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Billet de blog 27 janvier 2014

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Le protectionnisme solidaire

Ceci est une réponse au billet d’un Socialiste Patenté (c’est là la vraie signification de PS, car il est bien connu que ce parti a un tropisme anglophile, dirais-je – restons ingénus –, et qu’à défaut de mouliner dans le vide selon les préceptes de la philosophie Shadock, les anglais faisant les choses à l’envers les lettres du sigles s’en trouvèrent inversées).

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ceci est une réponse au billet d’un Socialiste Patenté (c’est là la vraie signification de PS, car il est bien connu que ce parti a un tropisme anglophile, dirais-je – restons ingénus –, et qu’à défaut de mouliner dans le vide selon les préceptes de la philosophie Shadock, les anglais faisant les choses à l’envers les lettres du sigles s’en trouvèrent inversées).

On s’essaie donc à l’ingrat service après vente du fumeux “observatoire des contreparties” (lui par contre est bien franco-français, car nul doute qu’il moulinera dans le vent ; il aurait mieux valu initier nos caciques à la farniente : ils nous pomperaient moins l’air) ; je me suis naturellement cru dans le devoir de répondre, afin de donner mon opinion qui vaut bien celle d’un autre. Une réponse en appelant une supplémentaire… me voici à créer ce long billet (dont la limitation stupide de la taille des commentaires en est l’unique responsable : donc si je vous ai fait perdre votre temps, le bureau des plaintes est chez Mediapart).

Certaines mauvaises langues diront que ma présentation est objectivement partiale, n’en croyez-rien : elle est subjectivement objective. Tout comme le reste du texte ; n’empêche que je suis sérieux : ma réponse est ma vision des choses, je ne porterai aucune responsabilité quant à la véracité des faits & interprétations raportées (j’ai tout écrit de mémoire). Je transmets cela as is, comme on dit en anglophonie.

Voici donc le fil :

23/01/2014, 14:35 | PAR PIERRE ROC

Je vois une autre alternative concernant la politique de la demande : les dépenses d’État, fléchées, réglementées. Je crois savoir que c’est d’ailleurs ce que Keynes préconisait, contrairement à la politique de la demande telle que vous la définissez, d’essence libérale, déjà.

D’une part en terme de services publics (pris au sens très large du terme), l’activité, le surplus de richesses créées restera nécessairement sur le territoire. Là où à l’heure actuelle c’est plutôt le contraire (ex. pour mon cas particulier : j’ai coûté une fortune à la collectivité pour ma formation, mais dans la recherche on est fortement incité à partir de France, la faute à pas de postes, car pas de crédits). À minima.

Ensuite en terme d’investissement, et là on a le champ libre, pour restreindre encore plus finement l’allocation de l’argent. Cette demande là peut très bien peser de tout son poids pour n’alimenter que des entreprises franco-françaises. Tant pis si c’est plus cher qu’ailleurs : le but est précisément de faire de l’investissement, c’est-à-dire faire monter les compétences locales.

Rajoutez à ceci le protectionnisme écologique, solidaire, tout ce que vous voulez…

23/01/2014, 15:37 | PAR MELGRILAB@YAHOO.FR EN RÉPONSE AU COMMENTAIRE DE PIERRE ROC LE 23/01/2014 À 14:35

Chacun est bien libre d'accommoder Keynes (tout comme Marx...) à son goût.

Votre proposition est plutôt d'esprit protectionniste. Le protectionnisme a toutes les vertus, sauf une : considérer que les autres aussi peuvent se laisser tenter par le protectionnisme... (C'est ce qui est arrivé entre 1929 et 1939, avec le résultat que l'on sait).

Et voici la réponse qui justifie la création du billet.

Mouai, c’est trop facile de rendre responsable une idéologie, une idée, une politique de la guerre ; voilà un artifice qui n’a plus prise sur moi-même et beaucoup de mes semblables. C’est un argument tout droit destiné aux imbéciles (je le fus, le suis-je encore ? là est toute la question…), prompt à servir la soupe à la populace, à se satisfaire d’une propagande facile afin d’emporter les masses à sa cause. Sans moi. De toute manière, il y a belle lurette que la populace s’est éprise de complotisme et autres vacuités politiques du même acabit.

