(Article publié dans la Novaïa Gazeta le 23 mars 2015)
La capitale est le meilleur endroit pour observer la crise.
« Locaux à louer ». Ceci est l’annonce la plus fréquente visible sur les vitrines de magasins et immeubles de bureaux à Moscou. Les Russes ont ressenti une baisse de salaire de 10% sur un an. En février, le chiffre d'affaires du commerce de détail a diminué de 7,7%. L'industrie hôtelière et du divertissement ne vont pas mieux. La «Novaïa Gazeta» a décidé d’étudier quels commerces se sont récemment fermés dans la capitale et quel est le climat actuellement sur le marché de l'immobilier à usage commercial.
Le marché de l'habillement en Russie, secteur dont la marchandise est importée à 80%, a réagi nerveusement à l'effondrement du rouble, décembre 2014. En novembre, tous les grands médias nationaux ont signalé la fermeture du magasin de mode Zara sur la rue Tverskaya, au coeur de la capitale. Depuis lors, plusieurs autres sociétés européennes ont annoncé leur retrait complet du marché russe, parmi eux : Esprit, OVS, River Island, New Look, Seppala, Gerry Weber et d'autres.
Les autres marques ont été contraintes de reporter l’approvisionnement de leurs nouvelles collections à plus tard : Inditex , Zara, Massimo Dutti, Pull and Bear, Oysho, Bershka entr’autres, ainsi que les sociétes du Groupe BNS : Calvin Klein, Armani Jeans, Michael Kors et TopShop. Certaines autres sociétés ont réduit leur représentation en Russie, ont renoncé ou modifié leurs projets de développement futur. Par exemple, "Sportmaster», Adidas et Reebok ouvriront en 2015 deux fois moins de magasins que prévu. Le prix des vêtements importés a doublé en moyenne .
En février, la société Fashion Consulting Group (FCG) a indiqué qu'environ 75% des Moscovites envisagent de dépenser moins lors de leur shopping, et sur tous leurs achats, en général, en 2015. En outre, environ la même proportion d’habitants de la capitale a l’intention de s’orienter vers des produits nationaux , à condition que leur prix soit inférieur. Quoi qu'il en soit, tous témoignent du fait qu'en 2015, le commerce de mode de détail en Russie souffrira d’une baisse considérable de recette.
Néanmoins, l'industrie de la mode n’est pas la plus touchée par la récession. Au début de février, le président de la Fédération des Restaurateurs et Hôteliers de la Russie Igor Bukharov a déclaré que selon ses estimations, le marché de la restauration à Moscou a chuté de 8% depuis le début décembre, rayant de la carte près de 900 restaurants. La compression du marché va se poursuivre selon les experts, et ce sont 30% des restaurants qui pourraient se fermer ou être contraints de se réorganiser pour survivre .
Ce sont des établissements les plus divers qui ferment : du fast-food américain Wendy au restaurant de haut de gamme "Zolotoy" sur l'avenue Koutouzov. Le magazine "Afficha"dédie son dernier numéro à la restauration à faible coût qui permet de déjeuner pour 7$ maximum. Il indique les meilleurs endroits de la ville où l’on peut trouver des sandwichs dont les ingrédients épicés ne sont pas soumis à embargo.
En position suivante, pour les établissements fermés sont les boîtes de nuit. L'an dernier, bien que très prisées, trois d’entre’elles ont été fermées: Gipsy, «Armagh» et «Salsola". Au total, selon la compagnie 2GIS qui publie le bottin électronique de la capitale, de novembre à mars ont été ouverts 20 clubs et 34 ont été fermés, diminuant ainsi de 14 leur nombre total qui en comportait 250. À présent, on tend à organiser des soirées ponctuellement dans des locaux loués spécialement pour l’occasion.
Quête de clientèle.
Toutes ces péripéties ne pouvaient aucunement ne pas influer sur le marché de l'immobilier commercial de la capitale. La première tendance est une diminution des tarifs de location dans tous les secteurs : bureaux ou magasins de détail. À Moscou, par rapport à 2014, dans les centres commerciaux, le prix de location est en moyenne de 20% moins cher, mais si vous pouvez attendre encore quelque peu, les tarifs en 2015 pourraient baisser encore de 10 à 30%, en fonction du scénario macroéconomique.
« En conséquence, en 2015 de grandes entreprises pourraient décider de déménager leur siège à moindres frais vers des endroits plus prestigieux », dit Maxim Palta, consultant senior de CBRE, la plus grande société d'études de marché.
