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Billet de blog 21 mars 2018

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Torture en Russie

Les agents du FSB ont reconnu avoir soumis leur prisonnier, Victor Filinkov, à des électrochocs. Le pouvoir tente ainsi d’établir l’existence d’un « Réseau » entre le mouvement « Artpodgotovka » de Viacheslav Maltsev et les militants anarchistes russes. Ces informations confirment que la France doit accorder l’asile aux réfugiés politiques russes.

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Illustration 1
Victor Filinkov © Vitaliy Cherkasov/Facebook

Les enquêteurs ont confirmé l’utilisation de décharges électriques à l’encontre de Victor Filinkov, arrêté dans le cas des « réseaux » anarchistes à Saint-Pétersbourg. Cependant, les agents du FSB nient avoir utilisé ces moyens spéciaux pour torturer, selon « Fontanka ».

 Le FSB a expliqué que la présence de cicatrices provoquées par des décharges électriques sur le corps de Filinkov était due à un « impératif de service ». Le suspect aurait résisté et aurait tenté de s’échapper. Seules des impulsions électriques ont pu l’arrêter. Les services spéciaux n’ont pas précisé combien de fois ils ont électrisé Filinkov. Des membres d’une ONG, qui lui avait rendu visite en prison, avaient relevé des dizaines de cicatrices sur son corps.

 Âgé de 23 ans, Victor Filinkov avait disparu le 23 janvier sur la route de l’aéroport de Pulkovo. Deux jours plus tard, on apprit qu’il était détenu par les services spéciaux pour participation à une communauté terroriste, délit passible de 5 à 10 ans de prison. Filinkov a déclaré avoir été torturé. Les militants de l’ONG ont relevé de multiples traces de brûlures causées à l’électricité sur sa poitrine, cuisse droite, ainsi qu’une ecchymose sur la cheville droite. Sa chapka était ensanglantée. Les policiers avaient utilisé celle-ci pour essuyer son sang. Le prisonnier possédait également des cicatrices provoquées par les menottes sur ses poignets.

Filinkov était passé aux aveux, mais ensuite il s’est rétracté. Il nie sa culpabilité.

Illustration 2
Impacts de torture © ONG sur médiazona

Son avocat, Vitaly Cherkasov, avait déposé immédiatement une plainte pour torture. Celle-ci est restée vaine au cours du mois qui a suivi. Le 10 février, le procureur a refusé d’examiner cette requête. Le document a été transféré au FSB de Saint-Pétersbourg, c’est-à-dire à la même structure qui a torturé Filinkov. Le 21 février, son avocat a déclaré que le Comité d’enquête avait ouvert une instruction judiciaire. Celle-ci n’a effectivement commencé que 27 jours après que Victor eut subi des blessures corporelles, délai suffisant pour espérer que les séquelles s’estompent.

 Entre-temps, le 16 mars, Filinkov a été transféré à la prison n° 6 de Gorelovo. Ce centre de détention a une très mauvaise réputation. Il est fortement à craindre que les membres des ONG ne puissent lui rendre visite. Les agents du FSB avaient déjà menacé de transférer Victor Filinkov dans un lieu, d’où personne ne pourra savoir ce qui lui arrive. L’avocat s’efforce actuellement d’obtenir son rapatriement à Saint-Pétersbourg.

 Victor Filinkov n’est pas la seule personne à s’être plaint de torture dans le cadre de cette affaire appelée « Réseau » par les autorités russes.

Illustration 3
Traces de chocs électriques sur le corps d’Ilya Kapustin. © La photo a été fournie par son avocat à la publication Mediadzona

Dans la soirée du 25 janvier, le FSB a arrêté un autre habitant de Saint-Pétersbourg, Ilya Kapustin. Ce dernier s’est également plaint de mauvais traitements. Kapustin a déclaré : « Par intermittence, ils m’envoyaient une décharge électrique. À un moment donné, l’un d’eux m’a dit qu’ils me jetteront quelque part dans les bois et me casseront les gambes. J’ai commencé à souhaiter cet instant, car j’avais été torturé si longtemps. Cela ne m’était plus supportable ».

Les arrestations de Saint-Pétersbourg ont été ordonnées par décision du tribunal de la ville de Penza. Accusés d’être membres d’une organisation terroriste fictive, Ilya Shakursky et Dmitry Pchelintsev avaient été arrêtés en automne dernier dans cette ville. Ils ont été torturés avec des décharges électriques dans la prison n° 3 de cette ville, affirment leurs avocats. Ceux-ci font état également de pressions psychologiques, de pendaison par les pieds ou par les bras. Des interrogatoires ont duré 24 heures.

Illustration 4
Dmitry Pchelintsev avec sa famille © Archives personnelles

L’avocat Oleg Zaitsev a rendu visite à Dmitry Pchelintsev le 6 février. Le prisonnier politique lui a également parlé de tortures. Selon l’avocat, le 27 octobre, lorsqu’il sortait de chez lui, Dmitry Pchelintsev a été saisi et jeté à terre par quatre hommes en civil. Il a été conduit au FSB, puis en cellule d’isolement. Le lendemain, ils l’ont transféré dans une cellule voisine où 6 à 7 personnes masquées l’attendaient. Certaines étaient en tenue de camouflage, d’autres en civil. Dmitry Pchelintsev a été forcé de se mettre torse nu, puis de s’asseoir sur un banc auquel ses mains et ses pieds ont été attachés. Des fils ont été reliés aux gros orteils. Des décharges électriques lui ont été envoyées avec une magnéto. Ensuite, un des hommes masqués lui a alors dit : tu dois oublier les mots « Non » ou « Je ne sais pas » ! Puis, le prisonnier a été jeté au sol. Ils lui ont retiré le slip et ont commencé à lui brancher un fil électrique sur les parties génitales. L’anarchiste les a implorés de ne pas faire cela. Les bourreaux lui ont dit : « Tu es le leader. Vous vous apprêtez à commettre des actes terroristes ». Dmitry Pchelintsev a fini par confirmer leur dire.

Dmitri Pchelintsev a eu une entrevue avec sa femme. Celle-ci rapporte les propos de son mari : « J’ai été torturé tous les jours.  J’ai peur que mon cœur ne résiste pas, et que je ne sorte pas d’ici vivant. C’est l’enfer »

L’avocat Vakhterov a rencontré Ilya Shakursky le 7 février. Le militant anarchiste lui a dit avoir reconnu sa culpabilité sous la torture. Il a affirmé avoir été emmené dans une pièce du sous-sol de la prison où l’attendaient des personnes masquées en tenue de camouflage. Ils l’ont fait se déshabiller et ont relié l’extrémité de ses doigts à des fils électriques branchés sur une dynamo. L’avocat estime que les policiers veulent établir une relation entre les anarchistes arrêtés et l’organisation de Viacheslav Maltsev « Artpodgotovka » déclarée terroriste en Russie. Ce dernier est actuellement réfugié en France.

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