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Billet de blog 4 juin 2015

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Agression en Tchétchénie

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Par Elena Milashina. Paru le 3 juin 2015 sur « Granit.ru ». (Site bloqué en Russie)

Ces six derniers mois, des événements de caractère néfaste ont eu lieu en Tchétchénie, principalement grâce à l’ardeur déployée par son président Ramzan Kadyrov. Ceux-ci ont commencé en décembre, avec l'attaque de rebelles au centre de Grozny. Au lieu de contester la compétence de ses forces de sécurité, Kadyrov a déclaré le principe de la «responsabilité collective» des familles de rebelles. Celles-ci seront expulsées de Tchétchénie et leur maison détruite en représailles. Ainsi, quinze habitations furent brûlées  et avec elles, le bureau mixte des organisations humanitaires ayant pour tête Igor Kalyapin, membre du conseil des Droits de l’homme. Cela s’est produit après que Kalyapin eut demandé au Comité d’enquête et au  Procureur général d’évaluer la légalité des déclarations de Kadyrov.
Les déclarations de Kadyrov ont été jugées légales. Par contre, le Comité d'enquête a ouvert une instruction judiciaire pour incendie criminel et renvoyé l'affaire devant le ministère de l'Intérieur de Tchétchénie. Cela veut dire qu’elle a été enterrée. En conclusion, Kadyrov s’est retrouvé affranchi. Par contre, les employés des organisations humanitaires cibles désignées pour de nouvelles agressions.  Celles-ci ne tarderont pas.

Mardi 2 juin, Ramzan Kadyrov a tenu une réunion avec les responsables de sécurité à propos d’un article paru dans le journal  « Kommersant » concernant  le financement de la fondation  « Kadyrov Akhmat ». Selon les témoins, il était en colère. Le lendemain, il a appelé à un rassemblement contre « l’agression des médias russes », « Novaya Gazeta », « Écho de Moscou », « Kommersant », « Rain-TV, « Russie ouverte », qui couvrent les événements de Tchétchénie.

http://blogs.mediapart.fr/blog/boris-lutte/250515/ramzan-kadirov-fils-adoptif-de-poutine

Soudainement, il annula le meeting. Apparemment, un signal est arrivé de l'administration présidentielle russe. Alisher Usmanov, le propriétaire du journal « Kommersant » est un copain de Poutine. Alors les autorités tchétchènes ont réorienté leur colère contre les employés du bureau mixte des organisations humanitaires de Grozny.

En 10 heures, devant leur bâtiment reconstruit après l’incendie, 500 personnes, qui ignoraient pour quelles raisons on les avait convoquées ici, sont arrivées. Sur des affiches rapidement faites, on pouvait lire: « Pourquoi les hommes de Kalyapin sont muets? », «  Justice pour les assassins ». Puis les manifestants sont allés dans la cour où se trouve le bureau  situé dans un appartement au premier étage de l’immeuble. Les roues des voitures des défenseurs des droits de l'homme ont été crevées. Un groupe d’agresseurs était capuchonné, portait lunettes noires et masque sanitaire sur le visage. Les hommes étaient armés de marteaux, barres à mines et tronçonneuses à disques. Il n’y avait aucun orateur et aucune police. Les organisateurs étaient en civil et avaient des talkies-walkies. À un moment, l'une des femmes a commencé à hurler hystériquement, « Pourquoi Kalyapin reste-t-il silencieux? » Son cri a animé la foule. Des coups de feu ont retenti dans l'air. Les personnes cagoulées ont forcé la porte. Un homme masqué a grimpé sur le balcon du premier étage où se trouve le bureau des organisations humanitaires et a arraché la caméra de surveillance. Puis il a cassé la porte en verre du balcon et a barbouillé de peinture la cuisine.

La police, appelée dès le début des événements par les militants des droits de l'homme, n'est pas apparue. Les employés ont appelé sur la ligne d'urgence le Comité d'enquête de la République de Tchétchénie. Sans résultat.

À 11h00, la porte du bureau a été attaquée à la tronçonneuse à disque. Alors, le dirigeant du groupe humanitaire, Albert Kuznetsov représentant de la ville de Nizhny Novgorod, a essayé de sortir pour parler avec les assaillants . Mais, quand il a voulu ouvrir la porte, celle-ci a été frappée à coup de masse. Dès lors, le personnel a décidé d’évacuer les locaux par les fenêtres du premier étage pour fuir le pogrom. Ensuite, les assaillants ont entrepris la destruction systématique du bureau qui venait juste d’être rénové et ont entrepris la porte de l’appartement à la disqueuse.

La police est intervenue à l’apogée du vandalisme, deux heures et demie plus tard, sans toutefois arrêter quiconque. Aucun responsable tchétchène n’a condamné l’acte.

Déjà en décembre 2014, après l'incendie du bureau, Apti Alaudinov, premier chef adjoint du ministère de l'Intérieur tchétchène, a déclaré que la police tchétchène n’est pas en mesure d'assurer la sécurité des militants pour les droits de l'homme en Tchétchénie. Aujourd'hui, nous le constatons. Peut-on espérer que les structures fédérales russes enfin réagiront si les responsables de la sécurité tchétchènes restent inactifs en cas d’identification d’employés de la police tchétchène en civil sur les vidéos du pogrom? Kadirov avait appelé ses forces de sécurité tchétchène à tirer sur la police russe si celle-ci pénétrait en Tchétchénie sans son autorisation. Dans ces conditions, on comprend qu’il sera très difficile à cette dernière de protéger les journalistes et les défenseurs des Droits de l’Homme en Tchétchénie, si du moins elle le souhaite. Difficile à dire.

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