
Un juge d’un tribunal de Moscou a condamné l’ancienne directrice de la Bibliothèque de littérature ukrainienne Natalia Sharina à quatre ans de prison avec sursis et quatre ans de mise à l’épreuve. Natalia Sharina était accusée d’extrémisme et de dépense excessive de fonds.
L’assignation à résidence surveillée à laquelle était soumise l’accusée depuis un an et sept mois a été levée.
Âgée de 59 ans, Natalia Sharina a été déclarée coupable d’incitation à la haine et à l’hostilité dans l’exercice de ses fonctions et de gabegie.
Dans son réquisitoire du 29 mai, la procureure avait requis cinq ans de prison avec sursis et une période probatoire de cinq ans. Elle a accusé Sharina d’être « une partie d’un mécanisme complexe, dont le travail vise à calomnier et discréditer la culture russe en Ukraine ». À titre complémentaire la procureure a également requis l’interdiction d’exercer la fonction de bibliothécaire trois ans après la période de mise à l’épreuve et d’occuper des postes dans la fonction publique.
Natalia Sharina a plaidé non coupable. Elle a déclaré après l’énoncé du verdict : « Ceci est une affaire politique. J’ai travaillé 35 ans en tant que bibliothécaire. Apparemment, quelqu’un était intéressé par la destruction de la bibliothèque ».
Ses avocats feront appel. La procureure est satisfaite.
Les poursuites à l’encontre de Natalia Sharina sont devenues publiques le 28 octobre 201, lorsque des perquisitions ont eu lieu dans les locaux de la bibliothèque de la littérature ukrainienne à Moscou. Parmi des milliers de livres, la seule publication interdite découverte par les inspecteurs est « Guerre dans la foule — 1999 » de Dmitriy Korchinsky. En Russie, cet ouvrage a été déclaré extrémiste en mars 2013 seulement. Natalia Sharina et ses collègues ont fait valoir qu’il ne faisait pas partie de la collection de la bibliothèque. Ce sont les enquêteurs eux-mêmes qui l’y ont glissé.
Aucun autre livre interdit n’a été trouvé. Les policiers ont saisi des livres sur Stepan Bandera, de l’Armée de libération ukrainienne et des nationalistes ukrainiens, bien qu’aucun de ceux-ci ne soit classé extrémiste. En outre, les enquêteurs ont saisi un magazine pour enfants « Barvіnok », prétextant que le drapeau de « secteur droit » y est représenté.
Dans la version finale de l'accusation, 16 livres sont incriminés. Natalia Sharina affirme que ces livres ont été introduits dans la bibliothèque par les enquêteurs.
Elle avait été arrêtée et placée en résidence surveillée en attente de son procès. Selon son avocat, le 29 octobre 2015 lors d’un transport, le fourgon cellulaire lui a occasionné une fracture de la colonne vertébrale en franchissant à une vitesse excessive un ralentisseur.
Dans un premier temps, Natalia Sharina a été accusée uniquement d’extrémisme. Cependant, le 5 avril 2016, elle a été accusée de détournement de fonds pour avoir consacré à sa défense les fonds de la bibliothèque.
Son avocat a démontré l’absurdité de cette accusation. Cette accusation était nécessaire pour maintenir la directrice de la bibliothèque en résidence surveillée alors que les accusations d’extrémisme ne le permettaient plus.
Voici des extraits du réquisitoire de la procureure Lioudmila Balandina :
« Derrière ces mots se cachent des questions plus profondes : le danger d’une prolifération qui peut affecter chacun d’entre nous : le nationalisme ukrainien. Il va de pair avec les nazis allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Encore une fois, il relève la tête. Les usurpateurs du pouvoir dans l’État voisin (Ukraine), qui y occupent actuellement des postes de la fonction publique, se livrent aux désirs des nationalistes ukrainiens. Ils parlent ouvertement de la nécessité d’accaparer les régions russes. Ils sont guidés par des idées criminelles exprimées, y compris par la littérature en question et en fait dans les matériels de propagande nationaliste qui ont été confisqués dans les rayons bibliothèque, dont l’accusée est directeur (Natalia Sharina). Les dirigeants actuels de l’Ukraine exterminent la population russe du pays, ils interdisent la langue russe, les traditions, les fêtes et la culture russe. Ainsi, je pense que l’accusée est en fait l’une des parties d’un mécanisme complexe, dont le travail vise à calomnier et discréditer la culture russe en Ukraine. »
Ces propos laissent penser que les directeurs de bibliothèque seraient responsables des textes écrits dans les ouvrages dont ils sont chargés de la conservation, au risque d’apparaître comme des éléments de mécanismes diaboliques. Voilà une profession vraiment risquée !
Cette condamnation est l’une des multiples agressions subies dernièrement par le monde de la culture en Russie : fermeture de la Bibliothèque de littérature étrangère, descente de police au Musée Rerikh, au théâtre « Gogol centre » et garde à vue de Kirill Serebriannikov...