- Cette semaine, la chronique Mahgreb-Machrek vous raconte les disfonctionnements au sommet de l’antiterrorisme en Tunisie. Pour mémoire, l’éphémère ministre de l’intérieur au lendemain de la révolution, Ferhat Rajhi, avait pris l’initiative de réorganiser en février 2011 son ministère, et dissous la cellule de renseignement antiterroriste, croyant par là même mettre fin à la police politique qui sévissait sous Ben Ali. Par la suite, Ferhat Rajhi fut lui-même "dégagé", et la police politique a poursuivi son activité. En revanche, la Tunisie s’est retrouvée sans cellule de renseignement spécialisée dans l’antiterrorisme. Vacance qui, à ce jour, n’est toujours pas réglée, le renseignement étant réparti entre différents services de police.
Selon nos informations, plusieurs agents de premier plan se sont émus ces derniers mois auprès de leur hiérarchie de ce qu’ils considèrent comme un signe de désorganisation susceptible d’expliquer notamment les fiascos de l’attaque de l’ambassade américaine à Tunis en septembre 2012, ou les violences de Douar Icher, en banlieue de Tunis.
Parmi eux, le directeur des unités d’interventions de l’antiterrorisme, un certain Samir Tarhouni, que nos lecteurs connaissent bien, puisque c’est lui qui a arrêté la famille de l’ancien dictateur le 14 janvier 2011, ainsi que nous le révélions mi-2011.
Outre la reconnaissance du rôle de sa brigade dans la révolution tunisienne (aucune version officielle n’a, à ce jour, été reconnue par l’Etat tunisien, malgré toutes les preuves et détails qui ont été rendus publics), Samir Tahrouni réclame à sa hiérarchie la création d’une direction générale de l’antiterrorisme au sein du ministère de l’intérieur, qui réunisse une véritable cellule de renseignement ad hoc, et sa propre direction d’intervention, qui dépend aujourd’hui de la direction générale des unités d’intervention, au même titre, par exemple, que l’unité de protection des personnalités. Faute de quoi il présentera sa démission.
La situation est, il est vrai, particulièrement délicate en cette période d’instabilité, comme le démontrent ces dernières semaines les affrontements entre les militaires et un groupe terroriste mi-tunisien, mi-algérien, dans le djebel Chaambi (les brigades antiterroristes, elles, n’ont pas été sollicitées par leur hiérarchie), et le bon documentaire des confrères David Thomson et Hamdi Tlili, diffusé le 11 mai sur Arte, qu’on peut (re)voir là :
Et pendant ce temps là, comme le résumait si bien mercredi le tweet de la directrice de l’ONG Al Bawsala ("La boussole", qui s’occupe notamment du monitoring de l’activité de l’Assemblée nationale tunisienne) :
- A part ça, tant de choses, alors il faut bien choisir, et notamment cet éclairage continu et de qualité sur la situation au Yémen, que nous prodigue Lavoixduyemen, à suivre aussi sur twitter @Nefermeet. Cette semaine, un article très éclairant sur les rapports compliqués entre corruption et journalisme.
- Un peu de cinéma pour finir, quand même, avec ce nouveau festival à Marseille. Du 28 mai au 2 juin, auront lieu les premières rencontres internationales des cinémas arabes. 50 films projetés, 59 intervenants invités… Une conférence de presse à Cannes le 17 mai, et surtout un site internet pour prendre connaissance du programme et des ateliers.
La semaine Maghreb-Machrek, l’actualité du Très Grand Moyen-Orient, c’est tous les jeudis soirs (sauf quand il y a des ponts), ici même (une remarque, une info, une envie ? C’est là: pierre.puchot@mediapart.fr, et sur twitter @PierrePuchot)