Les événements de la place Maydan à Kiev augurent de profonds changements en perspective. Le ras de marée, commencé en 1989, lors de la chute du mur de Berlin, continue de se déplacer vers l’Est. Les drapeaux de l’Union européenne brandis à Kiev par les manifestants semblent témoigner de l’attrait irrésistible de celle-ci. Est-il possible de comprendre cet événement ponctuel, sans vue d’ensemble ? Semblable à ces poupées russes appelées "Matriochka", le démontage de l’ex-URSS se prolonge aujourd’hui avec l’éloignement de l’Ukraine de la Fédération de Russie. Un déshabillage successif au profit de l’UE qui ne cesse de s’étendre. Le plus grand empire de tous les temps n’a pas été celui de Gengis-Khan, mais celui de Staline. Il englobait les pays communistes et pays ayant pris une option socialiste sur quatre continents. Une vaste décomposition s'en est suivie. Elle se poursuit ce jour. Pour une bouteille de vodka, Eltsine a abandonné l’Europe centrale. Il semble que lui et son entourage ne se soient jamais posé une question simple : quand cette retraite s’arrêtera-t-elle? Et surtout, qu’elle en est la cause ? Ce n’est pas la première fois que dans l’histoire des empires disparaissent. Ils ont tous fini ainsi. Aucune force n’a pu empêcher leur effondrement. Au contraire, la violence ne fait que rendre plus douloureuses les séparations. Elle exacerbe les haines, compliquant la coopération inévitable entre les nouvelles entités qui apparaîtront. Réjouissons nous qu’il n’en ait pas été ainsi. Une exception : le divorce yougoslave et ses dizaines de milliers de morts. Mais la Fédération de Russie connaîtra-t-elle le même destin si tragique? On peut se poser la question. Le démontage de la Fédération de Russie sera-t-il la prochaine étape de ce vaste jeu de domino. Les peuples ayant un jour dominé les autres sont convaincus qu’ils ont une vocation missionnaire. Le peuple Français est un de ceux-ci. Le Russe aussi. Plutôt, celui qui s’est appelé Grand Russe ayant pour capitale Moscou. Différentes théories affichent cette primauté et malgré leurs divergences et oppositions parfois violentes, elles se réunissent néanmoins autour d'une bannière néo-impériale. Tout Grand Russe sera sensible à l’une d’elles au moins, et des réactions sentimentales irrationnelles seront d’autant plus fortes que les édifices de l’ex-empire crouleront au plus près du sanctuaire. Le basculement prochain de l’Ukraine vers l’Ouest bouleverse tant de conceptions qu’il est un tremblement de terre pour tous.Tout d’abord, examinons les différentes théories qui assurent la suprématie de la capitale Moscou. En 1453, Constantinople, la deuxième Rome chute. Les peuples slaves, chrétiens orientaux tombent sous le joug ottoman. Moscou, qui reste la seule capitale orthodoxe libre, est rehaussée par le mariage de Ivan III avec la nièce du dernier empereur byzantin, Sophia Paleolog. IVAN III prendra le titre de Tsar. Moscou deviendra la troisième Jérusalem, la deuxième Byzance et la troisième Rome. Dernièrement, la reconstruction du temple « Le Christ sauveur » affirme qu’ici est le centre de l’orthodoxie. C’est par Moscou que les peuples chrétiens orthodoxes ont été libérés au XIX siècle et les peuples slaves au XX siècle. Moscou est le centre du panslavisme dont la culture et la langue auraient été épargnées des occidentalismes en raison de son éloignement géographique. L’aspect impérial de Moscou a été confirmé par la période communiste, ville de l’Internationale communiste et du Kommintern. Blancs et rouges sont d’accord sur le caractère missionnaire de la ville et de son peuple. L’hymne et les chants de l’époque soviétique l’affirment. On n’est trahi que par ses amis. Les peuples slaves pro-occidentaux, Polonais en premier lieu, qui ont adhéré à l’alliance militaire occidentale l’OTAN, sont considérés comme des traîtres. L’Ukraine était déjà un sujet de division religieuse avec Moscou. Tout d'abord, l’UNIA de rite romain et plus tard l’apparition du patriarcat de Kiev diffère de celui de Moscou. La division SS Galitchina dans les Carpates exprimait le rejet des Mascales, terme péjoratif pour désigner le Grand Russe encore aujourd'hui. Cette répulsion avait permis aux nazis de recruter des supplétifs également dans les Pays baltes, aujourd'hui membres de l’UE et de l’OTAN. Les vieux démons anti-russes se sont réveillés. Les deux grandes idées philosophiques qui divisaient la Russie au XIX siècle sont le slavophilisme et l’occidentalisme. Le slavophilisme russe est fondé sur le concept de « génie de la Russie ». L’occidentalisme est la conviction de l'infériorité de la Russie par rapport à l'Europe occidentale. Le drapeau de l’UE hissé à Kiev démontre la force de cette dernière. Mais aujourd'hui, il conviendrait plutôt de parler de russophobie, de son caractère massif qui n’affecte non pas seulement les peuples non slaves comme on