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Billet de blog 23 août 2018

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Une bombe nucléaire sur le Kiev fasciste ?

La menace d’employer l’arme nucléaire est fréquente dans les médias russes. Hier, Yevgeny Spitsyn, professeur et conseiller de la Douma d’État, a proposé de lancer une bombe nucléaire sur les fascistes de Kiev pour en finir après quatre années de guerre.

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"Emission 60" sur Rossia 1. © Russia Today

Le professeur Yevgeny Spitsyn est membre d’un Conseil d’experts du Comité de la Douma d’Etat, spécialiste de thèmes historique et de l’éducation nationale. En direct, dans une émission à grande écoute de propagande du Kremlin sur la chaîne « Russie 1 », il a tout d’abord reconnu (fait rare) que la Russie est depuis quatre ans en guerre avec l’Ukraine. Il a ensuite rajouté : « Pourquoi ne pas simplement laisser tomber une (petite) bombe nucléaire sur Kiev et détruire le régime fasciste ? » Ces déclarations ont été faites sur le plateau de télévision. Présentateurs et public ont souri. Ces propos font-ils sourire à Kiev ? On en doute.

Ces menaces sont récurrentes dans les grands médias russes. Elles banalisent la menace nucléaire. Elles sont réitérées régulièrement par la classe politique, y compris par Poutine. On se rappelle ses déclarations dans le téléfilm publié à l’occasion du premier anniversaire de l’annexion de la Crimée. Il a été une déclaration formelle de la nouvelle stratégie nucléaire russe que l’on appellera la « doctrine Poutine ». Elle peut être résumé ainsi : « Je brandis seul la menace nucléaire, quand et contre qui je veux ! » Cette conception personnelle de la dissuasion est fondamentalement opposée à la précédente qui autorisait son utilisation uniquement en cas de danger réel pour l’existence de l’État. La décision devait être prise par un triumvirat : le chef de l’État, le ministre de la Défense et le chef d’état-major. En 2014, Poutine a décidé tout seul de mettre ses forces nucléaires en état d’alerte contre l’Occident pour annexer un territoire étranger : la Crimée. La vie sur la planète Terre dépend du seul Poutine. « Dormez en paix, bonnes gens ! »

Dans le film « Ordre mondial 2018 », Poutine pose la question : « Avons-nous besoin d’un tel monde sans la Russie » ? Chacun a compris qu’il s’agit de la Russie sans Poutine. Poutine est prêt à utiliser l’arme nucléaire pour rester au pouvoir.

Ces menaces sont d’autant plus dangereuses que la Fédération de Russie est un pays acculé. Le recours à l’arme nucléaire est le leitmotiv d’une classe politique dirigeante aux abois. En situation désespérée, on a recours à des moyens désespérés. Le professeur Yevgeny Spitsyn nous propose une petite bombe pour mettre fin à quatre années de guerre avec l’Ukraine. Et il n’est pas le seul à nous proposer cette solution radicale. Maria Katasonova, assistante de Eugène Fedorov, député poutiniste de la Douma d’État, dans une vidéo avait démontré que le projet « Novorossia » de Poutine ne peut échouer, sinon nous détruirons la planète, dit-elle.   Parmi les multiples déclarations de ce genre, on se rappelle celle de Vladimir Jirinovsky. Ce dernier a affirmé en direct sur la même chaîne « Rossia 1 » qu’il faut brûler Paris et bombarder non pas seulement Berlin, mais toute l’Allemagne.

En 2017, 604 personnes ont été condamnées pour extrémisme en Russie soit quatre fois plus qu’en 2011. Le « Centre de lutte contre l’extrémisme », zélé avec l’opposition, n’a engagé aucune poursuite contre les terroristes nucléaires. Ces derniers ont accès aux grands médias. Leur discours menaçant est utile au pouvoir. Il permet de rassurer un auditoire national. La Russie serait invincible. Ses dirigeants peuvent tout se permettre, car ils ont la possibilité de détruire la planète en dernier recours. Le peuple est sécurisé.

Hélas, l’arme nucléaire n’a pas empêché l’URSS de perdre la Première Guerre froide, ou troisième guerre mondiale. L’Union indestructible, selon son hymne, s’est disloquée. L’actuelle Fédération de Russie pourrait bien subir le même sort. À l’avenir, qui contrôlera les arsenaux russes ? L’éminent professeur et conseiller actuel de la Douma d’Etat, Yevgeny Spitsyn, le député Vladimir Jirinovsky, Maria Katasonova, ou un Vladimir Poutine qui aurait perdu la tête, si cela n’est pas encore fait.

La dissémination des armements russes est un fait déjà démontré par le missile « Buk » qui a abattu en Ukraine un Boeing civil à 10.000 mètres d’altitude et tué 289 personnes, ou par l’arme chimique russe « Novitchok » utilisée en Grande-Bretagne contre le transfuge du GRU Serguey Skripal.

Les médias occidentaux ont tort de ne pas nous rapporter ces menaces tonitruantes. Elles nous concernent. Nos politiques ont tort de faire semblant de ne pas les entendre. Laissera-t-on la situation pourrir, comme en Syrie, jusqu’au feu d’artifice final ?

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