Pierre Peyrard (avatar)

Pierre Peyrard

Abonné·e de Mediapart

184 Billets

1 Éditions

Billet de blog 24 août 2010

Pierre Peyrard (avatar)

Pierre Peyrard

Abonné·e de Mediapart

J'ai perdu mes papiers le 30 Juillet à Grenoble

Pierre Peyrard (avatar)

Pierre Peyrard

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis le début du mois d'Août, il ne se passe plus un seul jour sans qu'on entende ou lise ici ou là des protestations, charges, indignations au sujet du durcissement notoire de la politique sécuritaire du "Président de l'Intérieur" Sarkozy.

Politiques, journalistes, intellectuels, s'indignent sans oublier la communauté internationale, jusqu'à l'ONU. C'est à présent les hommes d'Eglise qui nous rendent compte de leurs états d'âme et rendent pour certains leur décoration non sans prier maladroitement, pris par l'émotion, que le Président soit "frappé au coeur" !

"Président de l'Intérieur" donc, car en effet, comment Nicolas Sarkozy pourrait-il être qualifié de Président de la République Française, alors qu'il n'a plus hésité à en remettre en question les fondements constitutionnels dans son discours du 30 Juillet à Grenoble ?

Narcissique ostentatoire, champion de la réduction démocratique, partisan de l'ouverture par simple calcul politicien, méprisant la presse, les juges d'instruction jusqu'à projeter leur disparition, Nicolas Sarkozy préfère les salons de l'hôtel Bristol pour y faire réunir notamment ses suppôts-clients du "premier cercle" à l'Assemblée Nationale où siègent entre autres les députés de "SA" majorité pourtant sortie des urnes. Le titre de "Président de la Ploutocratie Française" lui siérait donc davantage.

Car nous sommes passés insidieusement d'un régime à l'autre, de la Ve République à la Première Ploutocratie :

Le "grand soir" de ce changement de régime est historiquement daté à la nuit du Fouquet's du 6 Mai 2007. Pas une goutte de sang ne fût versée, seules les images "en direct" des caméras transmises sur nos téléviseurs ont suffi à abolir la République, les vacances post-électorales sur le yacht de Bolloré achevant la besogne dans les faits, à notre plus grande sidération. Sur ces mêmes Champs Elysées où jadis en 1989 on célébrait le bicentenaire de la Révolution, Sarkozy symboliquement a fêté en privé "SA" victoire, en excluant un peuple déchu de sa souveraineté le jour même où il s'est exprimé, comme pour mieux le baillonner au profit de ses puissants suppôts. Exit, la nuit du 4 Août !

6 Mai 2007, 30 Juillet 2010 voici deux marqueurs du sarkozysme dont le dernier à nouveau ne peut laisser indifférent.

Car c'est l'identité individuelle de chacun à travers notre identité collective qui est questionnée.

En effet, qui serions nous dans cette France ploutocrate et xénophobe si nous nous taisions ? Ne dit-on pas : "qui ne dit mot consent" ?

Comment nous reconnaître ainsi comme membre de la communauté nationale dès lors qu'on cherche à la rendre "divisible" sauf à nous faire implicitement accepter la "partition" du peuple ainsi suggérée par le premier magistrat de France ?

Pire encore, quand bien même les propositions de déchéance de la nationalité du "Président" et de son Ministre suppléant de l'Intérieur pour tout français d'origine étrangère seraient contraires à la Constitution et donc rejetées par le Conseil Constitionnel, c'est l'acceptation non dite par une partie du peuple contre l'autre qui est recherchée. La pratique stigmatisante, contre la théorie généreuse, la politique du fait accompli fascisante contre celle des principes républicains, la "ringardisation" des écrits constitutionnels des années cinquante, contre la parole présidentielle du moment à l'ère du "zapping".

" Le monde à changé Monsieur PUJADAS..." disait-il encore il y a peu comme pour mieux justifier voire préparer une évolution à venir de la Constitution ?

Nicolas Sarkozy est un putschiste, osons l'écrire, le dire, le faire savoir.

Ses armes sont les mots, la communication. Car ne nous trompons pas, à Grenoble il a défait avec les mots de son discours en cinq minutes, ce qui avait pris le temps d'être réfléchi, pesé par l'Histoire pour être scellé en 1958 comme pacte républicain entre tous les français. La Constitution de la Ve République n'est pas exemptes d'imperfections, mais elle aurait mérité mieux, tirée par le haut vers une VIe version encore meilleure.

Agité, cynique et calculateur, c'est en despote éclairé de l'exaspération populaire face à la violence dans les quartiers que le "Président de l'Intérieur" installa à Grenoble dans ses fonctions un Préfet issu des rangs de la Police. Le fond et la forme donc, avec la violence verbale d'un choc issu de celui-là même qui était sensé être le garant des Institutions. Pourtant, cela fait huit ans à présent que ses coups de menton médiatiques sont inefficaces face aux problèmes de sécurité.

