Au cours des 25 dernières années, la Russie a donné à la Chine plus de terres qu’au cours des 150 années précédentes. L’Amitié entre les deux pays se poursuit et se renforce.

« La politique chinoise est un chemin malicieux éternel. » Sun Tzu, homme politique chinois, VIe av. J.-C.
Les autorités de la région de Trans-Baïkalie de la Fédération de Russie ont l’intention de louer à la Chine pour 49 ans plus de 300.000 hectares de terres agricoles. Pour comprendre la signification de cette décision, je pense qu’il convient de rappeler combien de territoires ont été donnés à la Chine ces 25 dernières années, par l’URSS tout d’abord et ensuite par la Russie.
Le 16 mai 1991, l’URSS et la République populaire de Chine ont signé un accord redéfinissant la frontière soviéto-chinoise dans sa partie orientale. Le 13 février 1992, le Conseil suprême de la Fédération de Russie a ratifié cet accord. Il a été décidé que la ligne de démarcation se tiendra le long des chenaux navigables des rivières et au milieu des cours d’eau non navigables. Avant cela, la frontière était située sur la rive chinoise exclusivement, tel que le définissaient les traités sino-soviétiques précédents. En automne 1991, il avait été créé une commission spéciale pour reconsidérer les problèmes de démarcation. Elle était dirigée par l’envoyé spécial du ministère russe des Affaires étrangères : Henri Kireev. Cette commission n’a transmis en retour aucun commentaire publié par les autorités soviétiques concernant les modifications des frontières en Extrême-Orient. La commission a travaillé sept ans. Tout s’est passé tranquillement, presque secrètement. Pendant ce temps, la Russie a donné à la Chine quelque 600 îles sur les fleuves Amour et Oussouri ainsi que dix kilomètres carrés de terrains. De plus, la Russie a perdu quinze mille hectares de terres dans la région côtière Primorié, en novembre 1995, lors de la redéfinition de la frontière en application de l’accord russo-chinois de 1994.
Après que Mikhaïl Gorbatchev eut signé l’accord de 1991, en vertu duquel la frontière avec la Chine doit se situer sur la partie navigable du fleuve Amour, les Chinois ont eu la possibilité de contester l’appartenance à la Russie des îles « Grande Oussouri » et « Tarabarov » près de Khabarovsk, ainsi que l’île « Grande » dans la région de l’Amour.
Ensuite, Boris Eltsine déclara que ces îles sont un sujet de discorde entre les deux pays. Certainement, car entre temps, les Chinois ont modifié le cours du fleuve Amour. Mais, nous verrons cela plus loin.
« Il est plus facile de déplacer les montagnes et les rivières plutôt que le caractère d’un homme »
Proverbe chinois.
Boris Tkachenko, chef de recherche à l’Institut d’histoire, d’archéologie et d’ethnographie des peuples d’Extrême-Orient, est convaincu que la Constitution russe, qui était en vigueur en février 1992, ne permettait pas de modifier des frontières de l’État. Elle stipulait que les questions concernant une modification territoriale de la Fédération de Russie sont exclusivement de la compétence du Congrès des députés du peuple de la Fédération de Russie. Par conséquent, la ratification de l’accord, entre l’URSS et la Chine, modifiant le tracé de la frontière d’État, est illégale. Autrement dit, la ratification est nulle. À cette époque, il y avait le Congrès et celui-ci aurait dû être interrogé. Le Conseil suprême de la Fédération de Russie n’était pas doté d’un tel pouvoir.
« Selon la Déclaration de souveraineté de la Fédération de Russie, en date du 12 juin 1990, des modifications territoriales de la Fédération de Russie ne peuvent avoir lieu sans la volonté du peuple exprimée au travers d’un référendum. Quel résultat avons-nous obtenu ? Il y a eu des modifications de frontière uniquement à notre détriment. Suite à cela, des Chinois, qui vivent ici comme chez eux, nous ont envahis. Avec l’affaiblissement de la Fédération de Russie, les Chinois vont ressortir les accords du XIXe siècle d’Aigun et de Pékin. Ils les déclareront injustes, car conclus avec une Chine affaiblie. Cette dernière avait été contrainte de céder sous la pression russe. Et puis, l’étape suivante sera : “Dégagez de là !” Et quand il y aura sur place, non pas 200.000 Chinois, mais deux ou 20 millions, imaginez ce qui se passera », dit M.Tkachenko.
