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Billet de blog 16 mai 2015

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Le Judas basque.

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Illustration 1
© Boris, lutte!

Lecteur et auditeur assidu de la presse basque, grâce à elle j’ai pris conscience que l’un des problèmes principaux de notre époque est celui des peuples sans État. Dépourvues de moyens de défense de leur langue et culture, ces civilisations sont condamnées à la disparition par assimilation, dispersion ou génocide. Dans un avenir proche, la moitié des langues existantes dans le monde devrait disparaître, rendant ce dernier plus pauvre, plus uniformisé. Une catastrophe culturelle mondiale en perspective ! Dans ce monde sauvage et sans pitié pour les plus faibles, je salue la résistance des peuples minoritaires face à l’expansion des grandes civilisations qui s’étendent, tuant les petites. La lutte des peuples décidés à survivre m’encourage. En premier lieu, celle des Basques.

La répression et la censure franquistes terminées, les Basques ont su donner une impulsion aux développement et rayonnement de leur culture tant au Sud (hegoaldean) qu’au Nord (iparraldean). Cela malgré les obstacles et interdits les plus divers opposés par les États français et espagnol. Hélas, cette lutte est ignorée par les médias nationaux. Et on le comprend : elle peut être un exemple pour tant d’autres peuples sans État menacés de disparition. En premier lieu pour les peuples de l’hexagone et d’outre-mer inexorablement anéantis par l’impérialisme parisien : Corse, Bretonne, Antilles… Il existe une vingtaine de radios basques et trois chaînes TV dont deux numériques. Le basque a conquis internet. Wikipédia, une multitude d’encyclopédies et de dictionnaires rendent passionnant la pratique du basque sur le net. La langue des bergers s’est modernisée, s’est adaptée aux nouvelles technologies de communication.

N’étant pas moi-même basque, mais tout de même Euskaldun, c’est-à-dire littéralement « porteur du basque », soit bascophone, j’observe ces succès d’un point de vue non nationaliste, mais universaliste. Je souhaite vivement que d’autres peuples minoritaires suivent cet exemple afin de sauvegarder l’originalité de notre monde, sa mémoire et sa diversité.

Une destruction massive des ressources naturelles et humaines est entreprise sur le continent euroasiatique de la Russie de Poutine soumise à un capitalisme mafieux rarement égalé. Parmi les 200 peuples de la Fédération de Russie, beaucoup sont condamnés à disparaître. Citons-en quelque-uns.

Les Artchines, population du Daghestan. En 2010, il restait 10 individus.

Les Tofalares, peuple de Sibérie orientale.Il reste 800 individus.

Les Nganassanes, péninsule de Taïmyr : 862 individus.

Les Udéges, Extrême-Orient : 1.700 individus.

Les Esquimaux ou Inuit : 2.000 individus vivent en Russie.

Les Dolganes en Yakoutie et dans la région de Kraskoyarsk: 7.900 individus

Les Selkoupes en Sibérie occidentale : 4250 individus.

Les Nivkhes de Sibérie orientale et Skhaline : 4.652 individus.

Les Koriaks au nord du Kamtchatka : 8.743 individus.

Les Mansis en Sibérie : 12.269 individus.

Ceux-ci risquent de connaître le sort des Ubikhs, chassés  de Sotchi en 1864 par l’expansion russe au Caucase et dont le dernier représentant est mort en 1992 en exil en Turquie. Sur les terres du génocide dont il a été évincé,  lors des J.O de Sotchi en 2014, pas un mot n’a été prononcé en mémoire de ce peuple disparu. Le peuple qui n'a pas de conscience nationale, c'est du fumier sur lequel un autre poussera.

La Russie de Poutine a aggravé les ravages de Moscou sur ce pays bicontinental qu’elle exploite à outrance. L'autonomie de quatre régions a été abolie: région de Komi-Perm, district de Bouriatie, région des Évenks (les Évenks qui peuplent un tiers de la Sibérie à présent ne possèdent plus d'autonomie ), région des Koriakes.Les petits peuples de Sibérie ont été fusionnés avec ceux du nord de la Russie européenne. Leur survie est aggravée par les problèmes de santé et d’écologie.

Les peuples mongoloïdes ne possèdent pas l'enzyme qui décompose l'alcool. Pour cette raison, ils deviennent très rapidement alcooliques. Une très faible quantité les enivre. Sachant cela, le Kremlin encourage les approvisionnements d'alcool dans les zones habitées par ces petites nations. La population de la Sibérie est détruite de la même manière  que furent détruits les Indiens d'Amérique.

