Le 30 juillet 2018, un tribunal russe de Ufa au Bachkortostan a condamné 21 membres de la congrégation musulmane « Hizb ut-Tahrir » à des peines allant de 5 ans à 24 ans de prison à régime sévère. Ces lourdes peines n’ont aucun rapport avec les faits qui leur sont reprochés, car il n’a pu être établi aucun acte de violence. Ils étaient en détention provisoire depuis février 2015. Lors du procès, les prévenus avaient revêtu des T-shirts blancs comportant des inscriptions, « 15 ans pour des livres », « Islam contre la terreur », « Quel est ton problème ? », « Prisonnier politique », « Je suis un musulman et contre le terrorisme ».
« Hizb ut-Tahrir » est une organisation religieuse musulmane pacifique. Elle n’appelle pas à la violence ni à l’emploi de la force physique. Des organisations de défense des droits de l’homme estiment que ses activités ne sont pas terroristes. Ses membres se réunissent pour prier et discuter. Leur activité est strictement religieuse. Malgré cela, l’organisation a été déclarée terroriste en Russie. Ses membres sont emprisonnés uniquement en raison de leur confession, comme les témoins de Jéhovah. Cette répression est une atteinte à la liberté de conscience, de réunion et d’association.
Les membres de « Hizb ut-Tahrir » ont été accusés de vouloir prendre le pouvoir et renverser l’ordre constitutionnel en Russie. Aucun fait ne peut étayer une telle conspiration. Il n’existe aucune preuve spécifique de terrorisme ou d’activités violentes préparées ou perpétrées par cette organisation. Malgré cela, ses membres sont poursuivis plus particulièrement en Crimée où les adeptes de « Hizb ut-Tahrir » sont des Tatars de Crimée. Les accusations sont basées uniquement sur le témoignage des policiers, d’agents du FSB et de témoins secrets. Elles sont forgées arbitrairement selon les fantasmes du FSB. Des procès collectifs sont organisés au Tatarstan, au Bachkortostan, dans les villes de Crimée occupées et dans l’Oural. Ce dernier verdict d’Oufa est le plus sévère de tous ceux qui ont déjà frappé « Hizb ut-Tahrir ».
Les « 21 de Ufa ».
- Rinat Nurlygayanov, âgé de 27 ans, a été condamné à 24 années de prison à régime sévère.
- Danis Fayzrakhmanov, âgé de 29 ans, et Rustem Khamzin, âgé de 46 ans, condamné à 23 années de prison à régime sévère.
- Cinq autres figurants — Linar Vakhitov (35 ans), Rustem Gallami (36 ans), Khalil Mustafin (33 ans), Artur Salimov (31 ans) et Raphael Fattakhov (38 ans) ont été condamnés à 22 années de prison.
- Radik Akhmetov, âgé de 20 ans, condamné à 21 années de prison,
- Azamat Kayumov, âgé de 35 ans, condamné à 20 années de prison à régime sévère.
- Ilgiz Gimaletdinov, âgé de 29 ans, et Irek Tagirov et Shamil Sharipov âgés de 41 ans ont été condamnés à 14 années de prison à régime sévère.
- Alexander Kornev, âgé de 30 ans, et Ural Yakupov, âgés de 27 ans, ont été condamnés 13 années de prison,
- Fanis Akhmetshin, âgé de 55 ans, et Farid Mustafayev, âgé de 31 ans, ont été condamnés à 11 années de prison.
- Radmir Maksutov, âgé de 34 ans, Ruslan Fattakhov, âgé de 37 ans, et son frère Rafael Fattakhov, condamnés à 10 ans de prison,
- Rustem Latypov, âgé de 42 ans, condamné à 8 ans de prison à régime sévère.
- Enfin, Aramis Fazylov, âgé de 27 ans, a été condamné à 5 années de prison.
Les « huit de Kazan ».
Le précédent « record » avait été établi le 8 décembre 2017 au Tatarstan par le verdict de Kazan qui avait condamné huit membres de « Hizb ut-Tahrir » de 19 ans et deux mois à 16 ans de prison à régime sévère pour appartenance à une organisation terroriste qui n’a jamais commis d’acte terroriste. Le Centre des droits de l’homme « Memorial » a reconnu également ces huit personnes comme étant des prisonniers politiques.
Des procès identiques ont déjà eu lieu ou sont en cours Crimée. Ils visent principalement les Tatars de Crimée.
Quatre résidents de Sébastopol, membres de Hizb ut Tahrir, ont déjà été condamnés à des peines d’emprisonnement. L’« organisateur » de la cellule religieuse, Ruslan Zeytullaev, a écopé de douze années de prison à régime sévère, les autres à cinq ans de prison. Seize autres personnes, emprisonnées, attendent d’être jugées. Le FSB a également arrêté une série de personnes accusées d’être membres de « Hizb ut-Tahrir » à Bahchisarae, Simferopol, Sébastopol et Yalta. Leur nombre est évalué de 20 à 30 personnes.
La répression vise également les musulmans de l’Oural. Le 27 février 2018, à Tcheliabinsk les agents du FSB ont arrêté quatre musulmans.
« Les Témoins de Jéhovah »
La Cour suprême russe a déclaré l’an dernier « Les Témoins de Jéhovah » organisation extrémiste. Les fidèles sont passibles de 6 à 10 ans de prison. Chacun appréciera « le tarif de faveur » qui les distingue de « Hizb ut-Tahrir » déclaré terroriste.
Le nombre de fidèles des Témoins de Jéhovah est estimé à plus de 100.000 en Russie. Ils sont répartis sur tout le territoire russe. Ils se conforment à la neutralité politique. Ils ne devraient pas gêner le Kremlin ! Mais, ils sont une variante du christianisme et le siège mondial de leur organisation est aux États-Unis. Ils rivalisent ainsi avec l’Église orthodoxe russe qui revendique le monopole de la chrétienté sur ses terres. Ils sont assimilés par le Kremlin à des agents de l’étranger, comme tant d’organisations qui échappent à son contrôle. Le 20 avril 2017, la Cour suprême russe a interdit les Témoins de Jéhovah en Russie et toutes leurs congrégations locales, bien que l’article 29 de la Constitution russe garantisse la liberté de conscience. Le FSB a engagé une vaste opération de ratissage sur tout le pays pour les arrêter. Elle s’est déroulée de Vladivostok à Moscou en passant par Omsk, Kemerovo, Belgorod et Taganrog, etc. À ce jour, des dizaines de personnes ont été arrêtées. Elles sont passibles de 6 à 10 ans de prison. Des centaines ont émigré, plus particulièrement en Finlande.
Qu’il s’agisse de dissidence politique ou religieuse, les arrestations sont faites selon un scénario violent. Elles sont ensuite diffusées sur les médias à but dissuasif. Les portes des appartements sont défoncées par des hommes masqués, lourdement armés. Ils font coucher les locataires contre sol, les rudoient. Des littératures « extrémistes » et autres objets déposés par les enquêteurs au domicile des prévenus y sont « découverts ».
Conclusion : Il fallait s’attendre qu’en 1999 avec le retour du KGB au Kremlin, en la personne de Poutine devenu président à vie, la répression reprendrait en Russie. C’est fait ! Elle réprime toute dissidence : politique, religieuse, culturelle, humanitaire...