Dans les 90 années, le chef spirituel chinois, Deng Xiaoping, parlait des traités injustes conclus avec la Russie tsariste : dans la seconde moitié du XIXe siècle, la Russie a contraint les dirigeants de la dynastie des Qing de conclure une série de traités désavantageux pour la Chine. Ainsi, la Russie tsariste a accaparé plus d’un demi-million de km2 de territoire chinois.
Près de la ville de Heihe, les Chinois ont construit un musée appelé : « Musée de la honte chinoise ». Il expose les traités internationaux défavorables conclus par la Chine au XIXe.
Il s’agit, entre autres, des traités de Pékin en 1860 et d’Aigun en 1858. « Ne pas oublier la honte nationale, faire revivre l’esprit de la nation chinoise », tel est le message du musée de la honte. Les étrangers ne sont pas autorisés à pénétrer dans ce musée, ainsi que dans le complexe mémorial situé sur l’ancienne île soviétique « Damanskii » où en 1969 de violents combats entre Russes et Chinois se sont produits.

Damanskii est maintenant une île chinoise.
En mars 1969, 58 gardes-frontières soviétiques et 800 citoyens chinois ont péri à Damanskii. En 1991, Damanskii a été donné à la Chine. Sur cette île appelée « Zhenbao » en chinois, soit « île précieuse » et dont la superficie est de 0,74 km2 seulement, un obélisque comportant les noms des héros nationaux chinois morts ici a été élevé. À présent, les gardes-frontières chinois y prêtent serment. Depuis 2009, cette ancienne île russe est devenue un lieu pour l’éducation du patriotisme chinois.
Dans les années 90, le gouverneur de la région de Primorié, Yevgeny Nazdratenko, a tenté, par analogie avec le musée chinois de la honte, de dresser, au centre de Vladivostok, un pilier de la honte afin de manifester son désaccord avec la restitution de territoires frontaliers à la Chine. Il n’a pas réussi. Et cela est fort dommage, car c’était nécessaire. La honte est pour les gardes-frontières russes de ce même district qui sont intervenus « à leur initiative » auprès du gouvernement russe afin de déplacer la frontière vers la Russie pour faciliter leur travail, le terrain étant accidenté. Ils ont offert ainsi 300 hectares à la Chine. Leur « patriotisme » est à remarquer, commente ironiquement Héléne Massiouk.
Sur la base de l’amitié.
« Deux tigres dans une tanière. L’un d’eux survivra. L’autre mourra ».
Proverbe chinois
En 1991, l’Union soviétique avait accepté que 1.500 km2 de territoire russe soient exploités en commun avec la Chine. Autrement dit, les citoyens soviétiques et chinois, sur un pied d’égalité, pourront faucher les prés, pêcher dans les rivières environnantes. En fait, seuls les Chinois ont joui de ce privilège. Les gardes-frontières soviétiques, puis Russes, ont interdit à leurs concitoyens l’accès à ces îles. Cinq ans plus tard, elles sont devenues chinoises.
En 1999, Vladimir Poutine, alors Premier ministre russe, a signé une résolution gouvernementale à propos de l’exploitation conjointe de certaines îles et rivières frontalières. Par cette résolution, la Russie autorisait conjointement l’exploitation des îles russes Verhnekonstantinovsky et des eaux adjacentes du fleuve Amour (Heilongjiang). Elle permettait à la population frontalière chinoise de se livrer à des activités économiques traditionnelles dans la région.
À son tour, la partie chinoise autorisa les citoyens russes, vivant dans la zone frontalière, à exploiter communément l’île Menkesilichzhouchzhu, la première île de l’archipel fluvial ainsi que les eaux de la rivière Argoun.
Les Chinois ont utilisé pleinement le droit d’exploiter le domaine russe, par contre les gardes-frontières russes n’ont pas autorisé les citoyens russes à pénétrer sur les îles chinoises.