Poutine anéantit la diversité de la Fédération de Russie par une politique d'assimilation ciblée avant tout sur les peuples autochtones. Cet ethnocide est accompagné d'un génocide, soit d'une élimination physique des peuples les plus petits. La guerre à l’encontre des peuples tchétchènes et du Daghestan est l’héritière directe des déportations staliniennes de peuples entiers hors de leurs terres ancestrales. L’anschluss récent avec la Crimée a été suivi d’une répression outrancière contre les Tatars de Crimée. Leur seule chaîne TV a été fermée et leurs dirigeants emprisonnés . Cela, 70 après les déportations par stalinienne.

Je n’ai pas trouvé un seul mot sur le journal « BERRIA » et dans tous les autres médias basques dénonçant la politique d’extermination du Kremlin. Les médias basques sans exception se sont rangés au côté de l’impérialisme « Grand russe » pour le soutenir dans sa guerre contre le « Petit Russe », c’est-à-dire l’Ukrainien. La   situation des Ukrainiens ne se différencie en rien de celle des autres peuples minoritaires opprimés  de la Fédération de Russie. Il n’y a pas d’exception.  Sous Poutine, les écoles des républiques autonomes de la Fédération ont été fermées. L’étude des langues nationales n'est plus obligatoire. Les examens dans ces langues ont été supprimés. Les matières ne sont plus enseignées dans les langues des peuples natifs des régions. Si les cours persistent, ils se transforment en séance de dilettante, car inutiles,  le russe étant devenu de fait la seule langue administrative. La plupart des peuples ne disposent pas de radio ou chaîne TV en langue nationale.

C’est le russe qui a évincé la langue ukrainienne et toutes les autres et non le contraire. Cette répression à l’encontre des langues minoritaires, et de l’Ukrainien en particulier, a commencé il y a bien longtemps. Pour favoriser la progression de langue russe, la loi Brejnev accordait un salaire de 15% supérieur au professeur de russe par rapport à celui de leurs collègues ukrainiens. Avant cela, les Tsars successifs ont interdit l’édition de lois et jugements en ukrainien, de jouer des pièces de théâtre et d’imprimer des livres en ukrainien, d’écrire des textes ukrainiens sous les notes de musique afin que ne puisse plus se transmettre la tradition du chant par l’écriture.

Aujourd’hui, par leur importance, les Ukrainiens sont le troisième peuple de la Fédération de Russie. Ils ne disposent d'aucune autonomie, pas de chaînes TV, pas d'écoles, pas d'université. Depuis 23 ans, le nombre d'Ukrainiens en Russie a diminué de 60%. Ils ont été réduits de 2,5 millions de personnes en en raison de l'assimilation russe.  Les Ukrainiens sont le peuple qui se russifie le plus vite. Cette russification étatiquement planifiée porte préjudice  à tous peuples autochtones de Russie, viole les droits de l'Homme et la Constitution de la Russie elle-même. Tous les hommes ont le droit de recevoir une éducation dans leur langue nationale.

Par contre, on ne peut s’empêcher de remarquer la différence de traitement dont jouissent les Russes d’Ukraine. Le nombre de Russes en Ukraine est de18%. En Ukraine, 16% des écoles sont des écoles de langue russe. 18% des jardins d'enfants sont russophones. 95% des stations de radio, 70% des livres, 60% des journaux sont russophones. Regardez la TV ukrainienne et vous remarquerez que la plupart des militaires ukrainiens qui combattent les terroristes russes du Donbass s’expriment en russe. C'est l'impérialisme moscovite qui persécute les Ukrainiens et non le contraire.

 La langue de l’État impérial.

Comme l’histoire, la linguistique est fortement soumise aux pressions politiques. Les manuels officiels soviétiques et postsoviétiques indiquent que le russe, ukrainien et biélorusse composent le groupe des langues slaves orientales.  Il y aurait le groupe sud (bulgare, serbe…) et occidental (polonais, tchéque…). Un étudiant de première année de russe peut se rendre compte que cette classification est tout à fait fantaisiste. Il se rendra compte rapidement qu’il peut lire et comprendre à 98% des textes bulgares et dans une moindre mesure des textes serbes. Par contre, il ne comprendra pas des textes écrits dans les langues officiellement sœur du russe : le biélorusse et l’ukrainien, tant la différence est importante.

Voici un tableau de comparaison pour exemple :

Illustration 2
© Boris Lutte!

Vous avez remarqué la similitude du polonais, biélorusse et de l’ukrainien. Ces langues sont issues d’un slave commun parlé alors , dans la plaine orientale européenne. Ce sont ces trois langues que l’on doit réunir dans un même groupe, et le russe doit en être exclu.