Personne ne le niera, il y a des problèmes de sécurité dans notre pays. Qui plus est, il est intolérable qu'on tire sur la Police. Mais comment interpréter le fait que des citoyens français (peu importe leur origine !) s'en prennent à ceux sensés les protéger ? Comment ne pas voir qu'ils ne se sentent pas considérés comme des citoyens comme les autres ? Tout simplement même pas, jamais une fois dans leur vie "citoyen" ! Pire encore, déchus de leur dignité d'êtres humains bien souvent, car ayant perdu tout espoir de trouver un jour l'estime d'eux même, justement entre autres par la reconnaissance d'autrui ! Je ne suis pas partisan de l'assistanat. Je suis partisan de l'attention humaine, l'écoute, la compréhension, et l'exemplarité de ceux qui savent, qui ont eu la chance d'avoir été aimés, éveillés à l'art, encouragés à la pratique sportive et instruits lors de leur construction au bénéfice de leur vie future de femmes et d'hommes libres car en pleine possession de leurs responsabilités !

Lorsque les mots, l'éducation, la culture et le travail manquent, que le mépris et la peur s'installent, alors vient la violence comme unique relais du désespoir.

Nicolas Sarkozy à Grenoble a cru bon devoir dénoncer l'échec de cinquante années d'immigration insuffisamment régulée. Rien que ça ! A Dakar il est venu expliquer qu'il ferait désormais "son marché", choisissant des cerveaux formés de préférence au pays plutôt que des bras ballants subis en France, à l'ère post-industrielle mondialisée orchestrant la compétitivité des coûts de mains d'oeuvre.

Face à ce choc institutionnel sensé couvrir le bruit assourdissant du choc médiatique de l'affaire Woerth-Bettencourt, vient à présent le temps des réactions civiques. Je me demandais comment agir, résister. Car l'écriture, le témoignage, la parole ne sont pas suffisants de mon point de vue. Pétition ? Manifestation ? Oui certes mais encore ?

Il m'est venu une idée, peut-être est elle incongrue, idiote, coûteuse aussi, car non gratuite malheureusement.

Puisque j'ai perdu symboliquement "la part nationale" de mon identité à Grenoble le 30 Juillet dernier, autant donner matériellement corps à cette perte. Je pourrais déclarer la perte de ma carte d'identité, et accéder au site http://vosdroits.service-public.fr/F1344.xhtml pour suivre les démarches proposées. Il m'en coutera donc 25 euros et du temps pour en refaire une nouvelle.

Une action isolée de cette nature n'aurait aucun sens politique. Mais qu'adviendrait-il si nous étions quelques dizaines de milliers, voire (soyons fous) centaines de millliers simultanément à le faire quitte à engorger les commissariats, préfectures et autres services administratifs ?

Nous sauverions tout simplement l'honneur de notre pays en protestant ainsi et communiquerions indirectement par le truchement de la presse française mais surtout étrangère, que la France par son peuple souverain reste historiquement le pays des droits de l'Homme ! Et entend le rester au moins dans l'expression d'un idéal collectif auquel nous demeurons pour beaucoup d'entre nous attachés, même si dans la pratique nous sommes bien loin du compte !

Mais je pourrais également faire autrement. Et vous inviter à en faire de même.

Car après tout, "il faut rendre à Nicolas ce qui appartient..." désormais "...à Nicolas".

En effet, comme je l'ai déjà écrit dans un précédent billet, depuis le 30 Juillet, "je suis un étranger d'origine française". Quand d'autres retournent leur décoration au Ministre Boutefeux, il me démange d'adresser ma carte nationale d'identité à Nicolas Sarkozy, Palais de l'Elysée 55 faubourg St Honoré - 75008 PARIS.

A partir de là, de deux choses l'une :

- Soit il me la retourne (on peut toujours rêver) ou ses services la mettent à disposition au Commissariat le plus proche (celui du VIIIe)

- Soit il n'en prend même pas la peine, et il me reviendra sous quinzaine de déclarer la perte de ma C.N.I

Mais une chose est certaine. S'il y a bien un papier que je n'ai pas égaré, et que je garde précieusement bien au chaud pour 2012, c'est ma carte d'électeur pour contribuer à déloger le locataire actuel du Palais de l'Elysée. Qu'il se souvienne bien que son bail expire bientôt. Son mandat, il le tient du peuple. Notre citoyenneté, notre droit électoral est une ligne continue dans le temps alors que son mandat n'est qu'un trait pointillé. Peu à peu le masque tombe, et nous découvrons un usurpateur de la fonction présidentielle de la République. Un voyou en pleine déchéance.

J'irai voter en 2012, aux deux tours. Avec ma nouvelle carte d'identité, ou mon ancienne, peu importe. Mais contre Nicolas Sarkozy si d'aventure il était encore en mesure de se présenter.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.