La chose est entendue, la cérémonie des Césars est une affaire franco-française, même si la maîtresse de cérémonie, hier soir, au Châtelet, en fut l’exquise Cécile de France, actrice belge comme son nom ne l’indique pas, et, malgré des étrangers de marque, comme Scarlett Johansson, qui reçut un César d’honneur pour sa (jeune) carrière, ou encore l’inoxydable Jeremy Irons, sans oublier l’homme à la gueule des frères Dalton, j’ai nommé Quentin Tarantino, cette cérémonie, qui se veut divertissante malgré son côté toujours un peu compassé (eu égard à la solennité qu’elle entend conférer), a pour but de célébrer le cinéma français.
La présence invariable du ministre de la Culture à cette cérémonie en est d’ailleurs le signe manifeste : il s’agit là d’une affaire d’État. Hier soir, ce fut Aurélie Filippetti, devant qui Cécile de France, dans son rôle de maîtresse de cérémonie, fit une allusion cousue de fil blanc à la question du statut des intermittents du spectacle que le MEDEF souhaiterait revoir. Madame la ministre a d’ailleurs clairement réagi au tacle de l’organisation patronale : il est hors de question de passer au marbre le statut des intermittents du spectacle, car ce serait mettre en péril le fonctionnement de la culture française.
Au vu du palmarès d’hier soir, l’Académie des Césars a fait passer un message, c’est que la comédie aussi a le droit d’être célébrée. Il suffit de voir le triomphe remporté par Guillaume Gallienne pour son film Les garçons et Guillaume, à table ! , où il s’illustre aussi en tant qu’acteur, qui lui valut d’être distingué à cinq reprises, dont le César du meilleur film et celui du meilleur acteur. Sandrine Kiberlain aussi se voit aussi distinguée pour son rôle dans Neuf mois ferme, qui est une comédie énergique réalisée par l’éternel survolté Albert Dupontel. Place à la comédie, d’accord. Il n’y a pas que la tragédie qui soit noble, d’accord. Mais était-ce une raison suffisante pour zapper le chef-d’œuvre d’Arnaud des Pallières, j’ai nommé (et non pas nominé, effroyable anglicisme et copié-collé de la formule en usage à la cérémonie hollywoodienne des Oscars) Michael Kohlhaas, où s’illustre, avec quelle maestria dans la retenue, l’admirable Mads Mikkelsen ? Certes, Mads Mikkelsen est danois et Guillaume Gallienne français, et la cérémonie des Césars s’emploie à célébrer l’industrie du cinéma français sous l’égide du ministère de la Culture, mais quand même, et même si la prestation de Guillaume Gallienne est indéniable dans son film, à moins de souffrir de cécité aiguë ou de franco-françaïsme pathologique, il y a toute de même une différence de performance considérable, pour ne pas dire de stature, entre Mads Mikkelsen, qui illumine Michael Kohlhaas d’Arnaud des Pallières et Guillaume Gallienne, qui anime Les garçons et Guillaume, à table ! (un film qui a le mérite de faire un pied de nez à tous ces fieffés fanatiques français de la théorie du complot du genre). Mais cela n’a pas empêché l’Académie gallica des Césars de rendre César à Gallienne avec des accents de cocorico retentissants dans la haute-cour du Châtelet : Ave, Gallus César !