Le russe actuel a été importé de Bulgarie à Moscou avec les livres d’église lors de la formation de l’État moscovite. Avec l’expansion de la Moscovie et plus tard de  la Russie actuelle, cette langue étatique s’est étendue de Kaliningrad en Prusse orientale à la Sibérie orientale et  jusqu’à la presqu’île du Kamtchatka au détriment des cultures et langues autochtones condamnées à un recul inexorable et à une disparition programmée, douce ou violente : à elles de choisir en fonction de la résistance opposée à l’envahisseur.

 Il est difficile de comprendre comment les Basques, qui ont subi les excès de la dictature franquiste, peuvent soutenir aujourd’hui la dictature de Poutine. Très critiques à l’encontre de L’État français qui a conçu un état caserne afin de transformer les populations en arme agressive pour les besoins de ses guerres constantes, ne voient-ils pas que les « Harkis » de l’empire russe, Tchétchènes de Kadirov, Ossètes, Bouriates, etc., sont la chair à canon de cette guerre russe impériale contre l’Ukraine ? La « harkisation » des populations colonisées est une pratique généralisée par tous les empires. Retirez à un peuple son identité et vous pourrez le mener à l’abattoir comme en 1914. Aliénés de toute référence par rapport à leur passé, ils vous seront fidèles, comme des janissaires, et cruels envers vos ennemis !

La France jacobine a anéanti les cultures régionales. Quelques couplets folkloriques remémorés servent à amuser les touristes durant la saison estivale.

 Poutine réserve un sort identique à toutes ses minorités.Les Basques demandent le rapatriement des prisonniers dispersés par les États français et espagnols à des centaines de kilomètres. En Russie, les prisonniers sont expédiés à des milliers de kilomètres de leur domicile dans des contrées au climat bien plus sévère. La police espagnole, héritière de la police franquiste, torture les prisonniers. Craignant le « qu’en-dira-t-on » elle applique des techniques de torture ne laissant pas de trace. En Russie, la police torture sans aucune retenue. Plus de 4000 prisonniers meurent chaque année dans les prisons russes, bien plus que les quelques dizaines dans les prisons françaises et espagnoles dont se lamentent les médias basques. Toute déclaration en faveur de l’indépendance d’une région de Russie est punie d’une peine de prison de cinq ans. Cela veut dire que tout Basque indépendantiste serait en prison s’il était Russe.

Dois-je, avec les Basques, rabâcher la propagande de Poutine qui affirme que les Ukrainiens sont des fascistes? Alors que de toute évidence c’est le régime de Poutine qui est fasciste. Maïdan est un mouvement populaire démocratique et Bandera un patriote ukrainien au même titre que les Abertzales sont des patriotes basques. Bandéra a été interné trois ans par les nazis et sa famille anéantie par Hitler et Staline.  Quels sont les intérêts occultes qui ont pu provoquer un tel revirement général du mouvement "abertzale" basque ? Dès lors, une autre question se pose : sont-ils sincères ? Renouant avec la tradition terroriste de l’E.T.A, victimes de cette hystérie propagandiste, des Basques ont pris les armes pour aller combattre au côté de l’impérialiste russe au Donbass. Revenus, ce sont des héros. Les voici :

  • LUR GIL REY, envoyé spécial du journal BERRIA
  • Ibai Trébino présenté comme journaliste par la très officielle chaîne EITB.

Vous les voyez sur la photo ci-dessus, armes de guerre à la main, chargeur engagé, sur fond de drapeau basque en compagnie d’un terroriste du Donbass. De retour en Espagne, ces messieurs circulent librement, donne des interviews à tous les médias basques qui leur ouvrent grandement leurs colonnes et antennes. C’est le milieu nationaliste basque, dans son ensemble, qui est impliqué totalement dans cette honteuse trahison.

 N. B. La presse basque dans sa totalité a refusé de me rencontrer, de publier, en basque ou en français, mes opinions. Le journal « Sud-Ouest » que j’ai contacté m’a dit qu’il ne souhaitait pas rentrer en contradiction avec ses collègues de la presse basque. La liberté d’information a ses limites au Pays basque.

Cela devrait interresser les Abertzales:

Mosku edo Parisen aldeko Euskaldunak traidore dira

Ukraniera suntsiketari buruzko 400 urteko kronika

Eusko zozoak gara

Donbass askatzeko,

Gertu daukagu odola

Putinen alde emateko.

Trufaka entzuten da

Abertzaleen gainean,

Goazen ardiok guztiok

Putinen atzean.

Irrintzia: Ah!, Ah!, Ah!

Illustration 3
© Boris Lutte!

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