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Billet de blog 6 février 2025

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Qu'est-ce qu'un citoyen en 2025 ?

Curieusement, lorsqu'on s'intéresse en détail de près à l'affaire Boulin, dont les derniers rebondissements confirment une nouvelle fois encore des dysfonctionnements de nos institutions, on peut en venir à se poser une question très large sur le fond : qu'est-ce qu'un citoyen en 2025 ?

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Qu'est-ce qu'un citoyen en 2025 ?

C'est une question qui transcende le temps et les événements de ces quarante cinq dernières années, mais qui trouve tout son sens dans un contexte où la confiance en nos institutions s’effrite comme un vieux bâtiment sous les coups de la tempête...

Cette affaire, emblématique, n'est qu’un fil rouge depuis octobre 1979 jusqu’à nos jours au milieu de nombreux autres scandales politico-financiers qui secouent notre pays. Les affaires des frégates de Taïwan, d'Elf, de Karachi et de Benalla entre autres sans parler de l'affaire du financement de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy évoquent une réalité où la corruption et la manipulation s'entremêlent. Les citoyens doivent se poser la question : que reste-t-il de la démocratie quand les élites semblent souvent avoir un accès illimité à l'impunité ?

Charles Pasqua apportait sa vison des choses dès 1987 : « La Démocratie s’arrête là où commence la raison d’Etat ». Apparemment rapidement et souvent.

Pour comprendre le citoyen en 2025, il est essentiel d'examiner l'évolution de l'abstention électorale. Son taux a grimpé en flèche, passant de 22,8 % lors des législatives de 1978 à un alarmant 52,49 % lors des législatives de 2022. Le citoyen est-il devenu un spectateur, se détournant d’un processus qu’il juge défaillant ? L'affaire Boulin, ainsi que d'autres scandales, se signale comme un excellent exemple des dérives d’un système en perte de vitesse. Le taux d'abstention parmi les jeunes électeurs atteint des sommets alarmants, dépassant 23,7 % pour ceux âgés de 18 à 24 ans, tandis que le taux d'abstention est bien plus stable chez les 50 à 59 ans, qui affichent des taux autour de 7,6 %. Ce désengagement généralisé s'explique par une méfiance croissante à l'égard de l'élite politique. Car au fond, pourquoi voter, puisque l'Etat ment ?

À la fin des années 1970, le Royaume-Uni puis les Etats Unis commencent à basculer vers des politiques néolibérales, un virage qui transforme le cadre économique occidental et annonce la mondialisation. Ce mouvement favorise une culture qui glorifie l'individu consumériste, détournant ainsi l’attention des préoccupations collectives. Les forêts peuvent brûler et les ours polaires disparaître, "JE" dois réussir en amassant le plus de richesses avant de disparaître. La montée des inégalités s'accompagne d’une indifférence croissante pour les idéaux démocratiques. Plus tard dans les années 90 puis 2000, l'irruption d'Internet et des smartphones, ces téléphones intelligents qui rendent stupides et auto-centrés leurs détenteurs, ont radicalement modifié le paysage des communications. Peu importe le fond, c'est l'influence qui compte désormais. Bien que ces technologies permettent un accès sans précédent à l'information, elles alimentent une paresse intellectuelle qui nuit à l'engagement civique. Les citoyens consomment les nouvelles depuis leur canapé sans véritable analyse critique, plongeant ainsi dans une culture d’information rapide qui ne favorise pas la réflexion. A tel point que la prolifération des fake news est devenue un défi redoutable. Dans ce contexte d'information saturée, il devient de plus en plus difficile de décrypter la vérité, avec la prolifération des canaux de communication. La désinformation aggrave les tensions entre les citoyens et les institutions, augmentant la perception d'un système démocratique défaillant. Il ne manquait plus que la dernière pièce à poser sur l'édifice : Le nouveau Disneyland comme terre promise, l'idéal prophétique des ploutocrates états-uniens associés : Donald Trump et "Mickey" Musk.

Ce phénomène ploutocratique, quant à lui, s'épanouit, sous le modèle américain, s'opposant au régime communiste chinois et au néo-tsarime russe. Là où 1 % de la population contrôle 42 % des richesses, le paysage politique se distord, et le pouvoir économique supplante la voix du citoyen. Des décisions comme Citizens United ont permis aux riches de dicter les termes du débat politique, soulignant une dérive qui pourrait également influencer les pratiques en France. et en Europe réduite au seul espace de libre circulation. "Mickey- Elon" nous gratifie de son salut "du fond du coeur" et de son ingérence numérique jusqu'à soutenir les néo-fascistes allemands sans complexe. Qui aurait pu imaginer l’irruption des questions de l'annexion du Canada, du Groenland ou de la "Gaza Riviera" dans le débat public international ?

Face à cette situation, il est crucial d'agir (avec quels moyens ?) pour rétablir la confiance des citoyens et renforcer les institutions, s'il n'est pas déjà trop tard. Ou alors à tout le moins, de résister.  A commencer par faire "marcher ses méninges". Cet engagement doit se traduire par la création de mécanismes de contrôle et la protection des lanceurs d’alerte. La promotion d’une éducation civique  sera essentielle pour reconnecter les jeunes avec les valeurs de la démocratie. Est-ce encore possible sans provoquer des rires sous cape en scrollant son smartphone en 2025 ? Qu’est ce que le civisme lorsque chacun est rivé à son écran dans les transports « en commun » indifférent au sort de son voisin ?

L’engagement associatif apparaît comme un refuge précieux dans ce maelström d'incertitudes. Beaucoup de citoyens se tournent vers des associations pour revendiquer leurs droits et s'engager dans des causes qui leur tiennent à cœur. Ces structures offrent un espace d'expression et d'action où l'engagement prend racine, permettant de tisser des liens sociaux et de se mobiliser autour de valeurs communes.
À la lumière de toutes ces évolutions, la question se pose, crument : qu'est-ce qu'un citoyen en 2025 ? Acteur engagé, dans la "Cité", dessinant de nouvelles frontières intelligentes, préservant la confrontation d''idées, le débat démocratique, imperméables aux influences et autres ingérences numériques. Citoyen conscient des enjeux et capable de défendre ses convictions tout en questionnant l’autorité et les lois du business ! En 2025, il est temps de redéfinir la relation entre le citoyen et son engagement auprès des institutions. Il est temps de questionner ce qui fait sens commun, l'espace de notre vie et celles des générations futures à préserver. Car si le business a eu besoin de la paix pour prospérer depuis 1945, il justifiera la soumission et la guerre s’ils sont devenus les moteurs de sa croissance. La lutte pour une démocratie plus transparente et participative est un défi collectif que nous devons relever avec courage et détermination. Au moins ici, en Europe. Chaque voix compte, et chaque action individuelle peut contribuer à forger une société plus démocratique. Ce citoyen doit revendiquer sa place dans l'agora, conscient que le vote, tout comme l'engagement associatif, peuvent façonner l'avenir. Ce n'est pas nécessaire, c'est urgent. C'est devenu urgent.

L’histoire nous enseigne que le pouvoir d’un vote, bien éclairé et soutenu par une communauté mobilisée, peut vraiment transformer le destin d'une nation. Mais les nations existent-elles encore lorsque des territoires sont convoités comme on convoite une marchandise ? Nous en sommes là : À nous de faire vivre cette démocratie par notre engagement, notre exigence de vérité, et notre volonté de construire un avenir où les valeurs citoyennes prévalent.
Ou alors, comme l'a probablement fait Robert Boulin pris dans la nasse des corrompus, préparons nous à périr sous les coups qui s'annoncent.

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