Le discours de campagne de Jacques Chirac pour l'élection présidentielle en 1995 avait été basé sur la «fracture sociale». Après le départ de Jacques Chirac en 2002, force fut de constater que le fossé entre les citoyens socialement intégré et les exclus s'était élargi. Nicolas Sarkozy, lui, avait fondé une partie de son discours de campagne en 2007 sur la moralisation des instances gouvernantes de la France. On voit ce qu'il en est de la morale du sarkozysme en 2011 au bout de quatre années de pouvoir. Les révélations que fait la juge Isabelle Prévost-Desprez, dessaisie en automne 2010 d'un des volets de l'affaire Bettencourt qu'elle instruisait, ne font que renfoncer les forts soupçons de corruption qui pèsent sur l'actuel pouvoir. La magistrate de Nanterre a confié à deux journalistes du quotidien Le Monde (dans un livre à paraître Sarko m'a tuer) un secret d'instruction au sujet du témoignage de l'infirmière de la milliardaire qui dit avoir vu Nicolas Sarkozy empocher des enveloppes pleines de billets de banque, à l'époque où il était patron de l'UMP. L'Élysée a beau démentir l'information, on est en droit de se demander pour quelle raison la magistrate a été dessaisie, qui fait état de pressions lors de l'instruction et dit avoir été frappée par la peur des témoins dans cette affaire. Le comble, c'est que la juge encourt des poursuites et des sanctions disciplinaires pour avoir transgressé un tabou en France, l'inviolabilité de l'instruction judiciaire en France, comme si, en France, il était moralement plus grave de transgresser les règles en vigueur que de révéler ce que les règles protègent, à savoir, la corruption de nos gouvernants. Une révélation qui vient comme un juste retour de bâton de l'institution judiciaire contre celui qui n'a eu de cesse de la malmener depuis 2007 depuis son accession au pouvoir.
Mais on n'en est plus à ce détail près, quand on mesure l'étendue de la face occulte du pouvoir en place à travers ce que Mediapart révèle de Ziad Takkiedine, marchand d'armes franco-libanais et homme de l'ombre au cœur du sarkozysme, qui joua les bons offices entre la France républicaine et la Libye de Kadhafi ou encore la Syrie de Bachar el-Assad. Plus grave encore, ce trouble personnage est désigné par les juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, chargés du volet financier de l'affaire Karachi, comme l'intermédiaire des rétrocommissions suspectées d'avoir alimenté le financement de la campagne électorale d'Édouard Balladur en 1995 auquel Nicolas Sarkozy.
C'est certain, mieux vaut s'attaquer à la question de l'identité sexuelle abordée dans les nouveaux manuels de Sciences de la Vie et de la Terre, une croisade emmenée par la frange droitière de l'UMP et relayée avec ferveur par Christine Boutin. C'est le zizi qui cache la zizanie de la Sarkozie et sa foncière immoralité. Nul doute que Luc Chatel, ministre de l'éducation et de la jeunesse, qui a le projet de moraliser l'école, trouvera une parade cosmétique qui mettra tout le monde d'accord. Après tout, n'est-il pas le mieux qualifié pour ce faire quand on sait qu'il a travaillé pour le groupe l'Oréal ? Moralité : en politique, la morale n'est que poudre aux yeux, et ceux qui la mettent en avant sont les premiers à la bafouer.
Pierre CAUMONT