Nous devons parler aussi de nos deux îles que les Chinois ont accaparées sans aucun accord préalable en 1985. Les gardes-frontières soviétiques, puis russes, ont abandonné ces îles. Ces îles, sans nom, ont une superficie totale de 2,4 km2. Elles ont des numéros 1007 et 1008 et sont situées dans la région de Khabarovsk sur l’affluent Kazakevichevo. C’est-à-dire qu’elles appartiennent à la Russie d’une manière incontestable. Néanmoins, le renseignement militaire russe déclare que « les Chinois y pèchent et y font paître le bétail. L’hiver, il y a 10 à 15 personnes et l’été 30 à 40 ».
Sur le bord de leurs îles, les Chinois ont déversé de la terre dans l’affluent Kazakevichevo. Ils y ont coulé une barge garnie de pierres. En conséquence, la rivière Kazakevichevo est devenue non navigable.
De même, les Chinois, en violation des traités internationaux, ont renforcé leur rive du fleuve Amour en érigeant 600 kilomètres de digues. Cela a progressivement conduit à une modification du cours du fleuve, c’est-à-dire à un déplacement de la frontière du côté russe.

« S’il y a une fente, des larves de mouches y apparaîtront. »
Proverbe chinois
Le 15 octobre 2004 à Pékin, Poutine a signé l’« Accord complémentaire concernant la frontière russo-chinoise dans sa partie orientale ». Cet accord transfère volontairement l’île Tarabarov à la Chine, une partie de la Grande île Oussouri située dans la région de Khabarovsk et l’île Grande dans la région de Tchita. Toutes ces îles sont d’importance stratégique pour l’État russe. Sur l’île Grande Oussouri, il y a une forteresse des gardes-frontières et l’île Tarabarova est située sur la trajectoire de décollage des aéronefs militaires des Forces aériennes russes basées à Khabarovsk. Sur l’île Grande, d’une superficie de 70 km2, il y a un poste-frontière et le réservoir d’eau potable alimentant la région.
Le ministre des Affaires étrangères Lavrov avait alors déclaré que les habitants de la région de Khabarovsk n’ont nullement souffert de la signature de cet accord bilatéral modifiant la frontière.
« Nous pouvons démontrer l’avantage de cet accord pour les citoyens russes, en particulier ceux qui vivent à Khabarovsk », a déclaré le ministre Lavrov. Il aurait dû avant de parler aller à Khabarovsk et prendre connaissance de l’humeur de la population, dont l’indignation a été censurée par la presse fédérale.
Seuls les deux gouverneurs des régions Primorié et de Khabarovsk, Yevgeny Nazdratchenko et Viktor Ishayev ont résisté au transfert de territoires russes à la Chine. Yevgeny Nazdratenko a écrit des lettres à Tchernomyrdine pour demander la révision de l’accord de 1991 sur la frontière avec la Chine et Viktor Ishayev a ordonné la construction d’un pont de bateaux pour relier Khabarovsk à l’île Grande-Oussouri. Sur cette dernière se dresse la chapelle du guerrier martyr Viktor, en mémoire aux morts pour la défense de la frontière de l’extrême Orient russe.

Obélisque et la chapelle du guerrier martyr russe.
Ensuite, le gouverneur de la région de Khabarovsk, Viktor Ishayev, a entrepris des travaux de terrassement pour relier les îles Tarabarov et Grande-Oussouri. Il a interdit aux Chinois de pénétrer à Khabarovsk. « Ce territoire est le nôtre. Il est russe et le restera ! » a dit Ishayev. En vain ! En 2005, la Russie a donné à la Chine l’île de Tarabarov, la moitié de l’île Grande-Oussouri (la moitié, probablement parce que Ishayev a construit la chapelle sur l’autre moitié) et l’île Grande dans la région de Tchita. Un total de 337 km2.

Grande Oussouri. D’une part, la frontière chinoise, de l’autre, la chapelle russe.
