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Billet de blog 22 février 2018

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Russie: les vraies victimes du terrorisme

Viktor Kapitonov, opposant à Poutine, doit déjà un million de roubles à l’État russe, somme des amendes auxquelles il a été condamné pour son activité politique pacifique. La police a fracturé un bras à cet invalide des deux bras. Aujourd’hui, il est convoqué pour terrorisme, car il a participé à la manifestation de Navalny le 28 janvier à Moscou.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Victor Kapitonov © PIERRE HAFFNER

Le 7 octobre 2016, devant mes yeux, les policiers russes ont cassé le bras de Victor Kapitonov, invalide du deuxième groupe des deux bras, en l’arrêtant illégalement alors qu’il faisait un piquet unique (autorisé par la loi) devant le bâtiment de l’administration présidentielle à Moscou. J’étais présent.

Deux heures plus tard, les policiers ont relâché Victor Kapitonov après avoir rédigé un faux procès-verbal d’infraction allégeant que le piquet n’était pas solitaire. Cela est un mensonge. Je suis témoin. Les policiers ont omis de noter que Victor Kapitonov a reçu lors de son arrestation une blessure importante au bras. C’est nous qui avons appelé les secours qui ont immédiatement diagnostiqué une fracture.

Du piquet à la salle d'opération © PIERRE HAFFNER

Le soir même, Victor Kapitonov a subi une intervention chirurgicale de 45 minutes. Son infirmité s’est aggravée.

Le procès a eu lieu en l’absence de Victor Kapitonov hospitalisé. Il a été condamné par contumace à une amende de 250.000 roubles, sentence confirmée en appel.

Enfin, en avril 2017, j’ai été entendu en tant que témoin, pour instruction préalable en ce qui concerne la blessure portée et l’invalidité aggravée par les policiers le 7 octobre 2016.

J’ai été très mal reçu par le juge d’instruction. J’ai témoigné et remis au juge la vidéo que j’ai faite sur le moment. Il n’y a aucune équivoque, ce sont les policiers qui ont cassé le bras de Victor Kapitonov et qui ont commis des actes de torture en continuant de le maltraiter malgré ses cris. Ces fonctionnaires se sont de plus rendus coupables de non-assistance de personne en danger en refusant d’appeler les secours et de parjure en rédigeant un faux procès-verbal.

Après mon audition, la plainte de Victor Kapitonov contre les policiers a été classée sans suite.

Les policiers-bourreaux sévissent toujours.

Le Comité d’enquête vient de remettre une convocation à Victor Kapitonov pour comparaître le 28 février 2018. Il sera interrogé en qualité de témoin pour émeutes de masse (article 212 du Code pénal) et terrorisme (article 205.2 du Code pénal) pour avoir participé à la manifestation organisée par Navalny le 28 janvier 2018.

Il s’agit de la première étape. Si Victor Kapitonov refuse de coopérer avec les policiers, son statut de témoin sera transformé en « accusé ». Il ne ressortira pas libre de Lubyanka. Les infractions à l’article 205 du Code pénal (terrorisme) sont passibles de 12 à 20 ans de prison.

Illustration 3
Victor Kapitonov dans " l'avotozak " © Gradus TV

Comme tous les invalides russes, Victor Kapitonov, orphelin de mère, vit dans une misère totale. Ses comptes bancaires sont bloqués. Il ne perçoit pas sa maigre pension d’invalidité qui est saisie mensuellement. La somme des amendes, auxquelles il a été condamné, est de un million de roubles. La police lui a cassé le bras sur la voie publique. Son invalidité est aggravée. Le pouvoir protège ses agresseurs policiers.

À présent, les terroristes, bourreaux de Victor Kapitonov, le poursuivent pour « terrorisme ».

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