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Billet de blog 28 avril 2020

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Liberté pour Daria Polyudova.

Daria Polyudova a déjà effectué deux ans de prison pour son action contre la guerre de Poutine en Ukraine et pour avoir demandé que les régions russes puissent se prononcer sur leur statut par référendum. Elle a été de nouveau emprisonnée pour les mêmes raisons et pour une publication totalement pacifique sur internet.

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Illustration 1
Darya Polyudova © grani.org

Polyudova Daria est née en1989. Elle habite à Moscou. Elle dirige le groupe d’opposition « Résistance de gauche ». Accusée de séparatisme et d’extrémisme, elle a été emprisonnée pour des raisons politiques une première fois de 2015 à 2017.

 Le 31 janvier 2019, de 19 à 20 heures, Daria Polyudova a fait un piquet de protestation au centre de Moscou. Elle tenait une affiche : « Îles Kouriles ! Arrêtez de nourrir Moscou ! Vive la République d’Extrême-Orient ! ». Cette action a été diffusée en direct par « Gradus-TV ».

Elle a été accusée « d’avoir appelé les habitants des îles Kouriles et de Sakhaline à se prononcer par référendum pour faire sécession avec la Fédération de Russie et créer un État indépendant ». C’est-à-dire que Poutine interdit en Russie ce qu’il a soutenu et organisé lui-même en Crimée ukrainienne : les référendums.

Illustration 2
Îles Kouriles ! Arrêtez de nourrir Moscou ! Vive la République d’Extrême-Orient ! © VK Daria Polyudova

Selon les experts des services de sécurité russes, FSB, en date du 12 août 2019, le texte de l’affiche et la déclaration de Polyudova contiennent une combinaison de signes psychologiques et linguistiques qui incitent (sous la forme d’un appel) les résidents des îles Kouriles et de Sakhaline à faire sécession, à former un État indépendant, la République d’Extrême-Orient. Ils y ont vu également une combinaison d’indices qui projette la dislocation de la Fédération de Russie et la transmission d’un certain nombre de territoires à des États étrangers (violation de l’intégrité territoriale de la Fédération de Russie), provoquant ainsi l’effondrement de la Fédération de Russie, de ses eaux territoriales et de son espace aérien.

Illustration 3
Free Oural © VK Andrey Romanov

Selon l’enquête, cela constitue un crime au sens de l’art. 280.1 du Code pénal russe : « Appels publics à la violation de l’intégrité territoriale de la Fédération de Russie ».

 Deux semaines plus tard, le 14 février, Daria Polyudova a republié un message sur VKontakt du régionaliste et émigré politique russe, Andrei Romanov. Ce billet comportait une photo et une citation du Tchéchéne Shamil Basayev : « Lorsque nous (les Tchétchènes) avons demandé un référendum, les Russes sont venus et ont tué tous ceux qui n’ont pas eu le temps de se cacher ». Romanov y exprime l’idée que sa région, l’Oural, et d’autres républiques de la Fédération de Russie, se séparera de Moscou. Les régions ont besoin de personnalités comme les grands fils du peuple tchétchène, Dzhokhar Dudaev, Shamil Basaev et Aslan Maskhadov. Selon Andrei Romanov, les habitants de l’Oural doivent, pour obtenir leur indépendance, apprendre à lutter contre les Moscovites, car la Moscovie s’y opposera.

 L’enquêteur estime que Polyudova a fait ainsi une publication « qui légitime les activités des terroristes des leaders tchétchènes Basayev et Maskhadov en faisant une déclaration publique qui innocente l’idéologie et la pratique du terrorisme, etc. »

Selon les conclusions de l’expert du FSB, auprès du ministère de la Justice de Russie, ces textes contiennent une combinaison de signes psychologiques et linguistiques qui justifient le terrorisme et suscitent des actions similaires à celles commises par Basayev et Maskhadov pendant leur lutte armée pour soustraire la République tchétchène à la Fédération de Russie.

13 janvier 2020, le service d’enquête du FSB a ouvert une affaire judiciaire contre Daria Polyudova.

Le 15 janvier 2020, Daria Polyudova a été arrêtée. Des perquisitions ont eu lieu chez à son domicile et à celui de la journaliste Olga Sapronova de Gradus.TV. Kirill Kotov, camarade de Polyudova au mouvement « Résistance de gauche », a été arrêté et interrogé. Kotov et Sapronova ont été libérés et contraints de signer des engagements de non-divulgation.  

 Le 16 janvier 2020, un juge de Moscou, Anna Sokova, a accédé à la demande de l’enquêteur et ordonné l’emprisonnement de Daria Polioudova jusqu’au 13 mars 2020. Le 10 mars, le même tribunal a prolongé l’arrestation jusqu’au 13 juin 2020. 

 En 2014, Daria Polyudova avait été arrêtée deux jours avant la « Marche pour la fédéralisation du Kouban » à Krasnodar (la manifestation était prévue dans le cadre d’une action contre la guerre avec l’Ukraine). En décembre 2015, elle a été condamnée à deux ans de prison en vertu d’articles réprimant l’appel public à l’extrémisme, au séparatisme via Internet. L’Union de solidarité avec les prisonniers politiques et le Centre des droits de l’Homme « Memorial » avait reconnu la militante pacifiste prisonnière politique. Polyudova a été libérée après avoir purgé sa peine en octobre 2017. 

 Motifs de reconnaissance d’un prisonnier politique :

Illustration 4
La Russie en 2025 © Darya Polyudova

Selon les associations des droits de l’homme, l’État ne peut pas criminaliser le séparatisme en l’associant sans raisons à la propagande d’actions violentes. Daria Polyudova avec son affiche et dans son interview n’a pas appelé les habitants des îles Kouriles à la lutte armée pour l’indépendance. Elle a exprimé son opinion, qui est fondée sur le fait que les résidents des îles Kouriles, ainsi que d’autres territoires, ont le droit de décider eux-mêmes, par référendum, de faire partie d’un État ou d’avoir leur propre État. La criminalisation des appels à un référendum contredit les principes fondamentaux de l’État russe et de sa Constitution du pays. Dans le préambule de cette dernière, il est dit que les fondements démocratiques de l’État sont inébranlables. L’article 3 stipule que « le détenteur de la souveraineté et la seule source de pouvoir dans la Fédération de Russie sont son peuple multinational.   Il est la plus haute expression directe du pouvoir exprimé par référendum et élections libres. »  

 En avril 2019, Daria Polyudova a été reconnue prisonnière politique par l’Union de solidarité avec les prisonniers politiques et Memorial. Daria Polioudova n’a proposé aucune action violente pour mettre en œuvre un référendum dans les îles Kouriles. Son article du 28 janvier 2019 à propos de « la dislocation » de la Russie en plusieurs États ne contient aucun appel ou approbation de la violence.

    Daria Polyudova est poursuivie pour ses critiques envers les dirigeants russes. Elle s’est activement opposée à la guerre contre l’Ukraine, à l’annexion de la Crimée et à la répression politique. Daria Polyudova est une prisonnière politique en raison du fait que son emprisonnement est conséquent uniquement de ses convictions politiques exprimées d’une manière non violente.

 Liens vers des publications dans les médias :

Polyudova a été arrêté pour un piquet et des messages sur VKontakte

La militante Daria Polyudova a été accusée d'appels au séparatisme en raison d'un piquet solitaire 

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