« Il vaut mieux ne pas savoir lire les hiéroglyphes plutôt que de ne pas connaître les gens. »
Proverbe chinois
La méthode du « conflit reporté » a été développée en Chine dans les années 70, il a donné des résultats positifs. Cette méthode se résume ainsi : remettre les différends territoriaux à plus tard en attente de conditions meilleures pour les résoudre dans des conditions plus acceptables, ou encore mieux, avantageuses pour la partie chinoise. Cette fois-ci, les Chinois n’ont pas eu à attendre longtemps. En 25 ans, la Chine a reçu de la Russie autant de terres qu’elle n’a pu en obtenir au cours de ces 150 dernières années. « Toutes les concessions et hésitations de notre part, comme l’a prouvé l’expérience, sont interprétées par les Chinois comme un signe de faiblesse. Cela les encourage à poursuivre leur extorsion », a écrit au début du siècle dernier, le ministre de la guerre de la Russie tsariste Vladimir Soukhomlinov.
En Chine, les cartes, atlas et manuels scolaires sont imprimés avec annotation : « territoires abandonnés temporairement par la Chine ». Khabarovsk, Vladivostok, Nakhodka, région de l’Amour, la Bouriatie et Sakhaline sont désignés par leur nom chinois.

Par exemple, sur les cartes des manuels d’histoire des écoliers chinois, ces territoires russes sont annotés comme étant d’anciens territoires chinois avec l’explication suivante :
« Suite au traité de Aigun, en 1858 la Russie tsariste a spolié la Chine de plus de 600 000 km². Puis, par le traité de Pékin, en 1860, la Russie tsariste a dépossédé la Chine encore de 400 000 km2. Conséquence de l’accord d’Ely conclu en 1881 et des cinq accords ultérieurs : la Russie tsariste a réduit le territoire chinois de plus de 70 000 km2.
L’annuaire de la province chinoise de la région frontalière avec l’Extrême-Orient russe indique que les Russes ont rebaptisé Blagoveshchensk la ville chinoise Heylunnao après son annexion par la Russie tsariste suite au traité d’Aigun imposé en 1958 à la Chine.
Entre 2000 et 2009, la doctrine de sécurité nationale de la Fédération de Russie, en vigueur, déclarait : « Les menaces compromettant la sécurité et les intérêts de la Fédération de Russie dans les régions frontalières ont pour cause l’expansion économique, démographique et culturelle-religieuse des États voisins sur le territoire russe ». Dans la nouvelle doctrine valable jusqu’en 2020 le concept d’expansion a disparu.
Il faut dire dire qu’il n’y a pas que la Russie qui a cédé des territoires frontaliers à la Chine, mais aussi le Tadjikistan et le Kirghizistan et le Kazakhstan. En tout, des milliers de kilomètres carrés de l’ex-URSS ont été transférés à la Chine.
La Chine a des revendications territoriales à l’encontre de l’Inde, du Vietnam, des Philippines et de la Malaisie. Récemment, le ministère des Affaires étrangères de Chine a informé que les travaux de création d’îles artificielles étaient terminés dans la mer de Chine du Sud, sur les récifs de la Nansha (Spratly). La Chine a obtenu ainsi 8 km2 utilisés à des fins militaires et civiles, quoique cet archipel de Spratly est revendiqué également par le Vietnam, la Malaisie, Brunei, Taïwan et les Philippines. Cette initiative démontre que la Chine a la possibilité de réaliser ses ambitions pour défendre ses intérêts nationaux, affirment les experts.
Partenariat stratégique
« On peut acheter par erreur, mais vous ne pouvez pas vendre par erreur. »
Proverbe chinois
Ravil Geniatulin, ancien chef de la région de Tchita, puis de l’ensemble du territoire Trans-Baïkalie, en parlant de sa région a dit la chose suivante : « Le potentiel économique forestier de la région permet de récolter 50 millions de mètres cubes de bois destiné à tous types d’utilisation. La proximité des marchés chinois, japonais et d’autres pays côtiers du Pacifique rend cette ressource attrayante et bénéfique pour la coopération internationale. » Voici plus de 20 ans qu’une déforestation active a lieu dans les régions de Trans-Baïkalie, de Primorié et d’Irkoutsk. Par exemple, dans la région de Primorié, il est extrait illégalement chaque année jusqu’à 1,5 million de mètres cubes de bois. Dans la région de l’Amour, plus de la moitié des ressources forestières régionales ont été données à la coupe.
