques anti peuples.
David Eboutou, internationaliste : "Les Camerounais pensent aujourd'hui que leurs malheurs viennent de la France".
Le sentiment antifrançais que l'on constate de plus en plus chez les africains plus particulièrement chez les Camerounais est conséquent à une construction ell-même subséquente à un espriit national voire nationaliste qui se forge au fur et à mesure que l'histoire du continent s'écrit. En fait, le travail des médias camerounais qui a consisté ces dernières années à donner la parole à un nouveau type d'acteur de la société civile, universitaire, politique et même du monde culturel ayant pour point commun leurs diatribes dénonciatrices souvent à l'endroit de la France fait que les Camerounais pensent aujourd'hui que leurs malheurs viennent de la France, ce qui s'est souvent véréifé dans les actualité conjoncturelles qui ont souvent concernné les mauvais agissements de la France en intelligence avec les politiques de ces pays d'Afrique. Mais comme l'histoire ne ment pas, beaucoup de Camerounais savent désormais aujourd'hui que la France a toujours été impliquée d'une manière ou d'un autre dans les processus qui consiste à faire ou à défaire les régimes africains. Les exemples ivoiriens et centrafricains sont encore frais dans nos mémoires.
Mais, est-ce que ce sentiment antifrançais pourrait peser au cas où la France décidait par exemple d'attaquer le Cameroun comme elle l'a fait avec la Côte d'Ivoire ? Bien entendu, il sera extèmement difficile pour la France d'opérationnaliser des manoeuvres de déstabilisation au Cameroun à cause de ce sentiment antifrançais très fort. Mais il reste aux politiques d'être ingénieux en voyant dans quelle mesure ils peuvent exploité cet "acquis" pour faire échouer les desseins obscure de la France au Cameroun, encore faudra-t-il qu'ils prennent déjà cosncience de l'enjeu qui se joue actuellement dans les attaques tous azimuts au niveau de nos frontières.
Propos receuillis par Kami Jefferson, Hervé Ndombong et Jean-Claude Fogno.