Sur le littoral français, tout particulièrement sur la façade atlantique, on constate depuis ces dernières années une érosion inexorable provoquée par les coups de boutoir des tempêtes qui se succèdent, une érosion aggravée par la montée du niveau des océans, un phénomène concomitant du réchauffement climatique. Cet hiver, on a pu ainsi voir une partie du littoral de la Gascogne souillée par les déchets que la fureur de l’océan a rejetés sur les côtes françaises, tous ces déchets de l’humanité qui finissent à la mer et que la mer nous retourne, comme un paquet envoyé par la poste qui, n’ayant pas trouvé son destinataire, revient à son expéditeur.
La progression inexorable du Front National, sous la houlette de Marine le Pen, la digne fille de son père, Jean-Marie, fait penser à l’érosion du front de mer français, qui recule devant les assauts des éléments. Ces dernières élections municipales ne font que confirmer la montée inexorable du Front National, qui ronge peu à peu le front de mer républicain. Et quand on entend Christian Jacob s’exprimer sur les ondes à l’issue de ce résultat électoral, on a le sentiment que le président du groupe UMP à l’assemblée est tellement obnubilé par sa propre petite cuisine politique, par les petits intérêts mesquins de son parti, qu’il en perd de vue l’intérêt supérieur de la République. Comme si, au bout du compte, et c’est ce que montre le comportement de nombre responsables politiques à l’issue du premier tour des municipales, la politique était devenue cela en France, une simple guerre tactique entre partis, une misérable guéguerre entre appareils, et que la question de la sauvegarde de la République, ce bien commun, passait après. Et même devant la menace croissante de la montée de Marine Le Pen, les gens de droite, très terre-à-terre, ne jugent pas utile de parer à ce péril en consolidant les digues, en constituant un front républicain. Comme si le front de mer républicain était tellement rongé, tellement abîmé par les assauts répétés du FN, que, à droite, on préférait lâchement battre en retraite, en imputant la faute de tout à la gauche, ouvrant ainsi la voie au désastre.
Le Front national, qui souille le littoral de la République française depuis des décennies déjà (cette formation politique a quarante ans d’âge), s’insinue de plus en plus sournoisement dans l’arrière-pays, en infusant son poison, lentement mais sûrement, le poison de son idéologie. Et ce poison, progressivement, insidieusement, infecte le corps entier de la République, qui semble développer une accoutumance à ces toxines, au point de s’en accommoder. Ce phénomène s’est considérablement aggravé depuis que Marine le Pen a succédé à son père à la tête du parti, en 2011, en s’employant à banaliser le FN pour qu’il se fonde dans le paysage politique. À tel point que des responsables de droite pactisent désormais sans vergogne avec le FN. Un sondage récent l’a d’ailleurs montré, qui révèle qu’un tiers des Français considèrent que le FN est un parti comme un autre. La stratégie de Marine le Pen a fini par porter ses fruits, vénéneux. La France est empoisonnée.
Le Front national n’est rien moins que le syndrome politique du retour à l’envoyeur. De même que l’océan rejette sur nos côtes les déchets de l’humanité, ainsi, en France, les élections, quelles qu’elles soient, jettent périodiquement au visage de la France les déchets de la politique hexagonale en souillant la République par la présence toxique du FN, comme une marée noire infâme qui étend son voile visqueux sur les consciences françaises.