En 1998, le gouvernement chinois a totalement interdit, pour 20 ans, l’exploitation forestière sur son propre territoire. Ce programme de protection des forêts chinoises est appelé par les Chinois « Grande Muraille Verte ». Les Chinois achètent depuis longtemps des grumes, en Malaisie, au Gabon, au Cameroun, en Corée du Nord. Mais la Russie et leur premier fournisseur.
En outre, on pense que 80 % du bois russe exporté en Chine est résultat de braconnage. À Tchita et Irkutsk, il y a les plus grands marchés du bois abattu illégalement. L’autorisation d’abattage est accordée pour des raisons prétendument sanitaires, mais les bûcherons abattent seulement les arbres de premier choix et ne retirent que la partie la plus précieuse du tronc. Le reste est abandonné sur place.
Dans certaines régions de l’Extrême-Orient et Trans-Baïkalie, les entrepreneurs forestiers chinois détiennent le monopole absolu de l’exploitation forestière.
Les entreprises mixtes russo-chinoises pour le traitement de bois ont une tout autre fonction, car le gouvernement chinois a adopté une loi interdisant l’achat de bois transformé en Russie. Achetez uniquement du bois brut ! Un flux continu de trains chargés de grumes circule en direction de la frontière chinoise.
Il convient de noter que les entreprises chinoises opérant sur le territoire russe ne respectent pas, dans la plupart des cas, la législation de la Fédération de Russie. Elles sont en fait des colonies chinoises qui vivent en Russie selon les lois de la République populaire de Chine.
Sur toutes les zones de production chinoises en Russie, le drapeau national chinois est arboré et les panneaux d’information sont en langue chinoise.
Le décret du Conseil d’État chinois stipule : « Pour la stabilisation de l’emploi et la répartition des ressources en main-d’œuvre », l’effort principal doit être axé sur l’importation de main-d’œuvre venue de Chine du Nord vers les zones rurales russes peu peuplées et frontalières. Les organisations chinoises s’efforceront de transformer les contrats saisonniers des travailleurs en emploi à l’année. Dans le même temps, l’importance sera accordée à la location de terrains et à la création de lieux de résidence compacte des citoyens chinois en Russie. Les autorités de Trans-Baïkalie, désireuses de donner en bail pour 49 ans des centaines d’hectares de terre aux entreprises chinoises, exaucent les vœux du Conseil d’État chinois.
Le discours du Gouverneur de la région autonome juive, Alexander Levinthal, au Forum économique de Saint-Pétersbourg, est révélateur de la réalité du partenariat russo-chinoise : « On m’a récemment nommé gouverneur et les investisseurs se sont précipités sur moi. Ils disent : “Laissez-nous développer l’agriculture.” Elle est pratiquement inexistante parce que toute la terre est découpée en lambeaux. 80 % du territoire est contrôlé par les Chinois d’une manière légale et parfois illégale. De plus, 80 % des terres servent à cultiver le soja et le soja tue la terre ». Non seulement les graines de soja tuent la terre, mais aussi les pesticides qui sont utilisés sans retenue par les travailleurs agricoles chinois sur un terrain étranger loué.
« La Chine est notre plus grand voisin, mais aussi un porc couché dans le ventre de la Sibérie et de l’Extrême-Orient. Nous devrions examiner avec attention quels objectifs stratégiques globaux la Chine s’est fixés. Je ne crois pas dans le partenariat stratégique entre la Russie et la Chine. Je pense qu’il est chose farfelue. Cela ressemble à une déclaration, sans plus. Le partenariat doit être exprimé par des faits concrets. En quoi la Chine nous aide-t-elle ? En rien ! Pour le moment, nous les intéressons en tant que fournisseurs de technologie, d’équipements militaires et de matières premières. Mais, lorsqu’ils auront tout sucé, nous ne les intéresserons plus », déclara l’historien Boris Tkachenko.