Du haut de mes maigres connaissances économique, je dirai que vous avez bien pointé le nœud du problème en allant directement à la question du protectionnisme : tout ce résume à “oui ou non acceptons-nous le libre-échange international”. Problématique qui a à peu près deux cent ans – je suis en train de dévorer Une Histoire de la Révolution française de Éric Hazan. Miam.

Malheureusement pour vous, je n’adhère pas à cette vision de l’Histoire déterministe, où l’on trouverait la cause de la guerre de manière aussi aisée que vous le faites. Par ailleurs, je serai curieux de voir un jour une argumentation défendant une telle thèse, afin d’établir le lien de cause à effet du protectionnisme à la guerre, histoire de savoir un peu comment on peut s’en sortir avec ce genre d’affirmation aussi osée – osée du point de vue de la raison, car socialement parlant c’est un lieu commun, dont la popularité est à l’image de son détestable effet dans toute argumentation, si bien que l’on a fini par lui donner un nom : le point Godwin. Ce d’autant plus que dans ce cas-ci, Hitler n’était pas du genre protectionniste, mais plutôt expansionniste que je sache, de un, et que réduire la guerre à une seule cause me semble être plutôt une grande marque d’ignorance des processus historiques, et de deux. J’ai plutôt tendance à être dans une démarche qui me semble à la fois plus raisonnable et plus riche, qui consiste à multiplier les explications – et à ne me satisfaire d’aucune. Cela range, de manière quasi-automatique si je puis dire, le protectionnisme dans les causes marginales de la guerre.

Ceci dit, on peut se balancer encore des fleurs de ce genre longtemps comme ça, ou avancer, vous ne croyez pas ?

Je vais exposer ma vision des choses.

On a d’un côté des entreprises, des multinationales mais aussi de plus petites, qui se livrent une concurrence très dure, que ce soit au national comme à l’international. Cette concurrence fait partie du jeu ; d’un côté elle peut être très saine, car elle favorise l’émulation ; de l’autre, et c’est malheureusement le cas le plus courant vu de ma lorgnette, elle favorise la guerre entre les entreprises. Remporter un marché ou un contrat peut se réaliser en se faisant meilleur que l’adversaire, mais aussi en détruisant l’adversaire, surtout s’il est meilleur. Dans ce contexte, il n’est pas rare de voir des coups bas, de la corruption, et d’une manière générale des méthodes qui ne favorisent pas même les clients. On n’est donc très loin de la théorie économique, pour laquelle les agents “joueraient le jeu”, mouarf je me gausse… Par exemple, portant intérêt au logiciel libre, je vois bien tout le mal que peut faire la propriété intellectuelle dans ce mode concurrentiel délétère. L’offre et la demande dans un marché concurrentiel parfait, c’est le b.a.-ba de l’économie, quelque chose que l’on apprend en première année, le modèle standard à priori. Ce truc ne vaut pas tripette, mais tout le monde l’applique a priori à défaut d’autre chose. Dans la réalité, la concurrence détruit tout, ne subsiste qu’un champ de ruine et quelques grands vainqueurs qui raflent tous les bénéfices. Les marxistes ne le savent que trop bien, tus pour cette simple vérité sifflant aux oreilles de ceux qui s’en mettent plein les fouilles (concentration du capital, tout ça…).

Il se crée une division internationale du travail – j’ose espérer que vous ne me contesterez pas non plus ce point : que “la Chine est l’atelier du monde”, “l’Angleterre s’est reconstruite autour de la finance” et “l’Allemagne sur des marchés spécifiques de l’industrie”, l’informatique étant une spécialité toute américaine par exemple – d’une part, et une concurrence forcenée d’autre part. Je renvoie à la théorie des avantages comparatifs, qui sert d’argument massue à la défense du libre-échange, mais qui en est aussi sa plus grande perte. En effet cela oblige à des tensions entre les pays, paradoxalement couplées à une inter-dépendance économique – l’on appelera cela une contradiction du capitalisme pour faire plaisir aux quelques marxistes qui traineraient par là !

