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Billet de blog 20 juin 2013

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Sale temps pour la France

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce ne sont plus de simples intempéries auxquelles la France est confrontée depuis quelque temps mais bien des intem-périls tant les dérèglements actuels du temps manquent singulièrement de tempérance. Les dévastations occasionnées par la crue du gave de Pau dans les Hautes-Pyrénées sont éloquentes. Mais ce qui est inédit, c’est l’époque à laquelle survient ce phénomène. La crue du gave — le mot est un terme générique d’origine celtique qui signifie « cours d’eau » —  résulte en fait de la fonte massive des neiges, une neige tombée en surabondance cet hiver sur les Pyrénées, on s’en souvient. L’effet domino est dévastateur. Quel dieu joue à ce jeu ?

Benedicamus domino, « bénissons le Seigneur » disent les catholiques, d’autres croyants ânonnent tout bas que « tout ce qui tombe du ciel est béni ». Même la pluie est bénie, quitte à ce qu’elle fasse perdre tout sens de la mesure au gave du Pau qui, prenant peut-être exemple sur les oies du Sud-Ouest, s’est dit que lui aussi, après tout, avait droit au gavage d’eau de pluie pour produire non pas du foie gras mais une crue dont les Bigorrais garderaient le souvenir non pas pour les siècles des siècles (ne perdons pas toute mesure) mais  pour les décennies des décennies au moins.

Une sacrée crue. Cruelle même pour ces personnes dont a elle emporté la vie. Même le sanctuaire rupestre de Lourdes n’est pas épargné et la grotte où Bernadette Soubirous vit l’apparition de « la Dame Blanche » (pour reprendre sa formule) s’apparente à une grotte sous-marine, ou peu s’en faut. Si malgré cet épisode cruel du gave de Pau les pèlerins ne renoncent pas à leur rite des profondeurs à Lourdes (après tout, il n’y a pas là de quoi perdre sa foi, quand même l’existence d’Auschwitz ne suffit à faire douter les inconditionnels de la foi en l’existence d’un Dieu qui n’est que Bonté, ce qui montre la force prodigieuse de cette divine folie qu’on nomme la foi), il leur faudra revêtir des combinaisons de plongée, se munir de bouteilles d’oxygène et chausser des palmes pour sacrifier aux divinités sous-marines du lieu. On pourra alors parler du phénomène des « pèlerins pingouins ».  Car il va sans dire que si tout ce qui tombe du ciel est béni, la grotte submergée par les eaux l’est aussi, bénie. On peut même parler de grotte baptismale, d’une grotte pleine d’eau bénite, où baigne l’Esprit Saint, un esprit bathyscaphe qui aurait cédé à l’ivresse des profondeurs. Il est peu probable que Bernadette Soubirous, initiée à la vie secrète des voyantes en 1858, ait pu prévoir un développement aussi insolite : la grotte de l’apparition disparue sous les eaux. Mais un tel phénomène, ne pouvant être que d’essence divine, après tout, ramène le pèlerin sur Terre en faisant démonstration de la pesanteur des événements terrestres. Après tout, la cité pyrénéenne de Dieu ne s’appelle-t-elle pas Lourdes, un vocable dont ne peut pas dire qu’il porte la marque d’une légèreté insigne malgré les miracles qui frappent de manière récurrente la sainte cité, de même que la foudre céleste frappe les paratonnerres? Oui, les eaux du gave de Pau sont bien lourdes, tellement qu’elles ont même fait la peau à au moins trois personnes. 

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