"Avec ou sans MITTAL, l'Etat investira dans Gandrange !". La clameur avait retentit dans la cathédrale de fer, l'espoir de voir enfin son travail reconnu au delà des intérêts financiers à court terme résonnait partout dans la vallée de l'Orne...
Tout un symbole pourtant :
Les caméras de télé pouvaient tendre leur objectif vers le ciel, pour voir le "Président des ouvriers" s'envoler en hélicoptère, comme s'envoleraient.... ses promesses :
Un an plus tard, 595 aciéristes seront licenciés. Pour eux, pas d'hélico, tout juste une bagnole à crédit qu'il faut revendre... parce qu'on ne tient plus les traites.
Alors je suis retourné en Lorraine... partager une pizza à Sérémange, au détour d'un déplacement professionnel avec Christian au chômage depuis 2009 qui travaillait pour un sous-traitant de l'aciérie, et Jean-Louis, le militant CGT reclassé au LCB (Laminoir Couronnes et Barres) de Gandrange... Il fait beau au soleil en terrasse, on parle fort, on est heureux de se retrouver "en chair et en os" au delà du réseau social qui ne fait pas de bruit derrière nos écrans... et amortit les émotions.
Jean-Louis c'est un pur et dur. C'est lui qui a monté le drapeau de la CGT en haut de la torchère à plus de trente mètres de haut il y a quelques années, que l'on voyait partout à des kilomètres dans la vallée... C'est aussi lui qui filtrait les politiques en mal de médiatisation au piquet de grève. "Personne ne rentre ici !"... "Qu'est-ce que tu viens f.... là toi ?"...
Un conseil : ne venez pas chauffer Jean-Louis,ancien champion de boxe junior...
Christian lui, est amer. Il parle politique. "Tu verras ici en 2012, les gens se serviront du Front National comme levier. Même si on n'aime pas le Front National, on ne va pas leur donner nos voix aux autres... C'est juste des nuls. Ils en ont rien à f.... de nous".
Comment lui, le fils d'immigré italien peut dire cela aujourd'hui... Je tente de lui expliquer qu'il faut résister à la facilité du defouloir... que la solution est européenne...qu'il faut exiger des politiques qu'ils organisent un sommet industriel européen avec les Ministres de l'Industrie concernés, partout où Mittal a des usines...
Pour moi Sarkozy à Gandrange a fait la démonstration de son impuissance. Des promesses non tenues en 2008 mais aussi en 2009 s'agissant du plan de revitalisation, et aujourd'hui un silence assourdissant matérialisé par la réponse de son chef de cabinet à la lettre collectivement rédigée par les élus locaux, régionaux et nationaux.
En fermant le P6 de Florange, on condamne le projet ULCOS, où les ingénieurs lorrains avaient développé le procédé de captation du CO2 dans la fabrication de l'acier de l'avenir... On casse l'intelligence, avant même qu'elle ne fasse ses preuves !
Impuissance des pouvoirs publics face à une gestion spéculative à court terme contraire à une vision de long terme qu'exige l'industrie lourde en général, et sidérurgique en particulier :
Fermer un haut fourneau, mettre au chômage partiel des gars pour faire faire des heures supplémentaires à d'autres à Fos ou à Dunkerque, c'est non seulement une "connerie industrielle" (car le choc thermique au redémarrage du haut fourneau l'endommage), mais c'est aussi pénaliser au delà des salariés, le contribuable français qui paye le chômage partiel.
La solution est européenne. Mais l'Europe n'existe pas. Je veux dire celle d'un Ministre de l'Industrie qui aurait la capacité de peser et pénaliser MITTAL au jeu des pressions compétitives intra-groupe, entre plusieurs sites industriels du même groupe. Il faut raisonner de façon mutualisée sur le territoire européen. MITTAL joue sur du velours, comme les spéculateurs financiers sur les dettes souveraines...
Qui a la solution ? Comment nous, citoyens allemands, belges, espagnols, luxembourgeois, français, (et au-delà partout ailleurs en Europe) pouvons nous nous faire entendre sur l'urgence qu'il y a à fixer des règles économiques et sociales dans le cadre d'une politique industrielle et à les faire respecter ?
Il n'y a plus de politique industrielle en France, parce que le seul cadre national est dépassé. Au risque de provoquer, je dirai qu'il n'est plus adapté, BESSON ne sert à rien !
En fermant le P6 de Florange ce 4 Octobre 2011, symboliquement MITTAL nous envoie un faire part du décès de la politique industrielle française pour la Sidérurgie.
C'était le 4 Février 2008, le jeune marié Président venait sur le ton de la confidence hypermédiatisée, conclure son discours devant les aciéristes de Gandrange :
"Et Gandrange, comme voyage de noces, y'a pas mieux..."
Le "noceur" de 2008, futur papa attend un heureux évènement dont bien peu en Lorraine se préoccupent ! Ce sont aux gamins de la vallée de la Fensch et de l'Orne que nous pensons aujourd'hui...
Envoyons lui donc les "dragées de la colère" accompagnées du faire part du décès de la politique industrielle française.