Je ne prendrai qu’un seul exemple : la Chine possède une bonne petite partie de la dette américaine, et les américans ne sont pas fans à l’idée de payer. Or on ne peut guère reprocher à chacun de défendre ses intérêts, et ici la Chine fait entendre ses arguments : les USA vivent très largement grâce au travail des Chinois (sur leur dos oserais-je dire), tandis que les USA ont la force militaire pour eux. L’ont dira avec pudeur qu’il y a un avantage comparatif à développer le militaire. En fait, ce serait dans la théorie des avantages comparatifs, la politique qui donne la stratégie gagnante à tous le coups : on profite alors de la production de tous les pays sous notre coupe (pétrole et autres matières premières ainsi qu’industries). Il y a une histoire récente à ce propos, qui prèterait à rire si la leçon à en tirer n’était pas aussi lourde, partie de propos d’un gosse pour en faire une affaire d’États (ce qu’il y a de sympathique avec le enfants, c’est qu’ils sont le miroir du monde des adultes débarassé de leur hypocrisie & moralité) : de mémoire, un animateur télé demandait à un gosse comment les USA allaient payer la dette aux chinois. C’est que chez les yankees l’éducation politique commence au plus jeune âge et ne se fait pas dans les camps mais sur un plateau télé au vu et au su de tous. Et le petit ange a intelligement répondu : « tuons-les tous, il n’y aura plus de problème ». Incident diplomatique ; c’est que le gamin avait mis le doigt là où ça fait mal. Les tensions entre Chine et USA sont réelles, et ces tensions ont bien pour origine leur inter-dépendance économique.

Comme pointé par un autre commentateur – je l’en remercie –, le protectionnisme existe bel & bien, activement employé par le Gouvernement des États-Unis d’Amérique et la République Populaire de Chine, comme moyen de garder l’avantage dans la concurrence économique mondiale. La première vision politique qui vient à l’esprit, de peu d’envergure il faut bien le reconnaître, consistera à prétendre que puisque les autres font ainsi, faisons de même – et désolé si je vexe le dit commentateur.

À ce stade, je me débarasse de la bien-pensance, pour redéfinir un mot du vocabulaire : il ne s’agit pas de concurrence, mais de guerre économique entre nations. Je pèse mes mots, et là encore l’exemple des relations Chine-USA suffira à convaincre. Un autre exemple plus local : il ne faut pas oublier que dans la jacquerie bretonne récente, il est question d’une filière agro-alimentaire très largement internationalisée, dans le sens où les produits s’exportent et les clients ne sont pas tout spécialement Français, rendant l’économie française, donc la stabilité politique française, donc la paix civile, dépendante de la situation économique mondiale. L’exemple breton est un exemple parfait, où salariat et patronnat se sont retrouvés, et n’auraient eu aucun mal à réclamer le protectionnisme si ça avait plus été dans l’air du temps, dans tous les cas leurs revendications en étaient proches : appel à l’État pour résoudre l’immense problème que pose l’avenir de la filière en Bretagne, les subventions passées n’étant qu’une forme de protectionnisme. Il est bien connu aussi que les filières agricoles du “nord”, très largement subventionnées (cf. la Politique Agricole Commune), rendent impossible le moindre développement d’une agriculture du “sud” étant donné le distance énorme qui les sépare de la productivité et de la rentabilité d’un filière mécanisée, intensive, basée sur les engrais chimiques et autres pesticides, et très largement subventionnée.

Disons le tout net : ce protectionnisme là, je n’en veux pas. C’est un protectionnisme qui a un double avantage, au bénéfice du patronnat.

En premier, c’est un protectionnisme qui achète la paix civile, comme je le suspecte des délocalisations des années 90 notamment, dont le bilan global aurait été celui d’une augmentation du niveau de vie, certe en créant du chômage, mais aussi en réduisant drastiquement les prix à la consommation grâce à l’import. Le coût humain chez ce que vous appellez « nos fournisseurs » est absolument terrible car tout ceci s’opère sur le dos des ouvriers étrangers – esclavagisme des temps modernes (on a tous en mémoire les très régulières histoires qui ressortent sur les conditions de travail, des pays du sud-est asiatique notamment). L’argument usuel pour défendre un tel état des lieux, c’est de signaler que les Chinois, par exemple, accèderont au statut des classes moyennes occidentales. Rien de plus faux : on aura toujours besoin d’emplois très peu qualifiés, dévolus aux pays les moins developpés dans le cadre de la division internationale du travail. Ainsi, l’on voit maintenant qu’apparaissent, suite à la crise, des revendications salariales de la part des Chinois, et donc (business as usual) des délocalisations vers le reste du monde asiatique, tout comme quelques décennies auparavant la Chine a bénéficié de son faible coût de main d’œuvre vis-à-vis des économies industrialisées d’Asie. J’ai bien le sentiment que cette histoire est sans fin, et que les multinationales sauront jouer à saute-mouton, de pays en pays, en fonction des “conditions d’accueil”, drôle de terme quand il s’agit ni plus ni moins que de trouver le pays au régime le plus oppressif qui soit, condition nécessaire à une population servile. C’est le dumping poussé à sa plus extrême limite.