pourrait le croire, mais les Russes eux-mêmes. Comment peut-on demander a des Ukrainiens de préférer la Russie alors que les filles de Poutin vivent en Allemagne, quand le Youri Lujkov, ex-maire de Moscou vit à Londres avec les milliards volés à Moscou, quand la femme de l’oligarque roman Abramovitch va accoucher aux USA, alors qu’il a fait fortune en Russie, etc. Moralement, la Russie corrompue de Poutine est repoussante. Tout d’abord par la corruption de ces dirigeants, à commencer par Poutine lui-même dont la fortune est de 130 milliards de dollars selon le Sunday Times. La Russie abandonnée s’est transformée en appendice des pays industrialisés, chargée de leur livrer des matières premières, en premier lieu, énergétiques. Ces dernières représentent 70% de son export. Les fortunes retirées de ce commerce servent à faire vivre avec un luxe insolent une poignée oligarques qui n’investissent pas un kopeck dans la production nationale. Voir une voiture russe dans les rues de Moscou devient une rareté. Tous les foyers russes sont équipés d’électroménager importé. Aujourd’hui, même l’armement est importé, et la Russie a acheté des navires de guerre Mistral à la France et de l’acier allemand pour faire ses blindages, alors que l’acier russe a toujours été supérieur. C'est l'acier russe qui a gagné la dernière guerre contre l'Allemagne, dit-on. Le budget russe ne peut tenir avec un pétrole à moins de 120 $. L’extraction va chuter inexorablement. Hormis les produits pétroliers, il n’y aucun produit de remplacement pour financer le budget russe. Les oligarques Poutine en tête ont décidé de vivre comme des émirs. Mais la Russie n’est pas un émirat et son avenir ne peut se lier à celui d’une minorité d’égoïstes vivant de l’export d’un seul produit et ayant pour seul projet leur seul destin personnel. Ce sont les plus impitoyables, les plus égoïstes, les plus âpres à la lutte, les plus sournois qui survivent et dominent les autres dans ce monde de loups. Poutine est l'homme de cette Russie décadente actuelle. À l'image de Tamerlan lorsque sur cet espace euroasiatique les khans tatars s'entredéchiraient l'héritage de leurs pères. L'inexorable naufrage politique et économique de la Fédération de Russie entraînera 145 millions de personnes, dont 5 millions ont déjà disparu par manque de natalité. L’immigration est une solution personnelle que beaucoup ont déjà choisie, en particulier les cerveaux. La dispersion de l'intelligentsia précipite le naufrage intellectuel du pays. Si l’Ukraine lie son avenir à la Fédération de Russie, elle coulera avec elle. On sauvera la Russie actuelle à Moscou et non en Crimée où ailleurs, si cela reste encore possible. Moscou doit redevenir un centre attractif autour duquel les peuples se regrouperont pour construire leur avenir. Dans la négative, la dislocation de l'État se poursuivra. La Douma (parlement russe) a dernièrement adopté une loi punissant de prison les appels au séparatisme. L'expérience démontre que ce n'est pas par la répression que l'on empêche la sécession. Mais pourquoi donc, Moscou va-t-il débaucher les Russes d'Ukraine s'il ne veut pas que les Tchétchènes, les Adigues, les tatares, les Bachkires, les Tchouvaches, les Yakoutes, les Tchouktes, les Buriates et encore des dizaines d'autres peuples quittent la Fédération de Russie. Poutine a ouvert une boîte de pandore que personne ne pourra refermer.
Ce conflit interslave entre deux peuples de même confession chrétienne ayant la même histoire, est fratricide et hautement auto destructeur. Des millions d'Ukrainiens portent des noms russes en Ukraine et vice versa. Des millions ont un parent ukrainien et l'autre russe. Ils parlent les deux langues indifféremment.
Hélas, nous sommes revenus en 1938. Dantzig s'appelle aujourd'hui Sébastopol. Les minorités Sudètes de Tchécoslovaquie sont les Russes du Donbass. L'anschlüss ne se fait plus avec l'Autriche, mais avec la Crimée. L'aventurier Poutine à violé une règle sacrée qui garanti depuis 1945 la paix en Europe: "l'inviolabilité des frontières". Capable de pouvoir faire sauter la planète plusieurs fois, il a assujetti à son seul désir personnel la doctrine nucléaire qui prévalait tant en URSS qu’en Fédération de Russie jusqu’en 2013. À l’image de Tamerlan, parce qu’il est terrible, nucléaire et cruel il peut faire ce qu’il veut.
Voilà sa devise : « Mon terrorisme, c’est mon droit. »
Dictateur à vie, il n'a résolu aucun problème majeur qui accable cette Russie si attardée socialement. Comme dans l'Allemagne de 1933, il sait qu'il peut jouer avec le syndrome post-impérial qui sommeille dans la conscience de beaucoup de ces citoyens de l'empire outragé. Ce n'est pas le Grand Reich, mais la Grande Russie qu'il propose aux nostalgiques. En 1938, à Munich, nous avions cru avoir la paix, nous avons eu la honte et la guerre. Aujourd'hui, l'Europe doit s'unir pour la Paix!