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Billet de blog 22 décembre 2019

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Un ancien membre de l’unité spéciale d’intervention rapide biélorusse avoue avoir enlevé et assassiné des opposants au président Loukachenko

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Illustration 1
Manifestants avec des portraits de Gonchar et Krasovsky lors d'un rassemblement de l'opposition à Minsk. © EPA

Il y a de cela une vingtaine d’années, les principaux opposants politiques d’Alexandre Loukachenko ont disparu :

  • le 7 mai, l’ancien ministre des Affaires intérieures, le général Yuri Zakharenko,
  • le 16 septembre, l’ancien président de la Commission électorale centrale, Viktor Gonchar et son ami, l’homme d’affaires Anatoly Krasovsky.
  • Peu de temps avant la disparition de Zakharenko, dans des circonstances étranges, un autre dirigeant de l’opposition biélorusse, Gennady Karpenko, est décédé.
  • En juillet de l’année suivante, le caméraman Dmitry Zavadsky, qui travaillait avec le journaliste Pavel Sheremet récemment assassiné à Kiev, a disparu également.

Pendant vingt ans, les responsables des services de sécurité biélorusse se sont employés à brouiller les dossiers et à dissimuler les preuves. Des journalistes, des militants des droits de l’homme, des politiciens européens et de jeunes militants ont mené des enquêtes indépendantes. Novaya Gazeta a également fait des recherches de son côté et a collecté des renseignements, des indices et entendu des témoins. Tous les médias internationaux ont parlé des escadrons de la mort biélorusses. Le sujet a été évoqué à l’ONU au Parlement européen qui a adopté des résolutions obligeant les autorités biélorusses à enquêter sur les disparitions à caractère politique.

Tout cela fut vain. Mais l’un des participants à ces meurtres s’est livré. Il s’agit d’un protagoniste et non d’un témoin. On ne peut pas dire de lui qu’il a confondu ou imaginé ces événements.

Yury Garavsky, ancien membre des groupes d’intervention de la police biélorusse, s’est adressé cet automne à l’édition russe de Deutsche Welle. Il a raconté qu’il avait enlevé et tué Zakharenko, Gonchar et Krasovsky. L’année dernière, Garavsky, âgé de 41 ans, s’est rendu en Europe, où il a demandé l’asile politique. Deutsche Welle a publié son interview. Nous publions des fragments de son récit sur ces événements datant de vingt ans.

ASSASSINAT DE ZAKHARENKO

« Fin avril, Pavlichenko (Dmitry Pavlichenko, commandant du groupe d’intervention de la police biélorusse — N. G.) s’est absenté fréquemment de notre base pour Volovshchina. Puis un jour, il m’a dit : “Yura, tu viendras avec moi demain.” Nous avons pisté toute la journée un homme. Quand je l’ai vu, j’ai reconnu l’ancien ministre Zakharenko. Je n’ai pas demandé pourquoi nous le suivions et ce que nous faisions. Le 7 mai dans la matinée, Pavlichenko est parti. Il est revenu après le dîner et a dit qu’il devrait arrêter Zakharenko et le liquider. Le nom de famille a été prononcé alors pour la première fois. Nous sommes montés dans deux voitures, une BMW 525 rouge et une Opel Omega foncée, et nous nous sommes dirigés dans les parages de la rue Voronyansky. Nous savions où Zakharenko garait sa voiture et combien de mètres il devait parcourir pour rejoindre son domicile.

J’étais dans la voiture avec Pavlichenko. En plus, il y avait aussi Borodach Yura et Sergey Shkinderov. Dans une autre voiture, il y avait Karpovich Dima, Novatorsky, Kozhevnikov, Pankov et Rumyantsev Lesha. Rumyantsev et Karpovich se tenaient des deux côtés de la maison. Shkinderov et moi, nous étions plus loin lorsque nous avons vu Zakharenko se diriger chez lui. Nous l’avons suivi. Kozhevnikov et Pankov sont allés à sa rencontre. Ils lui ont présenté leurs cartes : “Nous sommes des policiers, nous vous demandons de prendre place dans la voiture.” Immédiatement, nous sommes arrivés et avons dit : “Mains derrière le dos.” Nous avons menotté Zakharenko. Le véhicule Opel est arrivé.