Chef du territoire de Transbaïkalie, Constantine Ilkovsky a signé avec la société chinoise « Huae Sinban » un protocole d’intention sur la location de terres. Il a expliqué sa décision par la faible utilisation des terres agricoles. Les Chinois vont obtenir ces terrains pour quelques kopecks. Le loyer ne sera que de 250 roubles par an et par hectare. C’est-à-dire, moins de cinq dollars. Effectivement, c’est très rentable pour la Chine ! Pour la Russie : Non ! Selon les informations officielles, la société chinoise « Huae Sinban » projette de louer des terrains pour 49 ans dans la région de Trans-Baïkalie. Selon le protocole d’intentions, un premier contrat concernera 115 000 hectares, et puis un autre, 200 000 hectares. Ils seront destinés à la culture de fourrage, de céréales, d’oléagineux, d’herbes médicinales, à l’élevage de bétail et à l’aviculture.
En fait, la société « Sinban » est bien connue dans la région. Elle est active dans la région du Baïkal. Depuis 2004, elle a promis de construire une grande usine papetière moderne, qui n’a pas encore vu le jour. Au fil des années, par le point de transit Pokrovka-Loguhe, le bois le plus précieux des régions de Shilka et d’Argun a été exporté. Un barrage a été construit illégalement sur la rivière Amazar, affluent de l’Amour.
Des entreprises chinoises ont loué pour 49 ans des zones forestières pour la construction d’une usine de papier. La superficie totale des terres est de 1.844.407 hectares. Presque toute la bande forestière adjacente à la frontière a été donnée à la Chine. « L’exploitation forestière est faite par des ressortissants chinois qui prélèvent simultanément les ressources en gibier et en poisson, non seulement dans les domaines de la coupe, mais aussi dans les vastes territoires adjacents », ont écrit les collaborateurs des zones protégées de la région Trans-Baïkalie.

Les zones hachurées en vert sur la carte sont cédées à la Chine.
Le 31 décembre 2014, le président Poutine a signé un décret sur la création de territoires de développement prioritaire (TOR) (loi fédérale №473). Il y a quelques jours, le Premier ministre Medvedev a fièrement rapporté que trois premiers territoires ont été définis à cette fin. Ils sont situés dans la région de Khabarovsk et de Primorié. Pour passer inaperçu, le décret présidentiel a été signé la veille du Premier de l’an. En fait, cette loi limite la législation russe actuelle et les compétences des gouverneurs locaux. Selon cette loi, ces territoires peuvent être loués à des étrangers pour 70 ans, droit de prolongation inclus. Les travailleurs étrangers n’ont pas besoin de permis de travail. Il n’y a pas de quota restrictif pour importation de main-d’œuvre étrangère. Les autorisations des services d’immigration russes ne sont pas nécessaires. Les zones considérées sont hors douane. Les terrains et les biens immobiliers appartenant aux citoyens de la Russie peuvent être réquisitionnés à la demande des sociétés étrangères. En outre, les étrangers peuvent extraire et exporter les minerais, et hydrocarbures. Les forêts peuvent être rasées, les poissons pêchés, les animaux chassés à volonté. Aucune compensation ne sera versée à la partie russe. Les résidents payeront des taux de cotisations réduits d’assurance sociale, santé et retraite. Le budget fédéral compensera le manque à gagner aux fonds sociaux.
Dans la pratique, cela signifie que les Chinois peuvent accéder sans restriction en Russie et exporter vers la Chine toutes ses ressources naturelles.
Par ce décret, Poutine livre l’Extrême-Orient russe à la Chine. Probablement, ce don est fait en retour du contrat « extraordinairement rentable » de fourniture de gaz russe à la Chine, ironise Héléne Massiouk.
« Russes et Chinois sont frères pour toujours »... Nous nous souvenons de cette chanson qui glorifiait l’amitié entre Staline et Mao. Nous savons ce qui est arrivé ensuite ...
Paru dans Novaya Gazeta.ru, le 07/04/2015. Auteur Héléne Massiouk.