La prestation des Bleus, opposés aux Suisses jeudi soir lors du second match de pool de la Coupe du Monde au Brésil, au stade de Salvador de Bahia, a comme ouvert un grand coin d’azur dans le cœur des aficionados du (beau) football et de notre équipe nationale. Le score, 5 à 2, est impressionnant, à l’image du jeu qu’a déployé le collectif sous la houlette du sélectionneur Didier Deschamps, un meneur d’hommes éclairé s’il en est.
Car une équipe, ce n’est pas une (simple) somme de talents, ce n’est pas une addition, non, c’est une alchimie, c’est un esprit, esprit de corps, qui lie ensemble toutes les parties en présence, comme les membres autour du tronc (humain), c’est un esprit tout court. Et quand l’esprit plane, la magie opère, et ce fut le cas lors de ce match éblouissant contre la Suisse où les Français donnèrent au monde entier une leçon de jeu collectif, avec quel brio, avec quel plaisir manifeste !
Plaisir, le mot clef. Plaisir d’être ensemble, plaisir de jouer, plaisir d’œuvrer à un but commun, quel qu’il soit, pur plaisir de vivre, ici et maintenant, dans l’action du jeu, du « Je » mis en branle par un objectif sportif commun : aller aussi loin, aussi haut que faire se peut dans la compétition, mais sans jamais perdre de vue ce plaisir élémentaire, sans perdre pied ni ouvrir la plaie de l’insignifiance de la chose si le plaisir (d’être ensemble) en est absent. Les Bleus n’avaient pas donné à voir un aussi beau match depuis l’époque où un certain Zinedine Zidane arpentait la pelouse avec ce pas unique qui était sa marque. Rappelez-vous ce danseur zen au dribble en zigzag qui semait la zizanie dans les pieds adverses, cet artiste qui portait la pelouse au zénith, cet altruiste qui avait un sens unique du collectif, ce joueur qui avait quelque chose de plus que les autres, qu’on appelle cela de la grâce ou du génie. Rappelez-vous ce fameux 12 juillet 1998, jour de la finale France-Brésil au stade de France, où les dieux étaient en bleu, rappelez-vous ce jour béni qui fut le sacre de Zinedine Zidane. Zidane, ce moine-soldat, moine autant par sa calvitie naissante au sommet du crâne, qui ressemblait alors à une tonsure, que par son intériorité, son verbe rare et sa qualité d’âme, soldat autant par ses armes naturelles, ses pieds et sa tête, que par sa rage de vaincre, Zidane qui fut tout simplement impérial ce jour-là, dans ce match mémorable qui opposa la France au Brésil, jusqu’au bout, jusqu’au(x) but(s). 3-0. Lui, le Zorro du ballon rond, qui s’était éclipsé le temps de deux matchs pour mieux revenir en finale, et signer son nom d’un double Z, non pas à la pointe des pieds mais de la tête, et quelles têtes ! Véritables coups de butoir dont les filets brésiliens tremblent encore. Mon Dieu, que ce fut bon de voir la France heureuse ! Que ce fut beau de voir la France en gagneuse ! Cela mit du baume à l’âme, du bleu au cœur. Le match asséné contre les (petits) Suisses jeudi dernier rappelle l’époque de Zidane et l’épopée des Bleus, comme si l’esprit du maestro du ballon rond avait soufflé sur les Bleus jeudi soir, qu’il avait infusé en eux, faisant d’une somme de joueurs un tout cohérent, cohésif, percutant, percussif, une équipe avec une âme, une équipe inspirée, mue par un esprit.
Cet esprit d’équipe, cela même dont manque cruellement la France, qui joue tellement mal dans la compétition de la mondialisation, parce qu’il n’y a pas d’équipe, justement, mais qu’une immense somme d’égoïsmes. Il y a quelques jours, au micro de France-Info, une employée de la SNCF avait déclaré sans complexe qu’elle avait choisi de travailler à la SNCF en raison des avantages liés au statut de cheminot. Et c’est parce qu’elle n’acceptait pas qu’on puisse remettre en cause ces avantages qu’elle faisait grève. Bel esprit d’équipe…