En 1938, on avait cédé la région des Sudètes à Hitler pour avoir la paix. On a eu la honte et la guerre. Aujourd’hui, certains proposent de légaliser l’annexion russe de la Crimée par Poutine pour faire la paix avec l’autocrate, business oblige. Ce serait récompenser l’agresseur et l’encourager à recommencer. Après la Tchétchénie, la Géorgie et l’Ukraine et l’opposant intérieur, quelle sera la nouvelle victime du dictateur ? Un nouveau Munich abandonnerait honteusement les Tatars de Crimée à leur triste sort. Ce peuple martyrisé sous l’époque soviétique est victime à nouveau des exactions de l’occupant russe.
Le 8 août, à Simferopol, devant la Cour suprême de Crimée, Sever Karametov se tenait avec une affiche : « Poutine, nos enfants ne sont pas des terroristes ! » Le vieillard a décidé d’agir ainsi pour soutenir le prisonnier politique Akhtem Chyigoz, vice-président de Mejlis, Congrés national des Tatars de Crimée. C’était le jour des plaidoiries de la défense et Akhtemov Chiygoz devait prononcer ses derniers mots. Le verdict est attendu pour le 11 septembre.
Server Karametov a été arrêté au cours de ce piquet. Il a été condamné malgré son grave handicap neurologique à dix jours d’emprisonnement et a une amende de 10 000 roubles.
Le patriote tatar a vécu tout d’abord en Ouzbékistan, où il avait été déporté avec sa famille, puis en Crimée natale après son rapatriement. Hélas, les forces répressives de Moscou l’y ont à nouveau rattrapé en 2014 avec l’annexion de la presqu’île. Malgré son âge et la maladie de parkinson dont il souffre, Sever Karametov arbore régulièrement le drapeau des Tatars de Crimée à toutes les manifestations pour rappeler que toute sa famille et son peuple ont été déportés de Crimée en 1944 par les forces du ministère de l’Intérieur de l’URSS.
En 2014, par le rattachement de la Crimée à la Russie Poutine a suscité un regain d’engouement nationaliste. Il avait de même conforté sa popularité en réveillant le syndrome impérial qui sommeille chez le « Grand Russe » indifférent aux misères des petits peuples. Les pages glorieuses de l’empire ont leurs heures sombres : la répression contre les peuples minoritaires. Parmi ces derniers, les Tatars de Crimée. En 1944, la totalité de la population tatare a été déportée de Crimée en Asie centrale. Seulement en 1989, soit 45 ans plus tard, elle a été autorisée à retourner dans sa patrie. À leur frais et sans restitution des terres confisquées. La moitié n’est pas encore retournée.
En annexant la Crimée en 2014, Moscou a imposé la nationalité russe à toute la population de la presqu’île. C’est exactement ce qu’avait fait Hitler en 1940 avec les Alsaciens qu’il avait nommé « Les frères retrouvés ». Tous frères en Crimée ? Certainement pas ! Les Tatars de Crimée sont à nouveau persécutés comme sous l’ère soviétique par les forces russes d’occupation. Il convient de les qualifier ainsi au regard du droit international.
Toutes les organisations civiles et religieuses tatares ont été interdites. Accusés d’appartenance à l’organisation musulmane et pacifique « Hizb ut-Tahrir », des Criméens sont condamnés à des peines atteignant 20 ans de prison. Par exemple, le jeune Arsen Dzhepparov a été arrêté. Il est accusé d’être membre de « Hizb ut-Tahrir ». Il est emprisonné à Simferopol. En grève de la faim, son état de santé est grave.
La Crimée est un laboratoire où s’expérimentent les méthodes répressives du FSB (ex-KGB) : harcèlement, perquisitions, arrestations, déportations, internement psychiatrique, déportation de la population civile tatare. Une zone de non-droit comme la Tchétchénie de Ramzan Kadyrov, si ce mot a encore un sens dans la Russie de Poutine.
Tous les 18 du mois à Moscou et à Saint-Pétersbourg, un groupe de militants se réunit pour exiger la libération des prisonniers politiques et l’autonomie des Tatars de Crimée. Ils organisent une action « Stratégie 18 ». Leur but : rappeler la terrible injustice du 18 mai 1944 à l’encontre de ce peuple. Elle n’est pas encore réparée. Toujours spoliés de leur propriété, les Tatars de Crimée sont victimes de cette histoire qui se répète. Le groupe « Stratégie 18 » a l’intention de poursuivre cette manifestation mensuelle tant que la Russie continuera d’occuper la Crimée et que les Tatars de Crimée n’auront pas obtenu réparation.