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Billet de blog 8 octobre 2021

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Affaire Boulin : la voiture du Ministre.

Par son récit des dernières heures vécues pendant la soirée puis la nuit du 29 au 30 Octobre 1979, Jean-Pierre N.*, chauffeur, contribue une fois encore à l’anéantissement de la thèse officielle du suicide de Robert Boulin. Voici trois témoignages concordants recoupés qui révèlent un bien curieux itinéraire de la voiture du Ministre.

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Le 29 Octobre 1979 à Neuilly sur Seine, aux environs de quinze heures, Robert Boulin quittait son domicile à bord de son véhicule personnel, une Peugeot 305 en direction des Yvelines.
Etait-il seul à bord de son véhicule ou était-il accompagné ?
Vers dix-sept heures, comme l’a rapporté un témoin oculaire à Benoit Collombat, auteur de la contre-enquête sur la mort du Ministre, Robert Boulin fut formellement identifié à Montfort l’Amaury, dans les Yvelines. Il était assis sur le siège passager de son véhicule, alors que deux hommes étaient à bord, l’un conduisant, l’autre assis sur la banquette arrière.
Fait nouveau inconnu jusqu’à ce jour, Jean-Pierre N. se présentant comme le chauffeur du Ministre ce soir là, a confirmé qu’il fut congédié par Robert Boulin vers dix-huit heures, et qu’il a raccompagné à son domicile le garde du corps avant de conduire puis stationner le véhicule personnel du Ministre dans la cour du Ministère à Paris !

Les deux hommes à bord à Montfort l’Amaury aperçus par le premier témoin, pourraient donc être justement le chauffeur et le garde du corps du Ministre du Travail et de la Participation par la suite congédiés.

A la lecture des deux témoignages précédents, naturellement les questions suivantes surgissent :
- Où et avec qui Robert Boulin avait-il rendez-vous ? A défaut à quelle adresse a-t-il été déposé ?

- Ayant congédié son chauffeur et son garde du corps vers dix-huit heures, par quel moyen le Ministre avait-il prévu de rentrer chez lui ?

- Et surtout, comment expliquer ce curieux itinéraire nocturne de la « 305 » du Ministre ?

Car, pour retourner au Ministère du Travail au départ des Yvelines après avoir déposé le garde du corps à son domicile, il fallait compter plus d'une heure de temps de trajet pour le chauffeur... soit une arrivée à Paris au moins après dix-neuf heures. C'est justement entre dix-huit et vingt heures le 29 Octobre qu'est située la mort du Ministre par le médecin légiste.

Robert Boulin ne serait donc pas décédé à proximité de son véhicule, puisqu'il se trouvait dans les Yvelines au moment de sa mort. Certes, le véhicule a bien été retrouvé stationné au bord de l'étang rompu mais bien après la mort du Ministre, le lendemain 30 Octobre, par la brigade motocycliste de la Gendarmerie à huit heures quarante.
Rappelons que la Gendarmerie fut très rapidement dessaisie le jour même. Les enquêteurs du SRPJ de Versailles reprenant l'enquête, n'ont visiblement pas mentionné le témoignage du chauffeur ignoré depuis quarante deux ans.

S'il est établi que Robert Boulin était mort entre dix huit et vingt heures la veille le 29 et que Jean-Pierre N. avait quitté son service après dix-neuf heures, qui donc a conduit nuitamment la 305 sur le chemin du retour du Ministère vers les Yvelines, à l'étang rompu en forêt de Rambouillet où elle fut découverte  ?

Illustration 1
La 305, voiture personnelle du Ministre Boulin © Envoyé Spécial


S’il convient de rester prudent à la lecture de ces témoignages, il ne fait aucun doute que le chauffeur devrait être entendu par un juge d'instruction car un élément de taille vient recouper et confirmer ses propos :

Un troisième témoin indirect du parcours de la voiture du Ministre, Christian Bonnet, Ministre de l’Intérieur du Gouvernement Barre avait justement évoqué lors d’une interview pour Paris Match en 2011 les motivations des recherches et plus précisément ceci :

"Robert Boulin avait disparu et on le recherchait car on avait  retrouvé sa voiture dans la cour du Ministère". 


Christian Bonnet rapporte qu'il fut réveillé par son Directeur de Cabinet vers 3 heures du matin le 30 Octobre, apprenant la mort du Ministre, dont on n'avait pourtant pas encore officiellement découvert le corps ! Ecoutez l'interview ahurissante de Christian Bonnet, le détail concernant la voiture du Ministre est évoqué à la quatrième minute de l'interview :

Interview Christian Bonnet. © Sylvie MATTON

Un autre détail troublant renforce l'hypothèse du trajet nocturne de la voiture du Ministre déjà assassiné et l'évidence d'une mise en scène approximative du maquillage de l'assassinat en suicide :

Les clés du véhicule ont été retrouvées par terre, près de la roue arrière gauche, alors qu'un bristol supposé écrit de la main du Ministre, déposé sur le tableau de bord indiquait qu'elles se trouvaient dans la poche du pantalon de Robert Boulin.
Peut-être était-il matériellement impossible de loger les clés de sa voiture dans la poche de son pantalon, alors que son corps se trouvait déjà à sept mètres de la berge dans les eaux de l'étang rompu. Ceux qui l'y avaient jeté n'avaient pas pris la peine d'attendre sur les lieux le ou les convoyeurs de la voiture du Ministre…

* Le prénom du chauffeur a été changé.

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