En apparté, je me vois dans l’obligation de signaler que le protectionnisme est une étape indispensable dans le développement d’un pays, avant d’affronter la concurrence internationale. D’ailleurs les grands pays industrialisés et ceux qui ont réussi à se développer, hypocrites, prônent le libre-échange pour les autres, mais ont très largement fait appel au protectionnisme par le passé afin de créer un tissu économique et industriel dense sur leur propre territoire.

Une synthèse pour mon premier point : le “libre-échange”, c’est avant tout la paix civile en occident, par l’extinction toute virtuelle du conflit des classes, et l’exploitation horrible en orient – au sens très large, puisque l’Europe de l’est en ferait partie –, tout ceci aboutissant à une lutte des classes (moyennes vs. ouvrières) à l’échelle planétaire. Il faut. être. com.plè.tement. taré. pour défendre un tel état du monde.

Et j’en viens au second point : étant admis le marché mondial, le protectionnisme tel que les capitalistes le conçoivent est celui qui leur permet, à la fois de se protéger des concurrents internationnaux sur le plan national, de se réserver un marché pour le développement, et de servir d’arme afin d’affaiblir les dits concurrents. Nous voyons donc des “économistes” (hum…) de “gauche” (hum…), tels Sapir ou Todd, défendre le protectionnisme – et en guise de pique, je vous ferai remarquer que Todd est farouchement pro-Hollande : ces affinités ne sont pas étonnantes, car notre Emmanuel national est lui aussi expert ès concepts fumeux tels le “hollandisme révolutionaire”… Il y a cette idée fondamentale de se servir du protectionnisme comme moyen contre le monde extérieur menaçant par définition, n’est-il pas ? du moins dans leur propagande. Ceci afin de se protéger de la concurrence internationale et surtout, surtout, de racheter la paix civile. Car Sapir et Todd, plus intelligents – ou que je suspecte surtout plus loquaces&démago. – que les autres élites, ne cessent de mettre en garde leurs comparses que la situation… craint un peu, voyez-vous ? et savent très bien qu’ils auront chaud aux fesses si la situation intérieure dégénère. D’où l’intérêt d’ailleurs du protectionnisme à l’échelle européenne tel que prôné par Todd : il compte vraisemblablement sur l’existence en Europe de l’est d’une main d’œuvre suffisament bon marché, et déjà très largement exploitée, pour pouvoir faire perdurer une économie européenne très compétitive sur le plan mondial, tout en assurant la paix civile à l’ouest.

Nul doute ici que le protectionnisme des uns entraînera le protectionnisme des autres pays. Pas besoin d’effrayer la ménagère dans sa chaumière en invoquant, tabou d’entre tous, la guerre de 39 (réservez donc cela aux dieudonnistes tout excités que l’on parle de leur gourou et de leurs obsessions perverses) : c’est inscrit dans les textes qui régissent les relations internationales. Si je ne m’abuse depuis 94/95 date à laquelle le GATT devient OMC, en changeant les statuts au passage pour y inclure le libre-échange en lieu et place de la réciprocité des échanges comme objectif du commerce mondial. C’est tout ce qu’il y a de plus officiel : une sanction peut être appliquée contre un pays si sa politique économique internationale n’est pas suffisament libre-échangiste, sanction qui prend la forme d’un protectionnisme dirigé contre le pays en question.