En outre, l'année dernière a été marquée par la mise en service d’importantes surfaces commerciales nouvelles à Moscou. Dans ces conditions, les propriétaires de locaux sont contraints de faire toutes sortes de concessions, pour attirer des clients. « Il s’ouvre donc aux locataires des opportunités considérables pour obtenir des réductions des frais de location » affirme Oles Dziuba, chef adjoint de la recherche à JLL.
La plupart des locataires, en particulier dans les nouveaux centres commerciaux, insistent pour une révision des conditions commerciales, exigeant qu’on leur donne des réductions pouvant atteindre de 15 à 20%. Ils demandent également une fixation du cours du dollar de l'ordre de 40 à 45 roubles pour un dollar, explique Maxim Palthi. Le prix du contrat étant établi en dollar fixe et sous-coté par rapport au change officiel. Dans les locaux neufs, on opte souvent pour un système de «pourcentage des ventes » dans lequel le prix de location est fonction des ventes. La situation est particulière dans le commerce de détail, où aujourd'hui la majorité des propriétaires est prête à déterminer le prix du bail en rouble. Le propriétaire prend alors sur lui le risque de perte de change. Rappelons qu’en décembre 2014, le rouble a perdu la moitié de sa valeur.
Les propriétaires de biens immobiliers à usage commercial sont contraints de marchander, les statistiques le démontrent. Selon les estimations de CBRE, à Moscou, la vacance des surfaces dans les centres commerciaux depuis le début de 2014 a plus que triplé, passant de 2,6% à 8% aujourd'hui. Cela est dû non seulement à la diminution de la vente au détail, mais aussi à l’offre nouvelle d'un nombre record de surfaces à usage commercial, soit environ 600 000 mètres carrés. Au début de 2015, probablement par inertie, 200 000 mètres carrés ont été livrés. Cela peut conduire à une augmentation de 11% de locaux vacants dans les centres commerciaux en 2015. Le rythme de la construction de nouveaux centres commerciaux en 2016 et2017 sera réduit de moitié environ.
La quantité de surfaces libres destinées à recevoir des commerces de détail a augmenté. Elle dépasse actuellement 9% en ville. Selon les prévisions de CBRE, à la fin de l'année, ce chiffre est susceptible d'être de l'ordre de 12 à 15%, ensuite il se stabilisera.
« La part des locaux vacants dans rues prestigieuses de Moscou, comme Stoleshnikov ou Petrovka, n’augmentera pas de manière significative. Les magasins de marques de luxe y resteront afin de conserver leur clientèle. Les propriétaires sont prêts à faire des concessions pour y maintenir des locataires connus et fiables. Les rues de restaurants, comme Pyatnitskaya, Maroseyka ou Pokrovka, conserveront leurs locataires » rassure Oles Dziuba de JLL.
Restructuration
Une situation intéressante est apparue sur le marché de la location de bureaux à Moscou. L'année dernière, 1,4 million de mètres carrés de bureaux ont été commandés. Moscou n’a pas connu ces chiffres depuis 2009. Dans le même temps, le volume des transactions a connu un record faible (700 000 mètres carrés), provoquant un retour à l'index de 2003 et tirant les prix de location de 20% vers le bas. La baisse des prix se poursuivra dans la première moitié de 2015 et pourrait atteindre 30%, suppose Maxim Palti. La vacance de bureaux atteindra des valeurs maximales identiques à la dernière crise, soit de 19 à20%. Le volume des transactions restera le même, mais les trois années suivantes, l’offre pourra se réduire de deux trois fois.
Bien sûr, la rue Tverskaya dans un proche avenir ne se videra pas, mais, sans aucun doute, une baisse à long terme des prix de location de tout l'immobilier à usage commercial est à attendre dans notre ville. Elle sera couplée à une augmentation du nombre de locaux non occupés.
Les grands propriétaires ont commencé à perdre leurs plus gros clients. Ils ont été contraints de fermer des sites déficitaires. Beaucoup cherchent à réorienter de leur activité.Ils sont prêts à faire des concessions à leurs clients fiables et réguliers.
Auteur : Arnold Khatchaturov.
Nota : à Moscou, la baisse de l’activité économique est évidente au simple visiteur : disparition de la publicité, réduction de la circulation automobile, diminution de la fréquentation des commerces, grogne des commerçants. Cette étude, de Monsieur Arnold Khatchaturov, confirme ces impressions. Elle n’examine pas les bouleversements survenus dans le commerce de l’alimentaire dont les conséquences sont beaucoup plus sensibles pour la population. БорисБорись