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Billet de blog 7 mai 2020

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Etrange commémoration de 2020. Mai 40 ou 45? Qui est le général Huntzinger de 2020?

Cette année, beaucoup de manifestations devaient honorer la mémoire de ceux qui ont combattu en mai 1940. 80 ans après, elles ont été annulées pour cause de Covid-19. En cette période d'étrange incurie face à la pandémie, la célébration de la victoire des Alliés ne doit pas empêcher de comprendre quelles forces se sont conjuguées pour provoquer l'étrange défaite de mai 1940.

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Avant la capitulation du IIIème Reich, la bataille de France en mai juin 1940 a opposé 5.500.000 de militaires de l'armée française à 5.000.000 de l'armée allemande.

60.000 soldats français sont morts au combat dont 500 aviateurs, 20.000 civils ont été tués.

Après 6 semaines, la débâcle française s'est conclue par une armistice signée le 22 juin 1940 par le Général Huntzinger, dont on a dit qu'il avait donné les clés de Sedan à l'armée allemande.

Les combattants de la bataille de France de mai-juin 1940 ont subi la double peine, la défaite et l'effacement dans l'histoire. Cette année, dans les Ardennes, l'Avesnois, la Somme, l'Aisne, un travail de mémoire avait permis de recueillir des témoignages et d'organiser des commémorations pour faire connaître ces événements dramatiques. Avec l'annulation de ces cérémonies, il ne faut pas que l'oubli s'installe pour dissimuler la recherche des causes de la défaite.

Une grande partie de l'oligarchie française a préféré, entre les deux guerres, Hitler à Staline et a financé des groupes d'extrême droite qui ont formé des organisations clandestines comme l'OSARN l'Organisation Secrète d’Action Révolutionnaire Nationale et la Cagoule et ont tissé de nombreux liens avec l'armée et ses officiers supérieurs pour mettre en place un régime fasciste. Des attentats ont été commis et un coup d'état militaire programmé contre le front populaire pour le 17 novembre 1937 a avorté au dernier moment.

Marc Bloch dans l'étrange défaite a essayé d'analyser les causes de la débâcle et d'aller au delà des accusations d'incompétence, d'incurie et de retard d'une guerre des généraux : « Mais, sans doute, nos chefs n’auraient-ils pas, avec autant de coupable complaisance, succombé à ce découragement, dont une sage théologie a fait un des pires péchés, s’ils avaient été seulement mal assurés de leur propre talent. Au fond de leur coeur, ils étaient prêts, d’avance, à désespérer du pays même qu’ils avaient à défendre et du peuple qui leur fournissait leurs soldats… »
La victoire allemande de 40 a permis la prise de pouvoir par Pétain et l'instauration d'un régime fasciste et collaborateur avec l'occupant. Le premier ministre de la Guerre de Vichy a été le Général Huntzinger.

Dans la lutte contre le Covid 19 et face à la catastrophe sanitaire à laquelle le peuple français et ses soignants ont été confrontés, une étrange incurie a frappé l'action gouvernementale. Tous les moyens ont fait défaut et ceux qui semblaient avoir trouvé des pistes de traitement ont été marginalisés.

Le peuple français confiné, surveillé et mis à l'amende et son économie dévastée et endettée vont être soumis à une grande austérité pour redresser les comptes. Tous les projets de transition écologique et technologique risquent d'être abandonnés. On peut alors se demander si l'ennemi principal n'a pas été le mouvement social, les Gilets jaunes, les syndicats opposés à la réforme des retraites et tous ceux qui veulent changer de modèle de société et d'institutions. Christophe Girard, l'adjoint PS à la Culture de la Ville de Paris vient de déclarer dans Télérama : « Tant de choses ont changé avec l’épidémie actuelle. Elle a ainsi desserré l’étau de la lutte de classes que nous vivions depuis la crise des Gilets Jaunes. » 

Retour sur le 14 mai 1940

La deuxième guerre mondiale a véritablement commencé le 10 mai 1940 avec l'offensive éclair déclenchée par Hitler sur la Hollande, la Belgique et la France pour contourner la ligne Maginot.

La percée décisive a enfoncé la 2ème armée française du Général Huntzinger dans les Ardennes françaises à Sedan le 14 mai. La colonne de 1.000 panzers de Guderian et Rommel a franchi la Meuse principalement sur un pont construit à Gaulier par la Wermacht avec d'énormes caissons métalliques en quelques heures.

Pourtant, le 13 mai au soir, le général Billotte qui commandait le front allié depuis l’extrémité Ouest de la Ligne Maginot jusqu’à la mer du Nord avait enfin compris, au vu des renseignements et des observations relevées par l'aviation que le plan allemand consistait à opérer une percée décisive sur le territoire français non pas à partir du centre de la Belgique mais à partir des Ardennes vers Sedan. Comme les forces terrestres dont il disposait dans le secteur, la 55e division d’infanterie et l’artillerie du 10e corps d’armée avaient abandonné le terrain, traumatisées par cinq heures de pilonnement de la Luftwaffe, il ne lui restait plus que l’aviation pour combler la brèche de plus en plus béante sur le front. Il déclara à son Etat-major: « La victoire ou la défaite passent par ces ponts. »

Tous les bombardiers français et anglais disponibles à cette date reçurent l'ordre d'aller bombarder le « pont de bateaux », en fait de « caissons » à Gaulier près de la manufacture de l'Espérance, dans les faubourgs de Sedan.

