Ça y est, l’été a fini par s’imposer. Rien n’était moins sûr, au vu du printemps hivernal que nous avons eu. On pouvait s’attendre à un été automnal. On a appris à se méfier depuis le scandale de la viande de bœuf de cheval, à se méfier des étiquettes. La pratique du doute et du questionnement s’impose comme une attitude responsable devant la tromperie, qui est devenue un mode de fonctionnement dans notre société. Mais apparemment, tout semble indiquer que nous aurons bien un été estival. C’est déjà cela. L’été qui ouvre un boulevard vers le Midi avec les plages de la Côte d’Azur déjà noires de Nordistes assoiffés de soleil, l’été qui voit traditionnellement rouge avec ces transhumances automobiles annuelles, en attendant les inévitables coups de soleil qui viendront rougir les bancs de Visages Pâles encalminés dans le sable, hypnotisés par le spectacle de la mer qui se mêle à l’azur. Car il n’y a pas que Mallarmé qui était hanté par l’Azur, il y a tous nos contemporains qui le sont, aussi mal armés que le poète abscons l’était, et plus encore, au vu des nuages qui obscurcissent leur proche avenir. En effet, les perspectives (de la France, du monde, voire de l’espèce humaine qui manque tant d’humanité[1]) sont plutôt sombres, il n’est nul besoin d’être voyant comme Rimbaud pour s’en apercevoir. Mais avoir peur de l’avenir, c’est comme avoir peur de la mort, c’est une pensée chargée de négativité aussi inutile qu’illusoire. En effet, pour reprendre l’argument d’Épicure, puisque la mort n’est rien — la mort est Rien —, avoir peur de la mort, c’est avoir peur pour rien. De la même manière, puisque l’avenir n’est pas étant donné que seul le présent existe et que l’avenir n’est constitué que de projections mentales, des projections tissées d’espérance ou de peur, avoir peur de l’avenir, c’est avoir peur de quelque chose qui n’est pas. C’est donc avoir peur pour rien. Une pensée de Pascal n’a pas son égale qui dit ceci : « Le présent n’est jamais notre fin. Le passé et le présent sont nos moyens, le seul avenir est notre fin. Ainsi, nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre, et nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais. »
Aussi ne craignons pas l’avenir, qui viendra quand viendra son heure, et vivons le temps présent, le seul temps qui existe, le temps de l’éternel présent, la seule saison que connaisse l’être humain. Or le temps est solaire. Autant se fondre dans le soleil, dans le silence, la solitude même au sein de la multitude. Vaquons donc à nos vacances, célébrons la vacance de nos inquiétudes, soyons présents à nous-mêmes, en toute tranquillité, et qu’importe le reste, demain viendra bien assez tôt. Soyons solaires comme Rimbaud qui s’exclamait :
Elle est retrouvée.
Quoi ? — L’Éternité.
C’est la mer allée
Avec le soleil.
[1] Au sujet de l’humanité, Pascal Picq, paléoanthropologue de son état, et auteur de Au commencement était l’homme, a une pensée qu’on peut prendre comme une pique quand il dit que si Homo sapiens a inventé l’humanité, il lui reste encore à devenir humain. Cette pensée est tellement vraie pourtant, elle lance des étincelles dans la nuit du monde. Homo sapiens sera humain quand il fera preuve d’humanité autour de lui, et cette humanité commence d’abord par ses rapports avec le règne animal dont il estime qu’il est à son service. J’ai une pensée toute particulière pour les animaux domestiques que leurs maîtres abandonnent lors des départs en vacances. Que la bête immonde est proche encore et loin l’être humain !