Nous l’avons mis sur le siège arrière. Il a seulement dit : “Faites de sorte que ce soit sans douleur”. Mais nous avons fait fi de cette demande. Dans la voiture, il y avait une musique en sourdine. Pavlichenko était assis dans la voiture. Les autres sont montés dans la BMW, et nous sommes partis pour la région de Volovshchina où se trouve le centre d’entraînement des troupes de l’Intérieur. Il y a un champ de tir. Nous avions des laissez-passer. Donc nous sommes allés sur ce champ de tir et avons extrait Zakharenko de la voiture. Il avait une cagoule que nous lui avions enfilée sur les yeux dans la voiture. Quand Zakharenko a été extrait de la voiture et étendu sur le sol, Pavlichenko m’a fait signe de lui passer le révolver équipé d’un silencieux qu’il m’avait préalablement remis. Extérieurement, cette arme ressemble à un Makarov modernisé avec un silencieux. Pavlichenko a tiré sur Zakharenko à deux reprises dans la région du cœur. Zakharenko était couché sur le ventre. Après 10 à 15 minutes, Shkinderov se pencha et tâta le pouls qui avait cessé de battre. Le chauffeur a ouvert le coffre de la BMW dans lequel il y avait une toile cirée. Nous avons mis le corps dans le coffre et nous sommes rendus au cimetière nord de Minsk.

Le cimetière fait face à un crématorium dont les portes cochères arrière nous ont été ouvertes. La BMW entra. Il y avait déjà un cercueil sur un chariot. Ils y ont mis le corps. Ils ont mis la toile cirée sur les pieds. Ils ont refermé le couvercle, poussé le chariot. Le cercueil est allé je ne sais où, dans le four ou non. Nous sommes sortis, avons allumé une cigarette et avons commencé à attendre Pavlichenko resté dans le bâtiment. Puis Pavlichenko est sorti avec un sac en plastique noir à la main et je suis parti avec lui au cimetière Nord. Il y a des sections spéciales. Je ne sais pas où Pavlichenko est allé là-bas. »

Voici le récit du 16 septembre, lorsque Viktor Gonchar et Anatoly Krasovsky ont disparu.

ASSASSINAT DE GONCHAR ET KRASOVSKY

« Pavlichenko nous a réunis deux ou trois jours avant. Nous étions alors sur la base des groupes d’intervention biélorusses située entre Begoml et Dokshitsy, où nous nous entraînions. Il a rassemblé notre groupe et a demandé : “Qui ira les arrêter ? Il faudra en arrêter et en liquider deux.” Eh bien, nous nous sommes regardés à ce moment-là et avons compris qui resterait et qui partirait. Ils ont dit qu’ils avaient déjà tout organisé. Pavlichenko a dit : “Je vais vous donner un ordre.” Il est parti deux jours. Le troisième jour, il est revenu et a dit : “Ça y est, aujourd’hui nous allons travailler.”

Nous n’avons rien fait de la journée et en fin d’après-midi, vers sept heures, nous sommes partis de Vitebsk à Minsk. Pavlichenko savait déjà à quelle heure, et où ces personnages seraient. Il a dit : “Nous sommes arrivés. Ils seront au sauna”. Avant de partir, Pavlichenko m’a de nouveau donné une arme à feu dans son étui. Nous avons roulé vers Minsk. Nous nous sommes arrêtés près des bains publics dans la rue Fabritchnaya. Il y a une cour sans issue. Du sauna, il y a une seule sortie vers la chaussée. Je me suis promené, j’ai regardé autour de moi et j’ai dit : “Alors les gars, nous laisserons ici notre voiture. Quand leur jeep partira, nous leur couperons la route. Et notre deuxième voiture arrivera pour qu’ils ne puissent pas reculer.” Nous avons attendu jusqu’à 23 heures.