Le matin du 14 mai, les missions de bombardement devaient se succéder pour détruire le seul pont capable de supporter le passage des 1.000 panzers.

Mais à 5 heures, le Colonel Lacaille, chef d’État Major de la 2ème armée française commandée par le Général Huntzinger qui était en charge du secteur de Sedan a téléphoné au grand Quartier Général du Général Billotte pour annoncer que les ponts de bateaux avaient été détruits, que ses troupes tenaient le secteur et qu’une contre attaque était en cours.

Ensuite, au vu de cette information, un par un, les groupes de bombardement reçurent l'ordre de changer d'objectif. Leur cible n'était plus le pont de Gaulier mais mais un rassemblement de troupes entre Bazeilles, Sedan et la voie ferrée au Sud de la Meuse.

Dans l'après midi, le Général Huntzinger fit savoir qu'il avait dû renoncer à sa contre attaque. Le pont de Gaulier a ainsi été préservé et les 1.000 panzers allemands ont pu tranquillement traverser la Meuse pour se ruer sur le flanc est de l'armée française.

Le Général Huntzinger, en charge du verrou de Sedan à la sortie des Ardennes a souvent agi à contretemps dans cette période cruciale de la guerre. Déjà, le 9 Mai, il avait passé sa soirée au théâtre alors que les services de renseignement militaire l’avaient averti de l’attaque imminente de l’armée allemande.

Nous savons aussi que son dispositif mis en place pour empêcher le franchissement de la Meuse avait été jugé très faible par une commission parlementaire de la Défense venue inspecter le secteur de la IIème Armée en mars 1940 et qu’il avait argumenté pour le maintenir en l’état.

Pendant la campagne de France, le Général Huntzinger a choisi personnellement comme officier de presse Henri Massis, directeur de la Revue universelle, un journal se revendiquant royaliste et catholique défendant une ligne éditoriale proche de l’Action française.

Dans la nuit du 11 au 12 mai, le général Huntzinger remplaça sur la ligne de défense de la Meuse l’excellente 3° DINA (Division d’Infanterie Nord-Africaine), par une unité médiocre, la 71° DI (Division d’Infanterie) qui connaît mal les lieux.

Le 13 mai 1940 à 18h30, la panique gagna la 71° DI. Son chef, le général Baudet, sur la foi de renseignements non vérifiés, fit reculer son PC de 7 kilomètres. Ce "déménagement" désorganisa ses unités, 13 batteries d’artillerie sont abandonnées sur place.

À 22h00, le général Huntziger disposait encore de réserves : 2 régiments d’infanterie, 2 bataillons de chars, et deux unités, la 3°DIM (Division d’Infanterie Motorisée) et la 3°DCR (Division Cuirassée de réserve) se portèrent à son secours. Loin de préparer une contre attaque sur le pont de Gaulier, en concentrant ces forces, il les dispersa.

Et surtout, étrangement, cette nuit là, le général Huntziger déménagea lui aussi son P.C. de Senuc, à l’arrière de Sedan, au fort de Landrecourt, au sud de Verdun, opération très contradictoire avec le lancement d’une offensive le lendemain à l’aube sur le secteur du pont de Gaulier.

Et à 5 heures, au moment où le Colonel Lacaille, son chef d’État-Major, annonça sa soi-disant contre attaque qui détournera les bombardiers de leur mission initiale, le Général Huntzinger donna l’ordre de se replier sur la bretelle d’Inor à la 3°DINA (Division d’Infanterie Nord-Africaine) du général Chapouilly et au 136°RIF (Régiment d’Infanterie de forteresse) du 10e corps d’Armée en charge de Sedan et Mouzon. Par cette décision la II° armée abandonna sans combat des dizaines de casemates et de blockhaus construits le long de la Chiers et les observatoires d’Amblimont, d’Ecrilly et du bois de Blanchampagne pour une zone inorganisée avec une défense à peine ébauchée ! Plus grave les délais d’évacuation ne permirent pas d’évacuer les matériels : pièces d’artillerie, munitions, vivres, restent sur place !

Le 14 mai 1940 à 20h00, l’aile gauche de la II° armée n’existait plus.

Sur sa droite, restait Montmédy qui marquait la fin de la ligne Maginot avec sa ligne de fortifications continue reliée par un réseau souterrain. C’était la charnière avec le front plus ouvert qui court jusqu’à la mer du Nord. Ce secteur confié au 18e corps d’armée était commandé par le Général Rochard.

Les analyses faites sur la percée de Sedan ont considéré que ce secteur de Montmédy a été le seul qui avait tenu face au déferlement de la Wermacht. Le Général Rochard avait réussi à améliorer les défenses en les mettant quasiment au niveau de celles de la Ligne Maginot. Le 20 Mai, en pleine nuit, il réunit ses troupes pour leur confirmer qu’ils n’avaient pas cédé un pouce de terrain et qu’ils pouvaient retourner la situation en contre attaquant dans le secteur voisin qui avait été complètement enfoncé.

Pourtant le lendemain 21 mai, le général Huntzinger décida de limoger le général Rochard et de lui retirer son commandement.

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