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Billet de blog 22 février 2017

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En Trump-l'oeil

Donald Trump ne vient pas de la télé-réalité pour rien.

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Donald Trump ne vient pas de la télé-réalité pour rien. Lui, qui se targuait il y a peu des audiences que faisait son émission the apprentice quand il était aux commandes pour railler publiquement Arnold Schwarzenegger qui lui a succédé parce que le succès n’était plus au rendez-vous, ce qui, de la part d’un président fraîchement élu, témoigne d’un curieux sens des priorités, n’en finit pas un mois à peine après son investiture de montrer à quel point il est un éternel apprenti devant la réalité, non pas édulcorée du petit monde de la télévision, mais du vaste monde tout court. Et la nouvelle équipe qui l’entoure semble être à l’avenant, aussi impréparée et approximative que l’est Donald Trump qui, le 18 février 2017, lors d’un meeting où il s’est rendu à Melbourne, en Floride —  comme s’il avait du mal à admettre que le temps de la campagne était révolu —, a parlé d’un attentat en Suède qui n’a jamais eu lieu. Peut-être a-t-il confondu avec les attaques terroristes qui se sont produites au Danemark, à Copenhague, les 14 et 15 février 2015, à l’occasion d’une conférence publique sur le thème de la liberté d’expression, en hommage aux victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo, en janvier 2015. Après tout, du point de vue flou de Trump, Danemark, Suède, c’est du pareil au même, c’est la Scandinavie, loin là-bas, de l’autre côté de l’Atlantique, quelque part au nord de l’Europe, perdu dans les brumes boréales. Et comme le président Trump a pour habitude de tweeter plus vite que son ombre, l’ex-Premier ministre suédois, Carl Bildt, en réponse à cette déclaration a dégainé en tweetant : « La Suède? Un attentat? Qu’est-ce qu’il a fumé? »

Si Donald Trump n’en est pas à son premier couac en termes de déclaration, ce n’est pas la première fois que des membres de son administration font entendre des canards dans leur communication en faisant référence à des attentats inexistants, des erreurs qu’on essaie de faire oublier en parlant de lapsus. Mais après tout, n’est-il pas naturel de s’attendre à des canards au sein de la basse-cour d’un président aussi avisé que le personnage de Donald Duck de Walt Disney dont la première mesure de son mandat consista, rappelons-le, à interdire par décret la venue aux États-Unis d’Amérique de ressortissants de sept pays musulmans, à savoir, l’Iran, l’Irak, la Libye, la Somalie, le Soudan, la Syrie et le Yémen (oubliant au passage que les terroristes qui ont précipité leur avion de ligne contre le World Trade Center venaient d’Arabie saoudite, un  oubli opportun lié aux intérêts américains), décret suspendu par un juge fédéral de Seattle qui a estimé qu’il enfreignait les libertés fondamentales garanties par la constitution américaine. Ainsi la conseillère du président Trump, Kellyanne Conway, évoquant le « massacre de Bowling Green » lors d’une interview. Elle a expliqué après coup qu’elle voulait parler des « terroristes de Bowling Green », deux Irakiens inculpés en 2011 pour avoir tenté d’envoyer de l’argent et des armes à Al-Qaïda ou encore porte-parole de la Maison Blanche, ou encore Sean Spicer, qui, à trois reprise en une semaine, a fait référence à « l’attentat d’Atlanta »  avant de se souvenir que celui-ci avait eu lieu en réalité à Orlando, en Floride, et non pas en Géorgie.

On pourrait penser que tout cela n’est pas bien grave, que ce ne sont jamais que des mots, que c’est simplement parce que le président Trump et les membres de son équipe ne sont pas encore au point, qu’il leur faut se roder au rodéo politique. On aurait tort, car la politique est aussi une question de parole, une parole qui n’a de valeur que si elle est mise en acte, certes, mais une parole avant tout. Et jusqu’alors, ce qui caractérise la présidence de Trump, c’est qu’il parle moins qu’il ne vitupère, ne déblatère, n’éructe et ne se répande en imprécations, en déclarations incendiaires comme autant d’éruptions langagières. Le président Trump ne profère pas une parole présidentielle, il est victime d’un TOC verbal. Ainsi, à chaque fois qu’il prend la parole en public, il ne peut s’empêcher de s’en prendre aux medias américains qu’ils juge coupables de désinformation, lui, Trump, qui divulgue de fausses informations et dont la tempérance est inversement proportionnelle à sa propension compulsive à tweeter. Comme si, pour Trump, être au pupitre libérait le pitre qui sommeillait en lui. Ce qui est grave, c’est que justement, il n’y a plus de parole politique avec le président Trump, que des borborygmes bruyants que font entendre les canalisations de sa pensée mal ajustée, mal jointée, et qui fuit de toutes parts, faute d’étanchéité. Faute d’avoir été pensée justement, bien pensée. Faute de pensée tout court, en réalité. Car le propre de Trump, c’est de dire tout et son contraire, et, à l’exception de son décret anti-musulman, il semble peu probable qu’il tienne les promesses qu’il a faites lors de sa campagne électorale. On pourrait s’en réjouir, mais en même temps, il y a tout lieu de s’en inquiéter, car ce qui caractérise le personnage, et c’est bien le problème, c’est que sa parole n’a guère de consistance, qu’elle flotte librement dans l’air, au gré du vent, comme un cerf-volant au bout d’une corde que personne ne semble tenir en main.

Un article sur Trump signé par Philippe Coste dans Mediapart le 25 janvier 2017 disait :

« Trump, depuis 1994 et la faillite de son principal casino d’Atlantic City, le fameux Taj Mahal, est avant tout un homme de paille haut de gamme. Sa contribution principale aux partenariats qu’il engage aux quatre coins de la planète réside d’abord dans… son nom, devenu une marque ». 

Trump est un prête-nom, un trompe-l’œil. Une coquille creuse. Il se peut même que son vice-président, le spectral Mike Pence, pense à sa place. C’est peut-être cela, la pire tromperie de l’élection américaine.  

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