Nous étions huit. Pankov et moi nous nous sommes occupés de Gonchar, et Borodach et Kozhevnikov de Krasovsky. J’ai pris une chaîne métallique de 50 centimètres spécialement déposée dans la boîte à gants. J’ai dit à Pankov : "Lorsque tu saisiras la portière, attends ! Je briserai le parebrise, puis vous ouvrirez". Gonchar et Krasovsky sont sortis du sauna et ils montèrent dans leur voiture. La rue était sombre, il n’y avait pas de lumière et pas de monde. Nous faisions le guet. Quand leur voiture est arrivée, nous leur avons barré la route. J’ai fait deux pas et brisé la vitre et frappé avec la chaîne la lèvre et le nez de Gonchar. Pankov a ouvert la porte. J’ai extrait Gonchar de la voiture en l’étranglant avec la chaîne et l’ai jeté à terre. Pankov l’a menotté et lui a mis une cagoule sur les yeux. Il y avait beaucoup de sang. On lui a inséré un petit bâillon dans la bouche afin qu’il puisse respirer et prévenir que le sang coule dans la voiture. Nous nous sommes assis et avons fait en sorte que sa tête soit entre les sièges, et lui avons dit : “Ne lève pas la tête.”

Les autres s’occupaient de Krasovsky. Il était au volant. Je n’ai pas vu que le parebrise l’eut blessé. Il a été extrait et emmené dans une autre voiture. Notre chauffeur est monté dans la jeep Cherokee noire de Krasovsky, nous dans nos voitures, et nous avons roulé vers Vitebsk. Sur la rocade, à la sortie en direction de Vitebsk, il y a une aire. Nous nous sommes arrêtés. Pavlichenko est sorti de la voiture. Un homme vêtu sombrement est arrivé. Il a mis la tête dans la voiture et a dit : “Montre !” Nous avons enlevé la cagoule et avons entendu cet officier dire à Pavlichenko : “Oui, c’est ça”. Nous avons remis la cagoule à Gonchar. Pavlichenko est monté dans la voiture et nous sommes repartis.

La base militaire située à cinq kilomètres de Begoml était désaffectée. À cette époque, l’unité spéciale d’intervention rapide y était basée. Au début de la route, la jeep de Krasovsky a reculé et été abandonnée entre les arbres. Près du parcours du combattant, Gonchar et Krasovsky ont été mis côte à côte. La fosse était prête. C’était une tombe. À notre arrivée, j’ai vu Balkinin, Sergey Shkinderov et Yura Budko près de la fosse. Pavlichenko s’approche de moi, je lui donne le pistolet. Pavlichenko a tiré deux coups dans la région du cœur de Gonchar et deux coups dans la région du cœur de Krasovsky. Après le premier coup de feu, Gonchar a crié, car, apparemment, la balle n’a pas touché son cœur. Le deuxième coup l’a tué.

Nous avons fumé 10 à15 minutes, puis avons vérifié le pouls. Ils étaient morts. On les a déshabillés. Gonchar, sur son pied gauche ou droit, je ne me souviens pas, n’avait ni pouce ni index. Il avait une semelle orthopédique dans sa botte, probablement pour pouvoir marcher normalement. Ils ont mis leurs vêtements dans un grand sac qu’ils ont donné à Kozhevnikov. Ce dernier est allé directement sur la route, a aspergé le sac d’essence et l’a enflammé. Des gars sont arrivés, nous avons pris Gonchar et Krasovsky par les pieds et par les mains, d’autres par les jambes. J’ai pris Gonchar par la main gauche, Yura Borodach l’a pris avec moi. Pankov tenait les pieds. Nous les avons jetés dans la fosse, le premier Gonchar, le second Krasovsky. La fosse était assez profonde, de quatre à cinq mètres. Nous les avons enterrés en 40 minutes. J’ai aussi jeté les chaussures de Gonchar et de Krasovsky dans la fosse, car elles brûlent lentement. Nous avons enterré les corps et brûlé les affaires. Le lendemain, la jeep Krasovsky a été écrasée avec un engin blindé et enterrée. Trois jours plus tard, Pavlichenko est arrivé et a dit : “Voilà pour Gonchar et Krasovsky”. Il nous a donné mille dollars à chacun de nous. »

Après les assassinats, Garavsky a posé à Pavlichenko une question : « Pourquoi ont-ils été liquidés ? » Pavlichenko a répondu : « Il avait des preuves compromettantes à 100 % capables de faire perdre à Loukachenko le pouvoir. En haut, on a dit qu’il fallait les supprimer. » Anatoly Krasovsky, apparemment, s’est retrouvé au mauvais moment au mauvais endroit. Gonchar allait toujours avec certains de ses amis au bain.