Mais voyez-vous, je vous laisse ce protectionnisme-ci et m’en lave les mains. Ce protectionnisme est simplement la conséquence logique du libre-échange – et inscrit comme tel dans les traités… de libre-échange –, et nul doute qu’avec la montée des tensions aussi bien intérieures qu’internationales – et ces tensions ne ferons que s’exacerber croyez-moi ! – on y viendra, comme les autres. Pire. Vous y êtes déjà mais vous ne le saviez pas : car j’ai déjà eu écho de quelques mesures et contre-mesures protectionnistes de ce genre là, impliquant la France, envoyées comme de petites fleurs à l’ennemi.

Il s’agit ici d’abandonner cette logique infernale du capitalisme contemporain – plus de deux siècles tout de même ! – qui mène indubitablement à la guerre (oups ! aurais-je commis ce que je vous reprochai ?). Et pour tout vous dire, votre croyance infondée en le fait qu’il suffirait de ne pas faire le protectionnisme, tient au fond plus de l’idéalisme petit-bourgeois, que du matérialisme historique – que voulez-vous ? vous m’avez donné l’autorisation, alors j’accomode Marx à l’envie, et je ne résiste pas au désir d’écrire de grands mots dont je ne pige que tchi, parce que ça fait classe de pêter plus haut que mon cul… Je disais donc : en effet, vous ne pourrez pas lutter contre la masse de chômeurs qui se présenteront prestement à vos portes et sous vos fenêtres bourgeoises, emmenés par quelques leaders (kézako ?) démago., leaders n’étant pas ici ceux que l’on croit pré-désignés à la vindicte populaire. Et cette masse là ne tardera pas à réclamer le protectionnisme. Et des plus infâmes : Todd, Sapir &co – Lordon y vient je crois bien – travaillent ce bon peuple de gauche, le labourent même, et en profondeur. Voyons qui nous portera

L’ironie étant que je suis au chômage. Je réclame donc le protectionnisme… solidaire. Solution la plus potable de toutes. Déjà parce que ça sonne bien, et que c’est du plus bel effet à la 1984 auquel nous ont habitué tous les publicitaires, de l’industrie ou de la politique (indistinctement car la politique contemporaine n’est rien moins que l’industrie des masses) : « si un mot fait peur, collez lui au cul un mot qui fait pas peur ». Tandis que les “socialistes”, moins talentueux, en sont encore à ce que l’on désigne par la belle image de l’écran de fumée : la méthode de propagande est plus bourrine, je vous l’accorde, mais ils en ont les moyens vu qu’ils sont au pouvoir ; à chaque semaine son lot et le bon peuple de gauche navigue en plein brouillard.

Ceci étant, vous préconisez la dévaluation salariale, car il s’agit bien de la vocation du PS en toute fin d’analyse, qu’il le veuille ou non : cf. la propagande incessante sur la baisse des mal nommées charges et la ponction sur les travailleurs pour reverser les subsides sans contreparties et tout au profit du capital – ou si peu… si ce n’est un hochet nommé observatoire. Cette dévaluation salariale n’a rien à envier, en violences sociales, à la dévaluation monétaire, et encore moins au protectionnisme. Les peuples préferreront la guerre à l’errance de la misère, car le conflit offre la possibilité d’un dénouement heureux, certes après d’immenses sacrifices (who cares ? certainement pas les têtes d’ampoules qui nous gouvernent), là où ne subsisterait carrément rien de plus qu’une désespérance.

Notez enfin que « pendant deux ans et demi, les financiers de toute nature ont placé d’impressionnants montants de capitaux, obtenus pour quasiment rien auprès des banques centrales occidentales, dans les pays émergents afin de profiter des taux très élevés que ceux-ci offraient et d’empocher la différence. » Il faut donc croire que même leur politique ne peut se passer d’un minimum de contrôle des mouvements de capitaux. Ainsi « l’Afrique du Sud ne semble plus si sûr [pour les financiers], compte tenu de ses difficulté sociales », et « les financiers devraient obtenir ce qu’ils recherchent : tétanisées par la perspective de déstabiliser l’ensemble du système monétaire, les banques centrales risquent de ne pas réduire de sitôt leur distribution d’argent quasi gratuit auquel les financiers sont devenus totalement “accros” » : si ça ce n’est pas mener une guerre des classes, je serai prêt à manger mon chapeau.

