Les plus mordantes critiques adressées à Vladimir Poutine sont celles nationalistes. Ils le traitent d’anti-nationaliste. Des nationalistes, des vrais, il en est de tous les bords en Russie. Certains sont des pro-Maïdan, d’autres des anti-Maïdan. Igor Grikin est le premier parmi ces derniers.
Igor Grikin, alias Igor Strelkov est colonel de réserve du FSB. Il porte bien son nom de guerre puisque Strelok signifie « tireur ». Au printemps 2014, Igor Girkin a démissionné officiellement du FSB pour aller mettre le Donbass à feu et à sang. C’est lui qui a tiré les premiers coups de feu qui ont embrasé la région. Il a été ministre de la Défense de la république autoproclamée du Donetsk. Il est impliqué dans la destruction du Boeing malaisien qui a provoqué la mort de 289 passagers. Ce personnage devra rendre un jour des comptes à la justice.
L’ancien militaire a participé en tant que volontaire aux combats en Transnistrie, puis en Bosnie en 1992 et 1993 dans un régiment de volontaires russes. Il a fait les deux guerres de Tchétchénie. Aujourd’hui, Igor Strelkov vit en Russie. Il critique violemment Poutine pour sa retenue dans la guerre contre les Khokhols. Terme péjoratif utilisé par les grands Russes pour désigner les Ukrainiens. Nous écouterons Igor Girkin, agent du FSB et expert militaire, avec la plus grande attention.
Il est interrogé par Maxime Kalachnikov. De son vrai nom Vladimir Kucherenko, Maxime Kalachnikov est membre du parti des affaires opposé à Poutine. Pour ma part, il s’agit d’une vieille connaissance, puisque vers la fin des années 1990 j’avais lu ses ouvrages sur le complexe militaro-industriel soviétique : « L’épée brisée de l’Empire ». Maxime était le pistolet mitrailleur soviétique de la Deuxième Guerre mondiale. Maxime Kalachnikov était le surnom approprié pour écrire ces livres.
Igor Girkine affirme que le krach est proche et inévitable. L’on comprend qu’il est extrêmement douloureux de prononcer cette phrase pour cet homme qui a combattu aux marches de l’empire russe en déconfiture pour essayer d’en recoller les morceaux. Igor Girkine a fait la guerre contre l’Ukraine en vain pour reconquérir Novorossia, cette bande de terre qui va de Kharkov à Odessa. Il accuse Poutine de cette défaite. Après un démarrage sur les chapeaux de roues, la faute de Poutine aurait été d’avoir fait preuve de retenue. Selon Girkin, cela aurait permis aux Occidentaux de passer à l’offensive et d’isoler les « séparatistes russes » abandonnés par Moscou dans leur enclave au Donbass. Poutine a été incapable de mettre fin à ce conflit, d’une manière ou d’une autre, et de désenclaver la Crimée en ouvrant un couloir terrestre au travers de Mariupol. Il est allé alors mettre son deuxième pied dans le piège syrien, sans dégager son premier de la nasse au Donbass.
Avec les moyens dispensés en Syrie, on aurait pu résoudre victorieusement la guerre en Ukraine, affirmé Girkine. À présent, on ne pourra gagner aucun des deux conflits, ni l’Ukrainien, ni le Syrien. Ce dernier est une série de victoires tactiques sur fond d’immense défaite stratégique. Rappelez-vous le concert dans l’amphithéâtre de la cité antique syrienne de Palmyre avec l’orchestre symphonique du théâtre Mariinsky sous la direction de Valeri Guerguiev. Palmyre a été ensuite repris par les islamistes. Poutine a annoncé deux fois qu’il quittait la Syrie. Il y est toujours.
La Russie n’a plus un seul allié, sauf l’Iran Chiite, face au monde sunnite coalisé contre elle et Assad. La totalité des musulmans russes est sunnite.
Girkine met à jour le fiasco de la diplomatie russe qui devait rallier l’Arabie saoudite, la Jordanie et le Qatar. Selon ses informations, ces pays se coalisent. Sous la protection des Occidentaux et d’Israël, ils s’apprêtent à envoyer un contingent en Syrie contre Assad. La défaite d’Assad et des Russes est inéluctable. La déroute sera sur tous les fronts, ukrainien et syrien.
Selon Igor Girkin, l’incompétence des dirigeants russes est responsable des échecs subis sur les plans extérieur et intérieur. Voici des exemples : on a voulu isoler à coup de hache la messagerie Telegram du net russe. Résultat : on a endommagé le fonctionnement de l’internet russe sans couper Telegram. La crise des « ordures » accumulées à la périphérie des villes paraît insoluble. La fréquence précipitée des infortunes successives rappelle la dégradation de l’URSS et Tchernobyl. On se croirait en 1990, affirment les deux nationalistes.
Il doit y avoir une « Pérestroïka n° 2 » selon Maxime Kalachnikov.
Ces personnes sont sincères dans leurs sentiments, fût-il néo-impérial. Elles sont compétentes dans leur domaine. Écoutons leur analyse !