À l’automne 2000, le chef de la police criminelle du ministère des Affaires intérieures du Bélarus, Nikolai Lopatik, a rédigé un rapport au ministre de l’Intérieur de l’époque, Vladimir Naumov. Selon lui, Viktor Sheiman, alors secrétaire du Conseil de sécurité, a ordonné à Dmitry Pavlichenko de liquider physiquement Yuri Zakharenko. À cette fin, Yuri Sivakov (ministre de l’Intérieur en 1999) a ordonné au chef du centre de détention provisoire n° 1 de Minsk, où les condamnations à mort étaient exécutées, de délivrer à Pavlichenko une arme à feu « par balle ». Le 8 mai, l’arme a été rendue.

En novembre 2000, le procureur général de Biélorusse, Oleg Bozhelko, a ordonné l’arrestation de Dmitry Pavlichenko. Quelques jours plus tard, Pavlichenko était de nouveau à son poste dans l’unité numéro 3214, joyeux et heureux. Bozhelko est parti en retraite. Il reste silencieux depuis lors. Viktor Sheiman, celui qui, selon le rapport du chef de la police criminelle, a donné directement l’ordre de tuer, a été nommé procureur par Alexandre Lukashenko. Sheiman a occupé ce poste pendant quatre ans. Soit dit en passant, il n’a jamais obtenu de diplôme en droit.

Yuri Garavsky était avec Dmitry Pavlichenko lorsqu’ils ont été arrêtés en novembre 2000 : « Ça s’est passé ainsi : Pavlichenko, moi et le chauffeur nous roulions, je ne me rappelle plus où. Pavlichenko et moi avons été arrêtés. Le chauffeur a été relâché. J’ai été harcelé cinq ou six heures sans pouvoir boire, ni à fumer, ni aller aux toilettes. J’ai dit que j’avais un commandant à qui il fallait poser toutes les questions. J’ai été libéré un jour plus tard. Pavlichenko, trois jours plus tard dans la soirée. Il m’a appelé, m’a dit de me rendre à l’actuel “President Hotel”, à l’arrière de l’administration présidentielle. Notre voiture se tenait là. Pavlichenko est allé à l’administration avec des officiers du KGB. Au bout de 30 à 40 minutes, il est ressorti avec un dossier. Il m’a fait signe de la main. Nous sommes montés dans la voiture et sommes allés à la base.

Le dossier était une affaire pénale contre Pavlichenko. Ensuite, nous sommes arrivés à la base et avons brûlé tous ces documents dans un seau métallique. Et puis il a repris ses fonctions comme si rien ne s’était produit.

En 2003, Yuri Garavsky a démissionné de l’unité spéciale d’intervention rapide. Il s’est mis à assembler des meubles. En 2007, il a eu un accident, a été grièvement blessé. Pendant trois ans, il s’est déplacé difficilement. Il dit que Pavlichenko l’a aidé à acquérir des médicaments coûteux. Après son licenciement, Garavsky s’est rendu chaque année aux fêtes de l’unité spéciale d’intervention rapide. Il a maintenu des contacts avec Pavlichenko. Et en 2018, il est parti pour l’Europe. Dans une interview, il dit qu’il a demandé l’asile politique dans un pays européen et attend maintenant une décision. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait gardé le silence pendant tant d’années, Garavsky a répondu : “Il y a environ deux ans, sous une adresse e-mail, après avoir caché toutes mes coordonnées, j’ai écrit au site Web de l’opposition ‘Charter 97’ : ‘Bonjour, je suis tel. Je veux vous dire ce que je sais sur Zakharenko, Gonchar et Krasovsky.’ Ils m’ont répondu : ‘Rencontrons-nous !’ Le lendemain, Pavlichenko m’appelle et me dit : ‘Ne va pas là-bas, car ils t’emprisonneront’.

