Quand j’ai eu connaissance pour la première fois du titre du livre que l’ex-compagne du président de la République avait écrit pour parler de ses dix-huit mois passés à l’Élysée, Merci pour ce moment, je n’avais pas compris que c’était de l’ironie mordante, mordante comme cette formule de « sans-dents » dont l’ex-Première dame affirme que c’est ainsi que le président de la République parlerait des pauvres. Autant dire que notre président est un sans-cœur alors, ce qui, pour un homme de gauche, qui dit être au service des plus fragiles, des plus modestes, des plus humbles des plus pauvres, parce que c’est sa raison d’être, comme il vient de le déclarer lors du sommet de l’OTAN au pays de Galles, plus qu’une contradiction, est une flétrissure, une marque infamante.
Tout cela paraît pour le moins suspect de la part d’une femme ayant partagé la vie du président de la République tant cette pseudo-révélation a des accents de règlements de compte. On remarque que la maison d’édition qui a publié ce brûlot s’appelle Les Arènes. Comme si, en définitive, plus qu’un simple déballage indu d’affaires privées dans la sphère publique, on assistait à une tentative d’estocade sur la figure présidentielle devant la France entière massée sur les gradins autour de l’arène où Valérie Trierweiler joue au torero en se drapant dans sa dignité de femme bafouée.
Cette expression de « sans-dents » a-t-elle été réellement prononcée par François Hollande ? Si oui, dans quel contexte ? Il est vrai que tirée hors de son contexte, on peut faire tout dire ou presque à une formule, même son contraire. Ainsi le verset des Évangiles dans Matthieu 10, 34-35, où le Christ dit : « Ne croyez pas que je soi venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère ; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison. (…) » (même chose dans Luc 12, 49- 53). Hors de son contexte, ce verset pourrait faire croire que le conflit est le but poursuivi par le Christ, alors que, en vérité, ce n’est qu’un dommage collatéral inévitable provoqué par l’action qu’il mène. C’est ce genre de manipulation des propos qui justifie le pire, comme par exemple le djihad de la part des islamistes fanatiques, qui font dire au Coran ce qui les intéresse. Apparemment, Valérie Trierweiler ne fait pas autrement. Le comble, c’est qu’en faisant paraître Merci pour ce moment, l’ex-Première dame ne se conduit pas différemment des auteurs ou magazines qu’elle a poursuivis dans le passé pour violation de sa vie privée, ainsi la maison d’édition du livre La frondeuse, condamnée en 2013 à lui verser 10 000 € de dommages et intérêts ou encore le magazine Point de vue. Comment se fait-il que Mme Trierweiler, issue du journalisme, n’ait pas conscience que, en attaquant François Hollande pour des raisons personnelles, et en rendant cela public par voie d’édition, elle fragilise la République française, qui n’a pas besoin de cela en ces moments difficiles ? Comment se fait-il qu’elle puisse faire passer ses griefs personnels avant l’intérêt général du pays? Quel est cet égoïsme sans nom doublé d’un aveuglement sans pareil ? Mais en parlant de journalisme et de l’éthique que l’on peut espérer chez tout journaliste digne de ce mon, il est vrai qu’il y a mieux que le magazine Paris Match pour le compte duquel Valérie Trierweiler travaille et dont le fonds de commerce est le sensationnalisme. Merci pour ce moment semble être fondé sur un tri sélectif bien orienté, et le plus triste, c’est que le livre s’arrache comme des petits pains, comme si les Français n’aimaient rien tant que de se repaître d’ordures. Un député de l’UMP, au début de règne de Valérie Trierweiler en tant que Première dame, l’avait comparée à un rottweiler, le bouvier allemand. J’avais trouvé le propos infâme. Force m’est de revoir mon opinion sur la dame qui vient de montrer ses crocs.