Ça y est, Nicolas Sarkozy revient. Bien que déclarant ne pas être « l’hommeprovidentiel », Nicolas Sarkozy dit ne pas avoir le choix, car la France l’appelle : l’heure est grave, mais que le citoyen français soit rassuré, le revenant saura sortir la France du pétrin, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Nicolas Sarkozy, connu pour tirer plus vite que son ombre, a aussi des dons de double vue puisqu’il prédit que François Hollande terminera avec du goudron et des plumes, le sort réservé aux malfrats de l’Ouest. Le châtiment du goudron et des plumes, qui remonte à l’époque des croisades, acquit ses lettres de noblesse au Far West, territoire où la violence prospéra sous de multiples formes. L’image du hors-la-loi soumis à ce châtiment est restée si prégnante dans les pays de culture anglo-saxonne que l’expression continue d’avoir cours longtemps après la disparition de la pratique. Ainsi, en langue anglaise, to have someone tarred and feathered, « faire passer quelqu’un au goudron et aux plumes », signifie jeter l’opprobre sur cette personne. Ce qui est pour le moins curieux, c’est que le locuteur Nicolas Sarkozy, qui n’est pas de culture anglo-saxonne (jusqu’à preuve du contraire, comme dirait Philippe Vandel sur France-Info), se réfère à cette tradition féroce qui fit florès au Far West. Comment expliquer un tel emprunt ? À l’époque où il était ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy avait posé aux côtés de Tom Cruise, acteur américain qu’on ne présente plus, connu aussi pour ses liens affichés avec l’Église de Scientologie, dont il se flattait d’être l’ami. Nicolas Sarkozy a toujours confondu pouvoir et vedettariat : pour lui, le pouvoir est d’abord un moyen qui lui permet de se mettre en scène. Ce n’est pas pour rien que Carla Bruni et lui aient uni leur destin, car tous les deux aiment à jouer aux stars, Carla Bruni en jouant d’abord le rôle de mannequin, puis celui de maîtresse de rock star (d’Eric Clapton à Mick Jagger) pour finir par pousser la chansonnette sur scène, et Nicolas Sarkozy en jouant le rôle de maire de Neuilly jusqu’à celui de président de la République après avoir endossé différents rôles de ministres. Comment donc expliquer cette référence anglo-saxonne de Nicolas Sarkozy, outre son attirance pour tout ce qui brille, sinon parce qu’il assimile l’échiquier politique à une sorte de Far West où il se prend pour un justicier, comme le cavalier solitaire tout de noir vêtu de Pale rider, le film de Clint Eastwood (en référence à l’un des quatre cavaliers de l’Apocalypse, dont la monture est pâle). Dans le film, on appelle aussi ce cavalier « le prédicateur » en raison du col blanc qu’il arbore, insigne de son ministère cavalier. Qui ne se souvient pas des adieux cinématographiques de l’ex-président le soir de l’élection de François Hollande en 2012, quand il évoqua « La France éternelle » (avec ce vibrato dans la voix pour faire vibrer le mot de toutes ses fibres) devant l’assistance transie autant de ferveur que d’horreur devant la défaite de son champion ? La « France éternelle », voilà une tirade digne d’un péplum à ce détail près qu’il faudrait remplacer (la) France par (la) Rome (éternelle). Après le Péplum, le Far West. Après Ben Hur, Pale rider. SiNicolas Sarkozy mise sur l’amnésie des Français pour organiser son retour en politique et se faire passer pour ce qu’il n’est pas, en revanche, il aura beaucoup plus de mal avec la Justice qui, elle, n’a pas de problème de mémoire, et il est fort possible que cela ne passe pas au vu des casseroles (sonores et trébuchantes) qu’il traîne derrière lui, entre le financement libyen de sa campagne présidentielle en 2007, l’affaire Karachi, l’affaire Bygmalion, l’affaire Tapi et l’affaire Gilbert Azibert, ce qui fait beaucoup d’affaires. Oui, même si Nicolas Sarkozy passe pour tirer plus vite que son ombre, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas (encore) tiré d’affaire, que sa monture soit pâle ou pas.
Billet de blog 22 septembre 2014
Pale rider
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