Nous sapons l’autorité de la parole officielle par les enquêtes que mène Médiapart ».
Il a déclaré cela sur un ton réjoui, avec un sourire entendu, comme s’il en tirait satisfaction. Que faut-il comprendre par là précisément ? Qu’il y aurait, de la part de Médiapart, dans la manière de mener ses enquêtes journalistiques, l’intentionnalité de porter atteinte à l’autorité de la parole officielle pour affaiblir le pouvoir ? Ou bien que l’affaiblissement de la parole publique découlerait de ce que révèlent les enquêtes de Médiapart ? Ce qui est tout à fait différent.
L’affaire Cahuzac, révélée en décembre 2012 par les enquêtes de Fabrice Arfi à Médiapart, a-t-elle été déclenchée par la volonté de décrédibiliser l’autorité politique sous la présidence du Président Hollande ou bien, en dénonçant les agissement de l’ancien ministre, par celle de mettre à l’écart un homme qui n’était pas à sa place dans un gouvernement digne de ce nom ?
En d’autres termes, cette affaire a-t-elle été révélée dans le souci de l’intérêt général en écartant un ministre qui, à titre privé, faisait l’exact contraire de ce qu’il préconisait publiquement, ou pour affaiblir le pouvoir en place à l’époque ?
S’il semble inévitable que la poursuite de la vérité des faits en matière politique aboutisse, parfois, à écorner passablement l’image des femmes et des hommes politiques, que ce soit le prix à payer, pour ainsi dire, c’est une tout autre chose d’apprendre que le but poursuivi par Médiapart ne consiste pas tant à informer les citoyens sur la réalité du monde politique que de chercher à affaiblir l’autorité du pouvoir, de le « saper », comme Edwy Plenel semble le laisse entendre dans sa déclaration. Car le cas échéant, il convient de parler de militantisme anti-pouvoir pur et simple, d’activisme politique, non plus de journalisme. Si tel est le cas, c’est grave.
Si Edwy Plenel s’enorgueillit d’abaisser la parole publique, c’est grave, car ce faisant, en confortant la défiance des Français dans la parole officielle, Médiapart contribue à alimenter le complotisme ambiant, le conspirationnisme qui prospère à travers les réseaux sociaux, ces rouages ténébreux qui colportent l’ignorance et l’obscurantisme. On est là bien loin de la mission d’utilité publique d’un organe d’information digne de ce nom.
Médiapart a le droit de critiquer les dysfonctionnements de l’État français dans sa gestion de la pandémie, de pointer du doigt son impéritie, mais accuser les autorités d’impréparation pour un événement imprévisible, une situation sans précédent depuis la grippe espagnole au début du XXe siècle, c’est une lapalissade. Est-il un seul pays au monde dont la gestion de la pandémie soit au-dessus de tout reproche ? Certes, il y a eu au début le cafouillage sur les masques dont les autorités ont affirmé qu’ils ne servaient à rien, parce qu’on en manquait tout simplement. Mais ce mensonge-là ne justifie pas que l’on discrédite tous les efforts que le pays a fournis depuis pour surmonter autant que faire se peut cette crise inédite. Il y a de la part de Médiapart comme une complaisance à rendre les autorités françaises responsables de tout ou presque, une médisance à leur égard qui relève de l’acharnement pathologique. Pour un média dont la mission supposée consiste à informer les citoyens en rendant compte objectivement de la situation socioéconomique et politique du pays, il y a là un dévoiement considérable. Si l’affaire Cahuzac a révélé comment un ministre délégué chargé du Budget pouvait se dévoyer, le traitement de l’information par Médiapart au sujet de la gestion de la crise sanitaire par l’État français est également un scandale en soi par cette permanente mise en accusation. Comme si cela relevait d’une affaire personnelle entre Médiapart et les autorités. Médiapart, qui se plaît à canarder tous azimuts, à l’image des Mediapart Awards, ce petit jeu de ball-trap numérique du plus mauvais goût qui consiste à épingler des personnalités politiques pour leur travers et à caresser la vindicte populaire dans le sens du poil, Médiapart joue le rôle du vilain petit canard dans la basse-cour de la presse française.