Tout cela pour signaler que les mesures protectionnistes ce n’est pas la “fermeture des frontières” comme vous aimeriez bien nous le faire croire. C’est l’ensemble des mesures visant à donner avantage aux entreprises locales dans la compétition à laquelle elles se livrent sur le marché mondial. L’échelon auquel on déploie la “protection”, nationale ou européenne, importe peu, ni même sa nature, que ce soit contrôle des frontières – encore faut-il savoir si l’on parle de capitaux, marchandises, matières premières ou migration –, subventions d’entreprises exportatrices, politique du taux de change, etc.

Le protectionnisme solidaire est tout autre chose. Et c’est ce dont je veux vous parler.

Bien sûr, c’est un concept récent, qui n’est pas encore très bien défini et succeptible de débat, mais on en connaît déjà les grandes lignes. Son but général n’est pas tant de protéger contre les autres pays, déjà manière nationaliste de définir nos rapports au monde, mais de combattre avant tout le capital internationalisé – et cela vaut aussi pour le capital français. C’est avant tout un moyen mis au service de l’intérêt général, s’entendant comme celui des travailleurs. Il vise le respect d’un certain nombre de normes sociales et environnementales.

Bien qu’un protectionnisme européen est envisageable – tout dépendra des rapports de force avec le reste de l’Europe –, le protectionnisme national est incontournable, d’un part parce que la très grande majorité des échanges français restent cantonnés aux autres pays européens et d’autre part pour combattre le dumping organisé au sein de l’Europe, notamment par la mise en concurrence des travailleurs de l’est. Là encore je réfute l’argument qui prétend vouloir faire augmenter le niveau de vie des populations de l’est : contrôle de la migration, gouvernements de plus en plus autoritaires, plus particulièrement destruction de l’économie grecque ; la pression opérée par le capital pour disposer d’une main d’œuvre à bas coût rentre en confrontation directe avec les aspirations d’une population dont le niveau de vie augmenterait. À la fin, c’est le capital qui gagne.

C’est que le libre-échange impose une augmentation des inégalités, non pas seulement entre les pays, mais aussi à l’intérieur des pays ; c’est un fait économique incontestable. Il en résulte une violence sociale exacerbée que seule une violence étatique, très largement possédée par le capital, peut contenir. Au contraire, le protectionnisme engendrera un flux de revenus à travers la perception de taxe de douanes. Ils pourront alimenter une aide au développement des pays pauvres et c’est là une première mesure concrète.

Outre les droits de douanes, l’interdiction pure et simple de l’import est envisageable pour les pays d’origine ne respectant pas un minimum la dignité des travailleurs, ou encore un certain nombre de normes écologiques. Ici c’est un choix politique, là où un revenu lié à la douane rendrait de facto l’État, et donc nous tous par ricochet, complices de certains crimes (travail des enfants, dans des conditions dangereuses, altération de l’environnement naturel, par exemple), l’interdiction pose une limite que l’on pourrait qualifier de morale. En poussant ainsi bien plus loin que les normes internationales en vigueur, on peut contrecarrer efficacement la pression constante sur les coût de production, pression exercée par les multinationales sur les pays sous-developpés.

Pour le reste, les taxes seront calculées sur la base de l’estimation du différentiel des “coûts du travail”, comme les capitalistes aiment à l’appeler : ainsi il n’y aura plus d’avantage comparatif à avoir une main d’œuvre peu rémunérée ; on peut même se prendre à imaginer un système incitatif qui surestimerait la taxe d’importation, afin de “suggérer” aux gouvernements étrangers de prendre des mesures favorables à leur population (augmentation des salaires), pour obtenir un avantage compétitif sur notre marché intérieur.

Mais le protectionnisme ne se réduit pas aux douanes. Outre le contrôle des flux de marchandises, le mouvement des capitaux se doit d’être très finement borné. Ainsi, on peut obliger les investisseurs à déposer une garantie à la banque centrale : en cas de délocalisation (et autres critères à définir) ils perdront ce dépôt. Toujours dans la même gamme d’idée : l’investissement financier sera bloqué à la banque centrale pendant un an. Ce sont là des exemples de mesures propres à décourager les investissement financiers jouant sur la spéculation, très volatiles, sans pour autant faire fuir les investisseurs étrangers sérieux. Le Brésil a déjà mis en application une telle politique.

