Pierre Hivernat (avatar)

Pierre Hivernat

Directeur du magazine en ligne Alimentation Générale

Abonné·e de Mediapart

3 Billets

1 Éditions

Billet de blog 23 décembre 2010

Pierre Hivernat (avatar)

Pierre Hivernat

Directeur du magazine en ligne Alimentation Générale

Abonné·e de Mediapart

Le théâtre des cuisines

En ces temps où la cuisine est en phase d’hyper médiatisation, que les Top Chefs se disputent les Master Chefs et que la cuisine se fait en mode Loft ou Koh-Lanta, il n’est pas inutile de revenir à la réalité du phénomène.

Pierre Hivernat (avatar)

Pierre Hivernat

Directeur du magazine en ligne Alimentation Générale

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En ces temps où la cuisine est en phase d’hyper médiatisation, que les Top Chefs se disputent les Master Chefs et que la cuisine se fait en mode Loft ou Koh-Lanta, il n’est pas inutile de revenir à la réalité du phénomène.

La surface d’audimat assignée depuis un an à la cuisine s’avère inversement proportionnelle à la modestie de toute une nouvelle génération de créateurs qui embrassent cette discipline comme n’importe quel plasticien, chorégraphe ou écrivain, en auteurs qui ne pensent pas forcément Prime Time.

Fort heureusement, pour que le public puisse se concentrer sur l’extraordinaire mouvement en cours, les manifestations de qualité se multiplient. Des Goûts Uniques organisés en septembre dernier au Lieu Unique à Nantes en passant par le projet de François Delarozière (Royal de Luxe) associé au chef Alexandre Gauthier en mars prochain à la Scène nationale du Chanel à Calais, le monde des créateurs culinaires prend le large en s’échappant tout à la fois des restaurants et des éphémères tempêtes médiatiques.

Parmi les acteurs historiques de ce renouveau, figure l’incontournable Luc Dubanchet, fondateur d’Omnivore, site internet, Guide, et surtout festival majeur qui prépare sa sixième édition (du 20 au 22février 2011) et marque le rythme de l’internationale des chefs.

Lundi 20 décembre, à quelques jours des débordements de foie gras, Omnivore conviait au 104 à Paris, 180 spectateurs gourmands, à découvrir deux chefs venus du Danemark, nouvelle Mecque culinaire depuis que Noma dirigé par RenéRedzepi a été sacré par une majorité de critiques, meilleur restaurant dumonde. A ceux qui croiraient encore à une nouvelle tocade médiatique à grand renfort d’exotisme du grand nord, les chefs invités Thorsten Schmidt et Christian Puglizi, ont démontré définitivement que nous étions bien face à un mouvement, à un Ecole, au sens où l’on peut l’entendre dans l’histoire de l’art. Il existe aujourd’hui une véritable cuisine nordique qui a ses rois au Danemark, mai sessaime également en Suède, voire en Laponie, nous y reviendrons.

L’une des clefs pour comprendre ces créateurs est assez clairement le cahier des charges qu’ils se sont fixés et qui consiste à travailler la pénurie que leur environnement agricole est supposé produire. Thorsten Schmidt le précisait au104, quand il a ouvert son restaurant au milieu des bois à Aarhus, il disposait d’une dizaine d’herbes. Aujourd’hui, en cherchant bien tout ce qui peut être comestible, il dispose d’une palette de plus de 110 couleurs. Thorsten a fait une brillante démonstration de la contrainte comme moteur de sa créativité en produisant notamment un dessert d’anthologie.

Ayant travaillé comme bucheron, sa connaissance du bois est immense, biens sûr lesvariétés et l’écosystème qui va avec, mais aussi l’esthétique des saisons, les odeurs. De là à le cuisiner et à manger du bois pour appréhender une forêt, pur produit de l’imaginaire des papilles, il n’y a qu’un pas allègrement franchi au 104 avec une glace crémeuse au chêne fraichement coupé, noisettes et épicéa. Mais la recherche n’est pas toujours aussi brute et, intrigué par ces petites rondelles blanches irisées d’une couleur de bois, on demande au Chef des explications, il répond que le bois est parfois ailleurs. Ainsi, le jus laiteuxque produit la coupe d’un salsifis peut être utilisé pour le « masser ». L’effet d’oxydation qui s’en suit produit un goût de bois, plutôt du côté du liège. Pour accompagner ce plat, mon voisin suggérait un vin bouchonné et illustrait ainsi à merveille à quel point cette cuisine peut casser tous les codes.

Lacuisine de Thorsten Schmidt se goûte à Aarhus :

http://www.mallingschmidt.dk/

etcelle de Christian Puglizi à Copenhague :

http://restaurant-relae.dk/?page_id=182

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.