Une goutte d'eau dans le ciel arverne

Jean-Yves Gouttebel, président du Conseil général du Puy-de-Dôme, est animé par une obsession tenace, faire inscrire la chaîne des puys au patrimoine mondial de l’humanité. Depuis quelques années, les instances régionales du département semblent en effet souffrir d’un mal mystérieux, le vertige des hauteurs. Il est vrai que depuis la mise en service du Panoramique des Dômes, la toute nouvelle ligne funiculaire qui gravit le puy de Dôme (le puy qui domine la ville de Clermont-Ferrand, non pas le département lui-même) pour acheminer à son sommet des grappes de visiteurs ébaudis, cette affaire de classement du site des volcans au patrimoine mondial de l’humanité est montée à la tête des caciques du Conseil général. Les élèves de classes entières sont même mis à contribution, à qui l’on fait porter un tee-shirt vert (la couleur de l’Auvergne) où l’on peut lire : « J’aime [la] Chaîne des Puys et [la] faille de Limagne » (un cœur comme un fruit rouge figure en lieu et place du mot « aime »). Des élèves à qui l’on a fait prendre la pose à la descente du fameux Panoramique des Dômes, en leur demandant de lever le bras droit, en signe de détermination, sans doute : peut-être un geste atavique hérité de leurs glorieux ancêtres arvernes, qui eurent l’audace de se dresser contre l’impérial Jules César. C’est ce qu’on appelle une propagande sans faille et une instrumentalisation sans vergogne des forces vives du département. La fièvre verte est visible, à tel point que pour le week-end des 28 et 29 septembre prochains, il est même prévu qu’un ballet de vingt montgolfières évolue fièrement au-dessus de la Chaîne des Puys et de la Limagne en manière de soutenir haut et fort la candidature du site au patrimoine mondial, un événement qui, bien évidemment, reste soumis aux bonnes conditions météorologiques : l’homme propose, le ciel dispose. Les aérostats qui évolueront sur la scène céleste du département porteront l’estampille du Conseil général, avec cette mention particulière : « du relief et des hommes ».  Une formule qui n’est pas sans rappeler le titre d’un roman de John Steinbeck, Des souris et des hommes (publié en 1937). Car toute cette agitation rappelle à quel point les hommes sont des souris au métabolisme frénétique à côté des  paisibles géants que sont les volcans. La faille, ce n’est pas la Limagne, loin s’en faut, c’est la limaille qu’attire irrésistiblement l’aimant des honneurs. Le comble, c’est que l’organisateur du ballet gonflé s’appelle Guillaume Gouttequillet ! C’est la goutte finale qui fait déborder le vase. Il fallait que cela arrive au pays de Volvic, où l’on met les volcans en bouteille…