C’est la semaine de la langue française sous le patronage vigilant du CSA, qui veille au grain, c’est-à-dire, à ce que les médias français ne charrient pas trop d’anglicismes superflus comme autant d’enjoliveurs avec cet éclat anglais pour faire « bien », à l’instar du nom d’émissions populaires comme The Voice sur TF1, par exemple. Car autant nombre de vocables d’origine anglaise qui se sont imposés dans la langue de Molière ont leur bien-fondé, pour ne citer que « week-end », « match » ou « parking », autant l’emploi de certains mots anglais qui ont leur équivalent français naturel n’ont pas lieu d’être, ainsi live, une émission en live, quand on peut dire sans rougir « en direct » ou « en public ». Et que dire de digital (en langage informatique) quand l’emploi de numérique est devenu courant ? D’ailleurs, qui en France oserait aujourd’hui parler de computeur au lieu d’ordinateur sans passer pour un has been ? Courriel, en revanche, a plus de mal à s’imposer face à e-mail, même si courriel est devenu la norme chez nos cousins québécois, lesquels ont mis en place depuis des années déjà une stratégie d’équivalence linguistique face au péril anglais pour ne pas voir l’usage du français purement et simplement disparaître de leur belle Province. Mais autant il est ridicule de vouloir mettre de l’anglais à toutes les sauces pour faire bien ou high-tech (je me souviens ainsi avoir entendu un jour sur France-Info un entrepreneur français parler d’implémenter, anglicisme hideux, au lieu de dire simplement « mettre en œuvre », comme si le terme anglais lui conférait un supplément d’importance, de poids économique), autant il convient de ne pas se formaliser de tous ces anglicismes à la mode, comme prime time, talk show ou encore news, que le sabir de la télévision véhicule à l’envi plutôt que de lutter à tout prix contre cette mode qui passera, avec ces expressions et ces mots, qui passeront, eux aussi, et qui finiront par tomber dans l’oubli. Et pour ceux qui croient que le français a déjà perdu dans cette lutte linguistique qui l’oppose à l’anglais, qu’ils sachent qu’on trouve dans des rues de Londres des panneaux où il est inscrit « cul de sac », qu’on entend parfois dans une bouche anglophone des expressions comme « un je ne sais quoi » avec l’accent français de rigueur et qu’on voit des mots comme « finesse » ou encore « nuance » fleurir parfois au détour d’une phrase anglaise, des mots qui donnent l’impression à celui qui les prononce de faire preuve de raffinement en se prévalant de cette culture française tellement chic. Aussi, il n’est nul besoin de verser dans la paranoïa linguistique et de se déclarer anglophobe : la langue française, langue de l’entendement, a des armes que la langue anglaise n’a pas, langue plus pragmatique, et vice versa. On n’assiste pas à un remake de Waterloo entre le français et l’anglais, il y a seulement des porosités entre les langues et des luttes d’influence entre elles. L’anglais s’est abondamment nourri de français avec la venue en 1066 du Normand Guillaume le Conquérant sur le sol d’Albion, le français peut donc bien faire à son tour une indigestion de Mac do à gogo ou de coca light ou pas, il n’en perdra pas son âme pour autant. Une chose est sûre, en revanche, c’est que cette paranoïa linguistique fait le jeu des people qui baragouinent franglais au petit écran au point de spolier parfois le français de son bon goût. Mais franchement, il y a plus grave que cela dans le monde, et ce ne sont pas les médias qui forgent une langue mais l’inverse : les médias ne font jamais que porter en creux l’empreinte de la langue parlée par la population d’un pays. Et si les médias d’un pays colportent une forme d’imbécillité linguistique, c’est aussi parce que celle-ci caractérise les gens de ce même pays. Au bout du compte, on a la langue qu’on mérite, et les hésitations d’une langue, ses préciosités ridicules, ses emprunts toxiques ou pas à l’étranger ne sont jamais que le reflet de ceux qui la parlent.
Billet de blog 17 mars 2015
Lingua franca
C’est la semaine de la langue française sous le patronage vigilant du CSA, qui veille au grain, c’est-à-dire, à ce que les médias français ne charrient pas trop d’anglicismes superflus comme autant d’enjoliveurs avec cet éclat anglais pour faire « bien », à l’instar du nom d’émissions populaires comme The Voice sur TF1, par exemple.
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