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Billet de blog 16 novembre 2014

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taxis / VTC : Les tontons flingueurs sont de retour

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En 2001, la société 01taxi proposait déjà à Paris un système innovant de dispatch semi automatisé de taxis reposant sur la géolocalisation et le sms. Ceux qui s'en souviennent dans le milieu du taxi savent que quelques mois plus tard, l'expérience cessa avec pertes et fracas.
Non pas parce qu'elle ne fonctionnait pas techniquement, ni même au plan commercial. Mais parce que le système de dispatch qui commençait à connaître un succès d'estime fut soudainement submergé par l'envoi de fausses courses en masse. Cela provoqua la fuite des chauffeurs victimes de "non charges" et donc la mort de 01taxi. Mais qui avait donc envoyé ces fausses courses ? A qui profitait le crime ?

Spamming de courses
Treize ans plus tard, on constate le retour des "tontons flingueurs" : Cette méthode fut également employée mais cette fois par UBER pour éliminer un concurent gênant aux Etats Unis. (cf. notre document).

A Paris aujourd'hui qu'en est il ?

Offre d'emplois sur l'autoroute A1
Si vous passez du côté de l'autoroute A1, Porte de la Chapelle vous ne pourrez pas rater les immenses panneaux publicitaires d'un opérateur VTC prétendant garantir un chiffre d'affaires attractif et par voie de conséquence une rémunération intéressante. Les emplacements publicitaires visibles dans les deux sens ne sont pas choisis au hasard, là où de nombreux chauffeurs (qu'ils soient taxis ou VTC) en direction de l'aéroport de Roissy ou en en revenant, passent par milliers chaque jour. Mais une telle débauche d'énergie en période de crise, avec le taux de chômage que l'on connaît trahirait-elle un turnover des chauffeurs excessif ? Aujourd'hui une simple annonce dans un journal déclenche des centaines de candidatures... Y'aurait-il donc des milliers de postes à pourvoir ?
Peut-être s'agit-il plutôt d'une stratégie de conquête des chauffeurs des concurrents, plutôt que de création d'emplois. En proposant la location d'un véhicule équipé d'un système de géolocalisation propriétaire qui gère ses propres courses, l'opérateur se protège de la guerre qui fait rage en ce moment et où tous les coups bas sont permis :


Entrisme et sabotage

Certains chauffeurs cumulent les abonnements à des plateformes de dispatch de courses. Ils réalisent "le tour des popotes", assistent aux réunions d'information et de formation des uns et des autres, jurent parfois qu'ils sont primo-incrits à chaque session, et cumulent ainsi les smartphones dans l'habitacle de leur véhicule, mais surtout les applications chauffeurs pour augmenter leurs opportunités de courses.
Mais tel un réseau dormant savamment organisé, certains chauffeurs mettent en application une stratégie de sabotage massif d'une plateforme en se déconnectant consécutivement à l'attribution d'une course... qu'ils n'honoreront pas quitte à être définitivement bannis du réseau. Dans certains cas, il s'agit d'une stratégie personnelle, dans d'autres elle pourrait être planifiée, organisée, orchestrée par un concurrent malveillant ou par un collectif de chauffeurs en lutte contre des plateformes dont les conditions de rémunération évoluent inversement à la productivité exigée. (notre document).

Détourement de clientèle

D'autres encore pratiquent la fidélisation de la clientèle à bord et s'équipent d'un lecteur de carte bancaire afin de couper le circuit de la dématérialisation du paiement via le smatphone. Bénéficiant des campagnes publicitaires sur les réseaux sociaux, ces chauffeurs soignent le traitement de leurs clients et sentent si un courant de sympathie s'installe  qu'ils peuvent remettre leur carte au terme de la course, conluant une démarche commerciale à bord :

"Appelez moi pour vos futures réservations à l'avance"...

Vol de données

Plus classique, certains pratiquent la stratégie du "coucou". Responsable marketing, ou community manager d'une plateforme, il leur suffit de récupérer les données des chauffeurs affiliés sur une simple clé USB pour aller se vendre chez un concurrent lors de son lancement, en mal de chauffeurs...

Covoiturage en Autolib

Plus original, plus élaboré encore, d'autres s'inscrivent au service de covoiturage récemment lancé avec leur véhicule déclaré qui restera pourtant au garage. Dans les faits, ils utliseront un abonnement Autolib et transporteront des passagers en réalisant un bénéfice certain (coût autolib : 120 euros d'abonnement annuel soit 10 euros par mois et 5,5 euros la demi heure) ! On imagine ce que donnerait la mobilisation des membres des familles ou amis des 17000 chauffeurs de taxi parisiens, pour détourner UBERpool et Autolib confondus de leur usage premier ! Voila un complément de recettes tout trouvé pour les chauffeurs de taxi et leur famille. C'est sûrement cela l'économie du partage cher à Jeremy Rifkin ;-)

l'avenir est aux coopératives et groupements de chauffeurs utilisant les nouvelles technologies

Justement. Jeremy Rifkin, interviewé récemment par l'Express voit juste :

Qu'ils soient taxis ou chauffeurs de VTC, les chauffeurs n'accepteront pas longtemps d'être les "pigeons" des plateformes de mise en relation clients. Pris par surprise par la puissance des nouvelles technologies qu'ils subissent plutôt qu'ils n'en profitent, les chauffeurs un jour où l'autre reprendront la main et trouveront un moyen de devenir mutualistes dans des coopératives technologiques. Quitte à former des partenariats équilibrés avec des "fournisseurs de technologie innovante".
Car où se trouve la valeur produite aujourd'hui dans le modèle économique d'UBER ? L'économie du partage dont Vincent Giret journaliste au Monde évoquait la tendance nouvelle sur France Info , ce n'est sûrement pas l'aspiration de la valeur produite par la totalité des chauffeurs dans les paradis fiscaux au profit de Goldman Sachs ou Google Venture ! Si l'éffondrement de la valeur du transport se fait au profit des passagers transportés et de quelques rares actionnaires qui tordent le bras de leurs chauffeurs affiliés, alors ce n'est pas un "fair deal".

Que les chauffeurs le sachent :

La technologie se démocratise. Qu'ils s'en saisissent, qu'ils s'organisent, qu'ils négocient des partenariats équilibrés avec des sociétés technologiques prêtes à leur concéder une licence à la marque de leur groupement ou leur coopérative. Qu'ils en fassent le marketing sur leur véhicule, avec la publicité sur leur portière. Car le meilleur marketing, la meilleure fidélisation du client, c'est dans le véhicule du chauffeur au quotidfien client après client, pendant la course qu'elle se fait. Pas sur Google, à Clichy sur un plateau de réception d'appels ou encore moins... dans les paradis fiscaux.

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