Jacques Testart vient de faire paraître au Seuil, en janvier 2015, un ouvrage qui s’intitule : L’humanitude au pouvoir : comment les citoyens peuvent décider du bien commun. Non content d’avoir fait jaillir la vie dans des tubes à essai, voilà que le père scientifique du premier bébé éprouvette français, Amandine, née le 24 février 1982, s’ingénie désormais à faire jaillir des mots éprouvette comme « humanitude ».
Comme quoi, le démon de la création n’a pas quitté le biologiste (ce que rappelle le sens de son patronyme, avec quelle opportunité !), même s’il a effectué un sérieux revirement depuis quelques années, au point de déclarer, comme il le fit il y a quelques jours sur le plateau de 28 minutes, sur Arte, animé par la sémillante Elisabeth Quin dont la pétulance requinquerait un requin marteau en fin de vie, qu’il était temps que la science cesse d’intervenir dans le domaine de la procréation et qu’elle laisse faire la nature, ne serait-ce qu’en raison de la menace de l’eugénisme qui pointe le bout de son nez dès lors que l’homme a prise sur le processus génésique. Ainsi, celui qui s’était surnommé Jacques l’Inventreur, qui fut chercheur puis directeur de recherche à l’Inserm de 1978 à 2007 dans le domaine de la création artificielle et naturelle de l’espèce humaine, se déclare maintenant farouchement hostile à la gestation pour autrui dont il dit qu’elle n’a rien d’altruiste et qu’il s’agit d’une simple location de ventre, au point de voir sa position récupérée par les intégristes catholiques, ce qui le gêne passablement, car son combat à lui est différent. Car Testart n’est pas contre tout s’agissant de la recherche scientifique sur l’Homme, contrairement aux intégristes et autres adeptes de la « manif pour tous », mais contre ce qu’il estime être des dérives scientistes au service du libéralisme économique qu’il combat (le scientisme consiste à faire prévaloir la science expérimentale au détriment des formes plus anciennes de référence). Il faut préciser que Jacques Testart est un membre du conseil scientifique d’Attac et aussi partisan de la décroissance. Curieux parcours tout de même que celui de cet apprenti sorcier père de la fécondation in vitro humaine et auteur des premières mères porteuses chez les bovins, jadis au service de la science toute puissante et de l’industrie, qui milite désormais au sein d’une organisation altermondialiste et qui exhorte la science à rester dans les limites de la dignité humaine et de la démocratie réelle, ce qu’il appelle « l’humanitude », soit l’intelligence collective douée d’empathie pour autrui. Mais voilà, ce simple mot d’humanitude a comme un parfum de laboratoire, un parfum qui est loin des senteurs naturelles qui s’épanouissent dans les exploitations agricoles respectueuses de la nature. On sent un je-ne-sais-quoi d’intégriste dans ce mot-là, dans ce néologisme poussif qui est à la langue ce que l’eugénisme est à l’espèce humaine, une forme d’interventionnisme contre nature. Il n’est nul besoin de déformer la langue pour la faire parler, nul besoin d’enfanter des mots comme des monstres de Frankenstein dans l’espoir d’insuffler un sens nouveau : la langue salive suffisamment de sens comme cela sans qu’on ait besoin de recourir à la chirurgie esthétique sur les mots, même si les vocables pourvus d’un suffixe -itude sont à la mode, comme en témoigne par exemple « zénitude ».