Ici, un problème a surgi. En 2011, les rédacteurs de la ‘Charte 97’ sont partis à l’étranger après le saccage de leur bureau et l’arrestation de la rédactrice en chef Natalia Radina. Ils sont à présent à Varsovie. Et si Garavsky s’apprêtait à rencontrer la rédaction de Varsovie, pourquoi a-t-il écrit un e-mail de Minsk ? Qu’il parte et qu’il écrive d'un café internet. Mais il a écrit de Minsk. La lettre a été interceptée et ils n’ont pas arrêté Garavsky pour que le KGB éclaircisse la situation. Mais Pavlichenko l’a tout simplement appelé et lui a dit : ‘Ne va pas là-bas sinon ça ira mal pour toi’. On l’a laissé tranquille et même on l’a invité pour célébrer le 20e anniversaire de la fondation de l’unité spéciale d’intervention rapide et on lui a permis de partir à l’étranger. Cependant, si on cherche des incohérences, on en trouve toujours. En général, l’histoire de Garavsky est parfaitement cohérente avec ce que l’on sait depuis longtemps, et pas seulement grâce au travail de vingt ans des journalistes et des militants des droits de l’homme, mais aussi grâce aux histoires des agents évadés de Bélarus.

En 2001, avant l’élection présidentielle, une cassette vidéo a été distribuée, sur laquelle figurait un récit des anciens officiers du KGB. Ce sont eux qui ont indiqué l’endroit où Viktor Gonchar et Anatoly Krasovsky ont été abattus, et l’endroit où la jeep a été enterrée. Et quelques jours plus tard, le ministre de l’Intérieur Vladimir Naumov a annoncé qu’il invitait des journalistes à faire des fouilles. Ils ont équipé une caravane. Le ministre, avec ses collègues en photo, veillant à ce que la ‘photo’ soit spectaculaire, a creusé un trou. Bien sûr, ils n’ont rien trouvé. Les journalistes ont tout relaté, mais n’y ont pas cru. Avant les préparatifs du départ conjoint des forces de sécurité et des journalistes, il a été possible non seulement de cacher ou même de détruire la jeep écrasée, mais aussi de planter des rosiers et d’attendre qu’ils fleurissent.

Mais les lieux de la tuerie et des sépultures dont parle l’ancien membre de l’unité spéciale d’intervention rapide, Yuri Garavsky, la base de Volovshchina et la section spéciale avec des tombes numérotées dans le cimetière nord de Minsk, coïncident avec des informations déjà rendues publiques.

Pour la première fois, cette histoire n’est pas décrite par un témoin, par un agent ou un enquêteur, mais par un participant direct à ces enlèvements et assassinats.

Pour la première fois, les noms de toutes les personnes qui ont participé à la surveillance, à l’interception, à l’enlèvement et au meurtre de Yuri Zakharenko, Viktor Gonchar et Anatoly Krasovsky ont été révélés. Quant au commanditaire, tout était déjà clair sans les aveux de Garavsky.

Dans toute cette histoire, ce ne sont pas les détails monstrueux des tueries qui m’ont choqué, ni le calme avec lequel Garavsky raconte comment ils ont fumé quelques minutes après le meurtre près des cadavres afin de contrôler si la mort avait bien agit, ni l’absence de remord.

J’ai été choqué par les mille dollars donnés à chaque participant pour le meurtre de Gonchar et Krasovsky : une prime inattendue.

Pour Zakharenko, ils n’ont rien reçu. Ils ne comptaient pas sur quoi que ce soit, et pour un double meurtre, une belle prime s’est avérée. Autrement dit, ils ont tué pour un salaire payé par le budget. Cela signifie que nous tous, Biélorusses, nous sommes complices de ces tueries, parce que payées par le contribuable.

Irina Khalip, correspondante de Novaya Gazeta en Biélorussie. Article publié le 19 décembre 2019.

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