En supplément, le code des marchés publics doit pouvoir être réviser, là encore pour obliger les entreprises à satisfaire un certain nombre de normes environnementales et sociales si elles veulent pouvoir prétendre aux commandes publiques.

Enfin, une attention toute particulière pourra être portée contre les entreprises qui délocalisent, par la taxation écologique (proportionnelle à la distance parcourue par la marchandise), mais aussi en les surtaxant. Ceci est nécessaire à une politique plus générale de relocalisation de l’économie visant à reconstituer et élever le savoir-faire local.

Mais c’est impossible, la France n’a pas les moyens ! me direz-vous. Il est vrai que c’est le credo du PS que de courber l’échine. Mais ne pas essayer est aussi le plus sûr moyen d’échouer.

Distinguons deux niveaux de difficultés. Le premier, purement pratique, se résoud aisément : il faudra reconstituer le corps des douanes, (re)mettre en place des structures de contrôle des mouvements de marchandises et de capitaux. Les compétences pour surveiller les flux existent déjà, que ce soit dans le secteur public, par exemple à l’INSEE, ou dans le secteur privé, par exemple l’évaluation fine des coûts de production, en fonction des pays et des composants d’un assemblage, est une pratique industrielle courante qui servira directement à l’évaluation des taxes.

Le problème tient plus au second niveau de difficultés, à savoir le rapport de force politique. Du moins le croit-on. Cela tient à mon avis à une analyse très superficielle de l’état des échanges internationnaux. Sans prétendre que cela sera facile, il y a de bonne raison de penser qu’il n’y a là rien de rédhibitoire.

En effet, notre balance commerciale n’est pas homogène d’un pays à l’autre. Il se trouve que nous importons des pays moins développés, et que le rapport de force étant ce qu’il est, il n’y a pas à craindre de représailles de ces pays. Tandis que les pays plus puissants ne sont pas les pays desquels nous importons le plus – je reconnais qu’il faudrait quantifier tout cela. Comme les mesures protectionnistes solidaires seront avant tout dirigées contre les gouvernements des pays sous-developpés, et en faveur de leur population nous l’espérons, nous avons la puissance nécessaire, cette même puissance qui est utilisée à l’heure actuelle pour faire pression à la baisse, à travers le dumping.

Le problème tient plus aux grandes puissance internationales. Ici, en restant encore très qualitatif – cela demanderait un effort qui dépasse de très loin le but de ce billet, déjà bien trop long – je pense que les inconvénients sont très largement surestimés, et ce n’est pas la perte de quelques marchés qui devrait être un frein. Certe, Marise Burgot ne manquera pas de relayer complaisemment les mesures coercitives du gouvernement américain, lorsqu’il s’agira de couper court au libre-échange avec ce pays. On aura droit encore à de magnifiques reportages – ironie… – sur le drame que fait peser la gôche irresponsable sur la filière du fromage du Cantal, suite aux représailles des États-Unis par l’interdiction d’import de produits franco-français. Mais notez qu’il s’agit ici avant tout de propagande, par la mise en avant de produits très symboliques. Je suis absolument certain qu’il sera possible d’apporter une aide financière momentannée à ces filières directement attaquées. Du reste il sera dans l’intérêt des pays de puissance et de normes sociales équivalentes à la France d’aligner leur position sur les nôtres, subissant eux aussi les affres de la concurrence internationale. Ainsi on devrait pouvoir réorienter les filières exportatrices touchées par les mesures coercitives vers des pays qui jouent le jeu coopératif. Cela devrait fournir une solution à plus long terme tout à fait convenable. Mais il s’agit ici de redéfinir la politique internationale française, et ceci est une autre histoire…

Documents

Exemple d’un article publié par l’INSEE, Les délocalisations au cœur de l’expansion du commerce extérieur chinois. Il permet d’avoir une vue plus lucide de la situation, très loin des lieux communs – que je participe très probablement à répandre –, sur l’économie chinoise.

Encore peu de documents de la part du Parti de Gauche. C’est que la réflexion semble loin d’être aboutie. Une petite vidéo des derniers “remue méninges” donne tout de même le la. Ils sont dans la bonne direction, c’est l’essentiel ! :)

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