Pierre Peyrard (avatar)

Pierre Peyrard

Abonné·e de Mediapart

184 Billets

1 Éditions

Billet de blog 22 août 2010

Pierre Peyrard (avatar)

Pierre Peyrard

Abonné·e de Mediapart

J'ai rêvé qu'on m'expulsait

Minuit 30...Des chiens policiers aboient dehors... des lueurs bleues tournoient sur les murs de l'immeuble d'en face...

Pierre Peyrard (avatar)

Pierre Peyrard

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Minuit 30...

Des chiens policiers aboient dehors... des lueurs bleues tournoient sur les murs de l'immeuble d'en face...

Il fait orageux et on distingue entre deux coups de tonnerre le rideau de pluie continue qui s'abat sur Morano-city aux confins du département de "l'Est rosi" au soleil levant...

On frappe à la porte... Que dis-je on interjecte "POLICE OUVREZ !" entre deux séries de coups ininterrompus...

minuit 30 ? Mais je croyais que la Police n'intervenait jamais à domicile avant six heures du matin ?

Dehors, des fenêtres s'ouvrent, des lumières de cuisine éclairent les carrés superposés que forment les cages à lapin des barres d'immeubles de la cité... encore un peu et le voisin du troisième va allumer pour former une superbe diagonale...."

"POLICE OUVREZ OU J'ENFONCE LA PORTE !"...

- l'air avenant j'ose un "C'est à quel sujet, ?"...

-"A VOTRE PLACE J'ARRETERAI DE FAIRE LE MARIOLLE... ET J'OUVRIRAI CETTE PORTE AVANT QUE JE NE LA DEFONCE AU BELIER"...

-"Voila voila... une minute j'enfile un peignoir..."

A peine avais-je eu le temps d'aller à la salle de bains, que six individus lourdement armés, casqués, protégés derrière leur bouclier débarquèrent, ma porte réduite en sarments de vignes pour barbecue...

-"Mais... mais c'est une méprise ! Quel est donc le sens de cette intrusion à minuit 30 ?"

- "VOS PAPIERS !"

-"Allons allons Monsieur l'agent détendez vous... Vous et vos collègues êtes un peu fatigués, vous faites un métier harassant, et puis à force de travailler plus pour gagner plus, on perd ses nerfs et on se tue à la tâche... Je vous offre quelque chose ?"

-"Chef, on est tombé sur un comique j'crois"...

-"Non, sur un caustique. Nuance..." celui qui me qualifiait de comique vient d'apprendre quelque chose et se gratte la tête non sans avoir opiné... du chef.

Le chef de brigade plus calme : "Je vous conseille d'enfiler un pantalon et une chemise, on part au poste... mais avec vos papiers, veuillez me présenter vos papiers s'il vous plaît"...

-"Très bien, très bien....asseyez-vous je vous en prie, et si vous pouviez demander à vos collègues de me lâcher les bras et les pieds... je vais avoir du mal à marcher maintenant avec cette barre entre les chevilles..."

Alors que je détaille l'écusson bleu blanc rouge cousu sur leur "équipement" un ornement accroche mon attention. Il y avait deux lettres brodées de fil d'or sur l'écusson... "P.F"... on pouvait y lire au dessous "Ploutocratie Française" et la devise "Parce que je le vaux bien"... Je regarde l'un des deux policiers qui tient mon bras gauche...

- "Et dans quelle équipe de hockey sur gazon jouez vous ?"

Puis fixant droit dans les yeux le brigadier chef je poursuis :

-"Mes papiers sont là ... devant vous"

- "VOUS VOUS FOUTEZ DE MOI ?"

- "Non non, je n'ai que des papiers peints, ou aussi du papier toilettes..."

- "Chef chef.... Regardez ce que j'ai trouvé dans ce tiroir... " le policier tend une bande de papier d'arménie...

- "français d'origine étrangère en plus... eh eh eh votre compte est bon pour le charter mon ami... "

- "Monsieur, sachez que j'ai perdu mes papiers d'identité le 30 Juillet 2010 à Grenoble.... j'ai fait une déclaration de perte sur le site monservicepublic.fr afin de renouveler ma carte nationale d'identité... Mais il est vrai que le service est encombré.... Nous sommes beaucoup à les avoir perdus ce jour là"...

-"Allez, au poste... on va vérifier tout ça"

-"Mais au fait je peux savoir ce qu'on me reproche ?"

-"Nous avons un mandat d'amener vous concernant car vous avez commis des billets subversifs sur un site internet aux méthodes fascistes. Vous avez porté atteinte à la dignité du chef de l'Etat, incité publiquement à la débauche (Glanductif ou comment rater son entretien d'embauche) et commis un outrage à la Nation en affirmant que vous étiez "étranger d'origine française".

Dehors un bulldozer éclaire de son projecteur l'immeuble et s'active déjà... on distingue au milieu des vrombissements du moteur de l'hélicoptère haché par les pales, le "buzz" intermittent accompagnant le recul du bulldozer...

-"C'est quoi ce Bulldozer ?"

-"Nous désinfectons le quartier. Ordre du Ministre Boutefeux. Lorsqu'on intercepte un gauchiste bien-pensant soupçonné de se faire financer sa propagande par la gauche miliardaire, on rase l'immeuble où il habite, et on reloge ses voisins... C'est une méthode préventive efficace, qui encourage à la délation"...

-"Ah je vois... un bien-pensant du petit monde politico-médiatique parisien... passe encore. Mais c'est quand il y en a beaucoup que cela devient gênant...

Alors que les cerbères me décollent du sol tête en avant pour me porter dans le fourgon de police...

-"Décidément je n'aime pas beaucoup votre humour. Je dois vous dire que vous faites l'objet d'une procédure d'expulsion... sur la base de vos propres déclarations"...

Le fourgon démarre en trombe, mes voisins montent dans des cars spécialement affêtés. Le bulldozer commence son travail de démolition nocturne sous la protection de l'hélicoptère et de deux compagnies de CRS qui ont bouclé le quartier. Je regarde ce spectacle affligeant par la grille du panier à salade et marmonne dans ma barbe :

-"Comme je suis déchu... Terriblement déchu !"

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.