Lundi 3 février, le plateau de la sémillante Elisabeth Quin, Queen de l’émission 28 minutes, sur Arte, abordait la question de la théorie du genre en réunissant sur son plateau Bérénice Levet, philosophe, Eric Fassin, sociologue et Serge Hefez, psychiatre et psychanalyste. Cette question du genre occupe le devant de la scène médiatique depuis que des activistes appartenant à la mouvance de l’intégrisme catholique et de l’extrême droite (en lien notamment avec Farida Belghoul, une militante qui est allée se perdre du côté de cette nébuleuse-là) ont alarmé des parents d’élèves (notamment par l’envoi de sms) en leur déclarant qu’on manipulait leurs enfants à l’école dans le cadre de l’ABCD de l’égalité, un programme mené par l’Éducation nationale, qui, à leurs dires, alimenterait une confusion des genres faisant croire aux petites filles qu’elles pouvaient être des petits garçons et inversement.
Le débat entre les trois invités d’Elisabeth Quin eut le mérite de montrer à quel point le sociologue Eric Fassin et le psychiatre psychanalyste Serge Hefez étaient singulièrement plus en faveur de l’égalité entre les sexes que la philosophe Bérénice Levet, dont le propos était singulièrement confus et passablement rétrograde. Cette dernière justifiait notamment le choix des jeunes filles qui s’orientent dans des métiers autour de la personne en parlant d’orientations naturelles, quand, en l’occurrence, celles qui font cela ne font jamais qu’entériner une norme, un stéréotype social, lequel énonce que les femmes, par nature, sont plus enclines à remplir des fonctions touchant à la personne, et les hommes, plus à même d’occuper des fonctions plus techniques. Comment une personne qui passe pour être une philosophe peut-elle confondre nature et culture, en prenant pour des faits de nature ce qui relève de la culture ? En se fondant sur la fameuse formule de Simone de Beauvoir qui dit que « on ne naît pas femme, on le devient », Serge Hefez reprécisa qu’on naissait mâle et femelle et qu’on devenait homme et femme. Les inégalités ne sont que le fait de normes sociales et non pas des faits de nature.
Que les hommes et les femmes soient différents de par leur genre sexuel, c’est une chose, mais différence ne veut pas dire inégalité. Et rien ne justifie que les hommes et les femmes ne soient pas égaux, en droit, dans notre société. Ludovine de Larochère, la présidente de la Manif pour Tous, qui a défilé dans les rues de plusieurs grandes villes française dimanche dernier, démonstration de force d’une certaine France réactionnaire toute pavoisée de bleu et de rose, a beau jeu de dénoncer la prétendue immixtion de État dans des affaires qui, selon elle, relèveraient de la famille seule, quand l’État ne fait jamais que remplir son rôle en la matière, en essayant d’introduire plus d’égalité entre les filles et les garçons, de sorte que les filles aient autant de chances que les garçons. Car le principe d’égalité a beau être inscrit dans la constitution, il n’est pas encore effectif dans notre pays (ne serait-ce que sur la simple question des salaires entre hommes et femmes pour des fonctions équivalentes), et le sociologue Eric Fassin de faire remarquer opportunément à quel point la question de l’égalité semblait faire peur dans la patrie des droits de l’Homme.
Il est toujours étonnant de constater à quel point tous ceux qui prétendent défendre les valeurs fondamentales de la France ne défendent jamais qu’une chose, leur propre position, indéfendable. La France n’a pas à être défendue par quelque frange de la population que ce soit, comme si la France était minée par une faiblesse congénitale. Loin d’être défendue, la France gagnerait au contraire à voir son armure fendue.