Suleyman Kerimov est l’un des représentants les plus brillants de l’élite du nouveau monde russe des affaires, classé parmi le top 20 des hommes d’affaires russes selon Forbes. Sénateur, représentant son pays d’origine le Daghestan –l’une des régions les plus pauvres de la Russie, situé sur la mer Caspienne et au nord du riche Azerbaïdjan. Le Daghestan pays musulman est ethniquement la région la plus diversifiée de la Russie, voisin de la Tchétchénie. Poutine est arrivé au pouvoir grâce à l’invasion tchétchène du Daghestan en 1999– beaucoup pensent que c’était une provocation du renseignement militaire russe.
En 2012, une nouvelle loi (rare cas de travail conjoint entre l’opposition et les membres pro-Poutine de la Douma) a interdit les activités commerciales, y compris les comptes bancaires étrangers, aux politiciens et aux bureaucrates russes. Kerimov a transféré ses actifs dans la « Fondation Kerimov », constituée en Suisse et dirigée par le Suisse Alexander Studhalter. Kerimov est « le modèle » pour de nombreux oligarques russes. Véritable oligarque – qui mélange très bien le pouvoir et l’argent. Il a toujours très bien géré, et avec succès, ses diverses connexions pour augmenter sa richesse personnelle. En 2013, il s’est engagé dans une bataille sur fond d’affaires commerciales avec le président biélorusse Alexandre Loukachenko au sujet du contrôle par la Russie du producteur stratégique de potassium en Biélorussie. C’était l’une des premières indications qu’il était prêt à aider et aider en fait dans cette histoire la politique étrangère du Kremlin avec son propre argent.
Après le début de la guerre avec l’Ukraine en 2014, Kerimov a fourni ses services pour blanchir les flux financiers de la région séparatiste de Luhansk, trafiquant et légalisant les exportations de métaux de l’usine métallurgique Alchevsk, actuellement dirigée par Oleg Mkrtchan, partenaire de l’oligarque ukrainien Rinat Akhmetov. Dans sa gratitude le Kremlin a fermé les yeux sur Kerimov et sa violation directe de la loi russe.
La France est connue pour son indulgence aux sujets des hommes d’affaires russes : –En 2007, la police française a arrêté le futur candidat à la présidence du parti libéral Mikhaïl Prokhorov – à la suite de quoi cet homme d’affaires a été contraint de vendre sa participation dans Norilsk Nickel à l’oligarque pro-Poutine Vladimir Potanine. – En 2013, l’ancien vice-gouverneur de la région de Moscou, Alexei Kuznetsov, a été arrêté à la demande de la Russie pour détournement de fonds publics. Conséquence, le héros de la guerre en Afghanistan le Général Boris Gromov a du démissionné comme gouverneur de la région clé de Moscou, pour être remplacé par l’allié le plus proche de Poutine, l’actuel ministre de la Défense Sergei Shoigu.
– Dans la même année 2013, Mukhtar Ablyazov– principal adversaire de l’allié clé de Poutine Noursoultan Nazarbaïev, président du Kazakhstan. La théorie la plus populaire actuellement répandue parmi les élites russes est que les accusations de Kerimov ont été déclenchées par l’enquête du FBI, initiée par la loi CAATSA, adoptée par le Congrès durant l’été de cette année. Il demande au gouvernement américain d’enquêter sur les principaux membres de l’élite du monde des affaires du clan Poutine. La liste des principaux hommes d’influences est actuellement préparée dans le cadre d’une alliance inhabituelle entre l’ancien conseiller économique de Poutine, Andrei Illarionov, et l’architecte des sanctions internationales de l’ancien Département d’État américain, Dan Fried. Sans doute Kerimov est prioritaire sur leur liste.
Il est très probable que l’arrestation de Kerimov puisse être une mesure préemptive dans la compétition entre la Russie et les États-Unis sur l’information et le contrôle du réseau d’affaires internationales en pleine croissance des hommes d’influences du clan Poutine. Il n’est pas surprenant que le ministère des Affaires étrangères de Russie ait immédiatement publié une déclaration selon laquelle Kerimov est protégé par l’immunité diplomatique en tant que sénateur et devrait être renvoyé en Russie.
Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est un procès ouvert et équitable de Kerimov et de ses semblables dans l’UE ou/et aux États-Unis. Les informations inestimables qu’ils détiennent devraient être rendues publiques. Les membres de l’élite russe regardent le cas de Kerimov très attentivement et très nerveusement. Les tentacules de Poutine menaçant le monde libre devraient être coupés une fois pour toutes, et nous avons une bonne chance de réussir enfin dans cette quête ! (TDG)
Paru dans la Tribune de Genève le 30.11.2017, publié avec l’autorisation de l’auteur Olivier Védrine, professeur (h. c.).
https://www.tdg.ch/monde/europe/cache-derriere-arrestation-kerimov-france/story/18375507