Un professeur d’économie le déclarait récemment sur les ondes de France Info, l’Europe ne connaît plus de croissance depuis la fin des années 70, mais la croyance en la croissance (c’est-à-dire son illusion) subsiste en raison des marchés financiers et de la spéculation. La croissance est fondée sur le principe de l’obsolescence, principe selon lequel rien ne doit être durable, tout doit être périssable, rapidement, ce qui permet d’alimenter la consommation. Une société fondée sur l’obsolescence est une société fondée sur le gaspillage et le pillage des ressources de la planète. Tel a été le monde capitaliste depuis la révolution industrielle, ou peu s’en faut. Nous en sommes désormais au bout de cette voie sans issue, dans un monde à bout, un monde à l’agonie, un monde à terre — ce qui est d’ailleurs le sens du mot Occident, qui vient du latin ob, pour « objet » et cadere, « tomber à terre », « succomber, périr », faisant référence au soleil couchant.
Michel Serres, un jardinier des mots qui excelle à faire pousser la pensée sous serre crânienne, dans le cadre de ses entretiens dominicaux avec Michel Polacco, toujours sur la même station radiophonique, déclarait il y a peu que nous vivions sous le règne du tout-économique, c’est-à-dire, sous la dictature de l’Economie. L’Homo economicus est le serviteur servile d’un système basé sur la production et sur la propriété, un système qui ruine le monde. En faisant référence à l'un des ses ouvrages : Le mal propre, polluer pour s’approprier, le philosophe rappela que les hommes ne faisaient pas autrement que les animaux qui urinent pour marquer leur territoire, qu’ils salissaient le monde pour se l’approprier. En somme, posséder, c’est polluer. Le propre de l’homme, c’est de salir tout ce qu’il touche. Le système est tellement plein de notre saleté humaine qu’il ne parvient plus rien à laver, qu’il n’a plus la capacité à se régénérer, et le monde — du latin mundus, « ce qui est propre » — en devient immonde.