Pierre Caumont (avatar)

Pierre Caumont

autre

Abonné·e de Mediapart

256 Billets

0 Édition

Billet de blog 14 novembre 2013

Pierre Caumont (avatar)

Pierre Caumont

autre

Abonné·e de Mediapart

Michel Onfray contre Frédéric Lenoir, match nul

Pierre Caumont (avatar)

Pierre Caumont

autre

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mercredi 13 novembre 2013, sur 28 minutes, l’émission de débats sur Arte menée par la sémillante Elisabeth Quin, dont le jeu diabolique des sourcils n’a d’égal que les œillades persanes dont elle persille savamment les spectateurs à l’entour, étaient invités Michel Onfray, théoricien de l’hédonisme (cf. Le désir d’être un volcan), et Frédéric Lenoir, spécialiste des religions. Le débat entre Onfray et Lenoir autour de la religion, censé opposer un athéiste, Onfray, résolument hédoniste, à un agnostique, plus spiritualiste, Lenoir, fut nul et non avenu, non seulement parce que le débat manquait d’espace-temps pour pouvoir prendre son envol, mais surtout pour cette raison que les deux hommes ne parlaient pas du tout de la même chose sans que, apparemment, ils en prennent la mesure.

Autant Onfray parlait de religion, quitte à en faire une caricature simpliste qui frisait le ridicule, autant Lenoir parlait de spiritualité, deux choses foncièrement différentes (cf. l’article Religion, spiritualité http://blogs.mediapart.fr/blog/pierre-caumont/260113/religion-spiritualite.) Là où Onfray ne voit que des croyances fondés sur des dogmes gratuits, comparant la croyance en Dieu et tous les autres croyances dérivées en la croyance au Père Noël, Lenoir, lui, voit des mythes fondateurs, un cheminement spirituel personnel et la valeur humaniste et libératrice des Évangiles. Frédéric Lenoir déclara à juste titre que Jésus avait une dimension fondamentalement anticléricale (ce qui peut sembler pour le moins paradoxal aux yeux des croyants) en ce sens qu’il avait lutté contre les hypocrisies du clergé hébreu d’alors, les pharisiens et autres saducéens. Il ajouta aussi que le message des Évangiles préfigurait ce qui allait devenir 2000 ans plus tard les Droits de l’Homme. Et Michel Onfray de sourciller les sourcils, mais pas de la même manière qu’ Elisabeth Quin, pour marquer sa désapprobation.

Lui, Michel Onfray, qui se targue d’être un des rares en France à avoir lu la Bible, le Coran et le Talmud, entièrement et scrupuleusement, contrairement à ses dires à ceux qui en parlent sans savoir de quoi ils parlent,  des confrères plus filou-saufs que philosophes, sans nul doute, lui, qui a écrit une cinquantaine d’ouvrages, véritable boulimique de la publication, capable d’écrire sur tout et sur rien, de la sculpture de soi au canari nazi, en patinant sur l’esthétique du Pôle Nord et en butinant la sagesse des abeilles, lui, qui se plaît à déboulonner les grandes figures intellectuelles du siècle passé, comme celle de Sigmund Freud par exemple, pour le plaisir, pour faire un exemple vraisemblablement, pour étancher sa soif inextinguible de noircir du papier certainement, lui, qui, à vouloir tout penser finit par mal penser par le menu, et par ne plus penser juste en vérité. Car déclarer que le Coran s’inscrit dans une pure logique de conquête et que c’est le parfait mode d’emploi pour le meurtre ou le massacre de masse, voilà qui témoigne d’une compréhension pour le moins superficielle du livre saint pour les musulmans. La même chose pourrait être dite s’agissant de la Bible, qu’il s’agisse de l’Ancien Testament comme du Nouveau, à savoir, qu’elle s’inscrit dans une logique de conquête (ainsi la  conquête du Pays de Canaan par les anciens Hébreux, la propagation de l’Évangile sur tout le pourtour méditerranéen par les apôtres du Christ, ou encore l’Évangélisation du monde par l’Église catholique) et qu’elle est le parfait mode d’emploi du tortionnaire ou du meurtrier au service du Tout-Puissant. La simple existence de l’Inquisition illustre suffisamment bien ce versant sombre de la religion chrétienne. Cela pour dire que le Coran ne pousse pas plus au crime que ne l’a fait la Bible, car les saintes Écritures comptent parmi l’un des plus terribles instruments d’oppression dont l’être humain se soit jamais servi. Les Écritures des trois grandes religions monothéistes ne sont qu’un moyen, elles deviennent ce que l’humain en fait. Autant elles peuvent être source de bien entre de bonnes mains, autant elles peuvent être source de maux entre de mauvaises mains. Le Livre (des grandes religions révélées) propose, l’humain dispose. Et c’est bien là le problème de ces livres dit « saints », auxquels on peut faire dire tout et son contraire. Livres sains et malsains à la fois, tout dépend des mains entre lesquelles ils tombent. Livres au sens éminemment réversible en fonction des époques et des mentalités. Il y eut le syncrétisme dans le Califat de Cordoue, Âge d’Or de la tolérance religieuse jusqu’au XVe siècle, il y a le saint crétinisme d’aujourd’hui qui prévaut avec les intégrismes de tous bords. Ce côté réversible et volatile est un peu celui de Michel Onfray, capable d’effectuer un carottage dans la calotte glaciaire de l’esthétique du pôle Nord comme de papillonner sur la sagesse des abeilles, lui qui brasse la pensée comme un ventilateur brasse de l’air.

Frédéric Lenoir a tort toutefois quand il compare l’athéisme de quelqu’un comme Onfray avec l’athéisme d’André Comte-Sponville, pour qui l’athéisme n’est pas antinomique avec l’idée d’une spiritualité, mais une spiritualité sans Dieu, dépouillée de ses oripeaux de religiosité. L’esprit de l’athéisme selon Comte-Sponville est plus empreint de spiritualité que la pensée de nombre de prélats de l’Église catholique romaine, confite en bondieuserie comme des pruneaux dans de l’eau-de-vie. 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.