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Billet de blog 19 mai 2011

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Sexisme, crise morale et crise politique

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Après le séisme de l'inculpation de Dominique Strauss-Kahn, le PS et la gauche sont sonnés. On observe les dégâts politiques, avec 2012 en ligne de mire. Mais selon moi, on se trompe de débat.

Le mal est bien profond. Il s'agit avant tout d'une crise morale, qui précède la crise politique :

Celle que notre société sans le dire, découvre, s'agissant du sort réservé aux femmes.

Ce soir, je me moque des conséquences politiques au PS, et à gauche en France. Cela fait longtemps que je joue avec les mots, en parlant de cette "érection pestilentielle" (cf billet précédent sous forme de petite annonce parue dans Libération), allusion volontairement sexiste s'agissant du processus électif qui tend à désigner "sans réel consentement" plutôt qu'à faire élire par un peuple "placé sous la contrainte".

Car le peuple est méprisé dans les faits, une fois élu le premier magistrat de France quasi plénipotentiaire tant la Constitution lui est taillée sur mesure depuis le Général de Gaulle accédant au pouvoir en 1958...

Finalement dans l'exerce du pouvoir présidentiel, comme dans la vie régentant les rapports hommes / femmes, pour "abuser du pouvoir", ne faut il pas se sentir nanti d'un sentiment hors norme d'impunité ?

Il nous faut donc plus que jamais changer de Constitution, pour des raisons politiques, mais aussi pour des raisons sans doute morales.

Dès les années soixante-dix nous en avons vécu les dérives successives :

On n'hésita pas à éliminer physiquement un Ministre en exercice, probablement considéré comme "rival", obstacle potentiel dans la course au graal élyséen. On n'hésita pas davantage à pratiquer des écoutes illégales, voire à dissimuler et faire entretenir une fille cachée, aux frais de la République.

Nous vivons aujourd'hui en creux l'abîme d'un régime à bout de souffle, marqué encore par de nombreux scandales, (Clearstream, Woerth-Bettencourt, Karachi...). Mais alors que la campagne de la prochaine échéance électorale majeure n'a même pas commencé, voici donc le candidat non déclaré à la primaire socialiste que les instituts de sondages nous vendaient comme "élu" dans tous les cas de figure, menotté en pleine lumière planétaire, croupissant au pénitencier de "Rikers Island", depuis bientôt une semaine...

Déchéance, choc et tristesse. Nul ne peut s'en réjouir !

Car dans l'ordre, ce qui m'attriste aujourd'hui, en tant que citoyen républicain français :

1) c'est le sort humain que réserve toute cette histoire à la femme de chambre du Sofitel de Times Square. La voila jetée dans une histoire qui la dépasse, car eu égard aux frasques avérées et relatées du présumé innocent, j'ai du mal à croire qu'elle soit une "Mata Hari" déguisée en soubrette au service de je ne sais quel complot.

2) Anne Sinclair, les enfants de Dominique Strauss Kahn, bref, la famille. Avez-vous songé comment il sera aisé de s'appeler Strauss-Kahn désormais ?

3) Tristane Banon. Comment sa mère a-t-elle pu la dissuader de porter plainte au moment des faits qu'elle rapporte ? Quelle ignominie ! Comment justifie-t-on le fait qu'une "carrière" serait compromise alors que sa propre fille a été "agressée sexuellement, mais pas victime de viol ?" . Non, mil fois non.

Au risque de choquer, j'ose l'écrire :

Même si cela est plus facile à écrire qu'à faire, (surtout venant de ma part, être humain du sexe masculin), en toutes circonstances, IL FAUT PORTER PLAINTE, VOIRE AIDER A LE FAIRE ! Car le machisme violent des hommes dominants est entretenu par le manque de courage de celles qui cherchent à cacher, alors qu'elles devraient traîner devant les tribunaux les coupables de tels actes !

Adopter une position contraire, ce serait avaliser les comportements machistes dégradant pour les femmes de la part d'hommes se croyant au dessus de tout soupçon, du seul fait, bien souvent, de leur position sociale. On rencontre ce type de comportement dans l'entreprise et évidemment en politique, où le pouvoir, ou le sentiment d'impunité "peut faire pêter un cable"... Nous revoilà donc aux métaphores employées plus haut.

Doit-on pour autant considérer que c'est une fatalité ? Doit-on accepter pour nos mères, nos soeurs, nos filles, et au delà les femmes de la société française que nous ne connaissons pas, que d'une manière ou d'une autre elles sont exposées à l'omerta en cas d'harcèlement, d'agression sexuelle, voire de viol ? Non ! Evidemment. Ou alors on n'est plus républicain, et le concept "d'égalité", inscrit aux frontispices ne veut plus rien dire !

4) C'est donc aussi pour notre pays, notre culture que je suis triste ! Car dans les faits, avec la complicité des journalistes "qui savaient", mais n'ont rien dit, il me semble qu'est inscrit à l'encre sympathique dans la Constitution de notre pays, que "le droit de cuissage est autorisé selon la position hiérarchique".

Nous vivons donc une crise morale, préalable à la crise politique, si nous laissons croire au Monde entier, que nous considérons ainsi les femmes de notre pays, tout comme celles d'autres pays, réduites à de simples objets sexuels !

5) Enfin je suis triste aussi, pour Dominique Strauss Kahn.

Car je pense très sincèrement au drame humain qu'il traverse. A cette geôle de 12 mètres carrés où il a perdu toute intimité... Je pense à son "suicide médiatique" de ce funeste Lundi 16 mai 2011... On peut être opposé à ses idées, mais on ne peut contester qu'il est un homme brillant.Un homme qui a probablement ruiné sa vie, victime d'un piège tendu d'autant plus sournoisement par d'éventuels commanditaires qu'ils connaissaient parfaitement son point faible, ou plus simplement, victime de ses propres turpitudes...

Je pense qu'il est sincèrement avant tout malade... Et qu'en tant que tel, il ne devrait pas séjourner dans une prison, mais faire l'objet de soins.

Tout comme notre Société, tout comme notre Constitution... à l'agonie.

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